La rhétorique extrémiste en général et la rhétorique terroriste en particulier sont une forme de violence verbale dirigée contre le destinataire pour l’influencer et le persuader de porter les armes contre l’autre. A partir de là, ce discours constitue un facteur fondateur et un moyen inévitable pour tout groupe terroriste visant à pousser le public à commettre des actes terroristes. Al-Qaïda s’est caractérisée par son utilisation de la rhétorique extrémiste.

Cet article vise à mettre en évidence à travers l’analyse discursive les caractéristiques et la nature du discours extrémiste. 

Ce type de discours se base sur deux axes: La construction et la rhétorique du langage du discours, et le côté cognitif et comment le manier pour atteindre le maximum d’influence, ce qui contribue à le décortiquer et à clarifier son mécanisme d’action, visant à ébranler les idées du destinataire, à le persuader puis le contenir.

Le Professeur des Sciences de la Communication, à l’Université de San Francisco, «Joseph Toman», affirme que du point de vue des sciences de la communication, le «terroriste pourrait aspirer à terroriser la population et semer la panique et le désordre, ou attirer l’attention sur une question qui a peu d’effet dans les médias, ou obliger le gouvernement ou une institution quelconque à se soumettre aux exigences des terroristes». 

Quels que soient le lieu et le moment de l’événement terroriste, l’un des fondements dont dépendent les groupes terroristes dans leurs messages est de convaincre le public de la légitimité de l’acte terroriste, ou du projet djihadiste selon le jargon d’Al-Qaïda, et ce en utilisant des symboles linguistiques, en se référant aux événements historiques et en invoquant les problèmes sociaux.

Ainsi, le terrorisme assume des tâches rhétoriques prépondérantes, une idée confirmée par "Ralph Dowling", qui a indiqué que le terrorisme poursuit souvent des fins rhétoriques, c’est-à-dire qu’il cherche à influencer les destinataires et à les persuader du bien fondé de l’acte terroriste, pour trois objectifs:
1.    Éviter qu’on prenne position contre ses idées.
2.    Communiquer une position (quelconque) concernant l’acte terroriste et les ennemis.
3.    Provoquer une réaction tant soit peu favorable à son discours.

Aussi, le discours terroriste est-il considéré comme un acte rhétorique visant à encourager et à élever les masses contre les autorités? Les terroristes d’Al-Qaïda tissent dans cette perspective des discours oratoires sous le slogan de (Défendre la nation) et de (Protéger la religion), c’est-à-dire qu’ils propagent l’idée que (Nous sommes bons), pour justifier leurs actions terroristes. Selon cette stratégie, ils n’hésitent pas à utiliser un langage émotif et persuasif, qui véhicule leurs messages aux masses.

Dans le cadre de la recherche de partenaires et pour recruter des partisans, le contenu de la rhétorique terroriste repose sur deux facteurs: "Être différent de l’ennemi", présenté de manière humiliante, et "être bien identifié", et avoir des points communs avec le Destinataire. C’est pourquoi les terroristes s’appuient dans leurs discours sur le symbolisme, les effets dramatiques, et un ensemble de règles oratoires.

Le chef terroriste, porte-parole d’un groupe, évite toujours de fournir des déclarations abstraites et des motifs vagues. Il s’appuie sur des hypothèses logiques bien organisées, un discours polémique bien argumenté, et un fil conducteur des différents éléments de son topo, qu’il soit historique, intellectuel ou de toute autre nature. Le terroriste donne à son discours ce que nous pourrions appeler "la force d’attraction", qui en fait une sorte de message stratégique. À cet égard, le terrorisme apparaît à cet égard, selon «Heath et O’Hare», comme un moyen par lequel "une personne ou un groupe ayant une autorité limitée essaie d’attirer l’attention sur ses opinions".

Quant à ce que nous appelons "la force d'attraction", le Professeur Patricia Palmerton dit: "La force des terroristes et de leurs actions terroristes réside dans le fait qu’ils démontrent l’incapacité des gouvernements à répondre avec force et qu’ils ont tort d’utiliser la force actuelle pour dissuader". 

Une autre idée utile est présentée par l’écrivain "Brown", qui indique que le terrorisme exerce "une fonction symbolique" qui tente de redéfinir la réalité, par la langue, en cherchant à partager les significations avec l’intention de communiquer, ainsi que de redéfinir ses relations avec le pouvoir en place. Leurs messages véhiculent leur façon de penser la réalité sociale et les changements qu’ils entendent mettre en œuvre. Les terroristes offrent ainsi une sorte de "réalité adaptée", qui correspond à leur vision du monde et à leurs attentes en matière de changement, se traduisant par une nouvelle définition de l’ensemble de la situation politique et sociale.

Dans ce contexte, Ayot et Moore pensent que le discours est une composante essentielle du terrorisme, et non un élément complémentaire ou esthétique, "le terrorisme est stratégique en soi, et non aléatoire, cherchant toujours à dominer le sens et à renforcer le soutien stratégique de l'opposition", disent-ils. À cet égard, nous pouvons dire que les objectifs que les terroristes se sont fixés dans leurs discours comprennent l’établissement de points de rencontre avec le public et de points de désaccord avec les politiciens, en s’appuyant sur des arguments qui justifient leurs actions et déforment les faits et les motifs des autres.

Le terrorisme en général, et le terrorisme d’Al-Qaïda en particulier, est devenu un outil efficace et nécessaire pour la lutte et le contrôle, non seulement aux niveaux politique et économique, mais aussi pour dominer la narration de l’histoire. Heath et O’Hare disent: "La nature oratoire du terrorisme dévoile sa substance". Il semble que les terroristes soient conscients que si la guerre avait lieu, il faudrait la mener d’abord au niveau oratoire. Ils se sont rendu compte que malgré leur déficience médiatique et les restrictions auxquelles ils étaient soumis, le plus important était d’établir une structure oratoire logique, basée sur la lutte contre un ennemi présumé qui correspond (la force du mal), à combattre sans relâche, pour l’éliminer et l’éradiquer.

Al-Qaïda soulève de la sorte une nouvelle terreur à l’ère numérique (cybernétique). Son discours viral est ravageur, car il a une incroyable capacité à produire une narration cohérente, convaincante et socialement acceptable, selon Jordan et Calvo. L’auteur Toman note que "les caractéristiques du discours terroriste constituent un facteur déterminant sur la manière avec laquelle les médias traitent le phénomène terroriste en soi". L’auteur confirme l’existence d’outils rhétoriques terroristes qui affectent l’élaboration du concept même du terrorisme.

Il apparaît d’autre part que le discours d’Al-Qaïda ne cible pas un groupe idéologique spécifique, mais plutôt tous les musulmans du monde, en parlant au nom de la sainte religion, afin de toucher toute la société déçue et frustrée par la mauvaise situation dans laquelle elle se trouve.

En général, il est possible de dire que le discours djihadiste d’Al-Qaïda combine une série de discours alimentés par deux idées fondamentales: D’une part, il instrumentalise toutes les données historiques, religieuses, culturelles, politiques et sociales. D’un autre côté, il présente l’organisation comme une condition sine qua non pour conquérir la liberté, et assurer ensuite le retour aux pratiques authentiques de la religion islamique. Ainsi, nous sommes confrontés à un discours spécifique, qui doit être minutieusement étudié, à deux niveaux: En tant que discours djihadiste et en tant que pratique du djihad.

Il faudrait à ce niveau distinguer deux questions dans le discours d’Al-Qaïda, à savoir: Le discours djihadiste d’une part, et le discours sur le djihad d’autre part. Dans le premier cas, il est question d’un discours oratoire et belliqueux qui fait la propagande du combat. Dans l’autre cas, le discours véhicule un contenu stratégique djihadiste explicite, car il révèle les voies et les moyens à suivre pour participer réellement à la bataille.

Il est clair que le discours terroriste se caractérise par une somme d’arguments et de preuves disponibles dans presque tous ses sermons, ce qui signifie que nous sommes confrontés à un discours explicatif explicite, qui fournit une série de preuves, d'arguments et de démonstrations, visant à planifier et justifier la mission du djihad à un public cible spécifique. Sur cette base, nous pouvons affirmer qu’il s'agit d’un discours en chaîne, où tous les éléments sont interdépendants, et qui perd sa cohésion si l’un de ces chainons est rompu.

La rhétorique terroriste est une sorte d’allégation grandiloquente qui cherche à prouver ses assertions, étayer ses arguments, conforter ses partisans supposés et polémiquer avec les indécis, visant par là à unir ses destinataires face à une menace permanente.

En conclusion, il est possible de dire que la rhétorique terroriste d’Al-Qaïda se résume en un message qui se porte responsable de défendre la nation tout entière, sans que quiconque ne le lui demande! Il implique l’autre (le destinataire ou le public) et lui impose une responsabilité qui ne lui incombe pas. De même, ce discours est un cercle vicieux, qui part de la religion et se recroqueville sur elle, tout en s'efforçant de sanctifier l’histoire de la nation islamique dans le but de séduire son public et de dénaturer ses idées pour servir ses propres intérêts.