Le départ de nombreux jeunes musulmans en général et d’Arabes en particulier, aux zones de conflit et de combat depuis le début de la première guerre d’Afghanistan contre l’Union Soviétique, puis lors de la guerre contre les États-Unis d’Amérique, ainsi que pour participer aux conflits en Tchétchénie, en Bosnie-Herzégovine, en Somalie et dans certaines régions d’Afrique, ou bien aux hostilités en Irak et à la guerre dévastatrice en Syrie, tout cela a engendré des situations à risques et des craintes sécuritaires, sociales, culturelles et intellectuelles, qui se sont confirmées suite au retour à leurs patries de ces jeunes ayant formé les premiers noyaux des cellules extrémistes optant pour la violence et les actes terroristes qui ont vu le jour dans la plupart des pays arabes et islamiques.

L’attrait de l’extrémisme!

Cette ruée de jeunes arabes et musulmans vers les régions des conflits sanglants et des combats violents, en particulier en Syrie, soulève de nombreuses questions sur les raisons de tout cela, et si des caractéristiques psychologiques, sociales ou culturelles distinguaient ces jeunes arabes et musulmans des autres, pour les inciter à se rendre dans ces régions, bien qu’ils soient conscients du danger auquel ils sont exposés et de l’incrimination de s’y rendre, selon les juridictions en vigueur ou les fatwas émises par les institutions scholastiques et les érudits dans leurs pays. 

Ce qui est vraiment frappant, c’est la capacité des organisations terroristes à attirer les jeunes, à les inciter à rejoindre leurs rangs et à les recruter, ce qui a donné à ces organisations plus de vigueur et les moyens de survie, grâce à ces jeunes cadres enthousiastes, de différentes nationalités et cultures et de diverses disciplines, capables d’assumer toutes sortes de tâches et de fonctions. C’est pourquoi, ces organisations ont pu s’adapter et diffuser leur pensée et leur mode de vie. Ainsi se posent de nombreuses questions sur le secret de la force d’attraction qu’exercent sur la jeunesse ces organisations extrémistes et terroristes.

Vide psychologique

En réponse à cette problématique, il a fallu mener une étude objective, basée sur une approche scientifique cohérente appuyée par l’expérience dans le domaine de la sécurité et de la réhabilitation, afin de présenter une vision plus précise qui diagnostique la situation, qui soit plus proche de la vérité de cette problématique, et qui aide les responsables de la lutte contre l’extrémisme à mieux comprendre la situation pour pouvoir développer des plans qui empêchent les jeunes de se rendre à ces milieux incubateurs du terrorisme, tout en ayant en même temps la capacité d’accueillir les jeunes rapatriés de ces régions et de les réhabiliter idéologiquement et sur le plan des attitudes, que ce soit pour conjurer leur danger et les réintégrer dans la société, ou pour empêcher qu’ils ne soient instrumentalisés de nouveau  dans des actions hostiles à leurs pays.

Les résultats des études ont indiqué que le secret réside dans les jeunes eux-mêmes, et dans les circonstances qui les entourent, ayant fait de chacun d’eux une proie facile pour ces groupes qui se présentant en guise d’alternative idéale répondant à leurs aspirations et à leurs besoins. Par conséquent, le comportement violent apparaît initialement comme un sentiment personnel ressenti par l’extrémiste et un état psychologique qui constitue la base de toutes ses actions sujettes aux influences externes, ce qui se manifeste dans la pratique par un comportement violent sous diverses formes, et divers aspects extrémistes, épousant toutes sortes de causes politiques, nationales, religieuses, intellectuelles et confessionnelles.

Nous constatons, en effet, que ces groupes, en particulier l’Organisation (Daech), ont profité des mauvaises conditions (politiques, économiques et sociales) vécues par les jeunes dans leurs sociétés, tout autant que du vide spirituel et de l’instabilité psychologique dont ils souffraient pour leur adresser un discours affectif capable de combler leurs manques en promouvant des slogans séduisants et prometteurs, faisant croire aux jeunes qu’adhérer à ces groupes, les soutenir ou du moins sympathiser avec eux, est en fait une sorte de soutien à l’islam et aux musulmans, et une manière de hisser haut l’étendard du monothéisme, face à l’injustice et la corruption qui affectent le monde islamique, la persécution dont ils souffrent et le pillage systématique de leurs biens et de leurs ressources.

Ces groupes maîtrisent l'art du discours affectif qui bouleverse l’âme et les émotions grâce à sa rhétorique émouvante, et ses descriptions saisissantes, déclamées dans des chants enthousiastes et pathétiques, usant en cela de technologies numériques de pointe pour promouvoir leurs idées socialement acceptables, mais en vérité trompeuses et profondément hypocrites et dans lesquelles ils prétendent avoir remporté des victoires sur les ennemis de Dieu. Ils exercent de cette façon leur influence sur les âmes et les esprits des jeunes mentalement préparés à ce discours, car ces écervelés perçoivent les exploits que miroitent cette propagande comme une compensation à leur impuissance et à leurs faiblesses, et se pressent d'accepter le joug de ces groupes, à la recherche d’un héroïsme illusoire, d'une fausse célébrité et d'un pseudo-triomphe sur soi, au prix fort de détruire l’autre.

Excitation et réponses 

L’attrait qu’exercent les groupes extrémistes et violents sur de nombreux jeunes, qui affluent vers les pays secoués par les conflits armés est dû à deux principales raisons, et à d’autres raisons secondaires. Ces deux raisons sont: Le facteur subjectif (interne et personnel), et le facteur environnemental (social). Les deux raisons représentent (la cause stimulante) et (la réponse au stimulus). 

Les différentes écoles scientifiques, intellectuelles et de recherche dans les diverses disciplines qui ont étudié les causes de l’extrémisme et du comportement terroriste, mettent en évidence de nombreux facteurs interdépendants qui interagissent à long terme et engendrent l’idéologie extrémiste et violente. 

Les causes personnelles sont inhérentes au moi profond de la personne, que l’on peut qualifier de motivations intérieures, sortes de stimulus interne et de force intrinsèque qui pousse l'individu à adopter un comportement donné pour satisfaire un besoin ou atteindre un objectif personnel, sur la base d’un désir interne d’autosatisfaction, cette tendance s'accompagnant souvent d'une forte pulsation qui s’extériorise sous l’impulsion du stimulus extrinsèque. Les désirs pressants du groupe qui penche pour l’extrémisme se manifestent dans une sorte de fuite de la réalité pour diverses raisons mentales et sociales, ce qui rend difficile toute résistance à cette force et accule l'individu à adhérer aux groupes violents, en particulier dans les zones de conflit. Cette adhésion est facilitée par la fragilité doctrinale des recrues qui agissent en dehors de toutes contraintes juridiques en matière de djihad.

Environnement d’extrémisme

Il convient d’attirer l'attention sur le fait que les motifs psychologiques qui poussent à fuir la réalité font l’apanage des groupes extrémistes et violents, qui s’intéressent aux jeunes psychologiquement désorientés, et cherchent à les recruter, en raison de leur faible conscience de la réalité et des conséquences de leurs actes, vu qu’ils sont sous l’emprise de troubles psychologiques, sans compter qu'ils forment la catégorie la  plus appropriée pour mener des actes violents, des meurtres et des opérations suicidaires.

Quant aux causes environnementales, ce sont toutes les stimulations externes entourant la personne, et l'ensemble des conditions externes qui ont un impact sur la vie humaine et façonnent les styles de vie, les comportements, les modes de pensée, les types d’action.

L’environnement et les différentes conditions sociales vécues par les jeunes en plus des souffrances psychologiques qu’ils endurent, les rendent plus vulnérables à l’extrémisme; et ils finissent par penser que rejoindre les groupes violents et adopter les moyens musclés pour régler les problèmes est la voie à suivre, ce qui est en fait une manière d’échapper à la réalité, en rejoignant le groupe qui les aide à dépasser la crise dont ils souffrent. Les groupes extrémistes remplissent les critères souhaités par les jeunes en quête de leur moi perdu, car ils parviennent à enflammer leurs sentiments avec leurs discours incendiaires et à les motiver psychologiquement.

Il est frappant de constater que les causes externes qui poussent les jeunes à rejoindre les groupes extrémistes violents ne sont pas similaires dans toutes les sociétés, mais diffèrent d’une société à l’autre, d’une classe sociale à une autre classe, et d’une époque à une autre. Toutefois, il existe souvent une raison fondamentale à l’origine de tout cela, qui est l’absence de pluralisme idéologique et l’hégémonie de l’opinion dominante et unilatérale, ce qui favorise l’extrémisme et le dote de l’environnement propice, alors qu’en fait s'il y avait multiplicité d'idées, et liberté d’opinion, cela aura permis de contrer et d’éliminer l’extrémisme.

De la réalité

Il convient d’illustrer ces causes par l’exemple réaliste suivant: «L’un des détenus raconte qu’il était toujours en désaccord avec son père quand il était au secondaire (facteur social familial), car le père voulait que son fils rejoigne une section académique spécifique, mais le garçon ne voulait pas de cette section, il voulait une autre section (facteur éducatif), et afin de répondre au désir de son père et de mettre fin au désaccord, il a rejoint la branche que son père voulait, mais sa dispute avec son père (facteur social familial) n’a pas pris fin. Ce jeune homme a donc décidé d’échapper à cette réalité à la suite de la lutte psychologique dont il a souffert (facteur psychologique.) Il a eu l’idée d’aller en Irak pour le djihad, et il a demandé au professeur d’éducation islamique de lui trouver un moyen de regagner l’Irak (facteur éducatif socioreligieux). Après quelques jours, le professeur a réussi à le recommander à des personnes qui commettaient des actes terroristes à l’intérieur du pays. Il ne connaissait aucun d’entre eux. Ils ont commencé par lui demander d’acheter une voiture en son nom à leurs frais, ce qui fut fait. Après avoir utilisé le véhicule, ils l'ont informé que la voiture pourrait être recherchée par les autorités de sécurité car elle a été utilisée contre les agents de l’ordre, sachant que la voiture est en son nom, et qu’il pourrait donc être arrêté. Il fut alors contraint, selon leur recommandation, de se cacher avec eux. Il n’a rien dit de tout cela à son père par faiblesse de caractère (facteur psychologique). L’étape suivante consistait à l’endoctriner et lui inculquer l’idéologie extrémiste et à le persuader que le pouvoir est hérétique! Il n’était pas au courant de la signification de l’hérésie (Takfir) mais il a adopté leurs opinions extrémistes et leurs croyances Takfiristes. Puis on franchit avec lui une autre étape qui consistait à lui livrer des armes et à lui apprendre à s’en servir, sous prétexte de les utiliser en cas de légitime défense. Puis la dernière étape a été de passer aux actes terroristes, en s’attaquant et en résistant aux forces de sécurité, et il fut blessé dans un accrochage».

Dans cet exemple, on remarque qu'il existe différents facteurs imbriqués l’un dans l’autre. Il s’est avéré, que cet élève souffrait d’une faiblesse de personnalité et d'un manque d’estime de soi, car il dépendait des autres pour décider de son sort et prendre à sa place les décisions importantes. Il apparaît aussi que ses connaissances religieuses et culturelles étaient défaillantes. Il n’a pas réussi à choisir le bon scholastique digne d'être consulté, mais il s’est plutôt appuyé sur ses relations scolaires avec un enseignant qu'il ne connaissait pas bien! De même, il s’est avéré que la relation entre l’élève et sa famille souffrait d'un manque de confiance, car il n’a pas informé les siens de tout ce qui s’est passé, en particulier des conseils que l'enseignant lui a donnés, et il a fini par fuir sa famille et l’école selon les conseils de l’instituteur, de même qu'il n’a pas informé sa famille lorsque la cellule lui a affirmé qu'il était devenu une personne recherchée et qu'il devait participer à ses opérations.

 Il est à noter aussi que la famille a imposé sa volonté, selon les coutumes et les valeurs sociales qui préfèrent les cursus scientifiques, faisant fi des capacités et des choix personnels des apprenants. Intervient ensuite l'impact de l'enseignant qui a utilisé sa position ou son statut religieux pour diriger l'élève vers le monde de l'extrémisme et le recruter dans une cellule terroriste. Nous avons en conséquence plusieurs causes et facteurs déterminants dans cette problématique, qui a été au début l'éducative, ensuite familiale, puis sociale et psychologique, pour finir par être religieuse, avant de sombrer en fin de compte dans l'extrémisme et l'adhésion à un groupe terroriste violent.

Conclusion et leçon tirée

On peut dire que l’idéologie extrémiste et le comportement terroriste violent adoptés par de nombreux jeunes ne naissent pas de façon arbitraire mais répondent à des conditions et des facteurs bien déterminés. Toutefois, on ne peut pas être certains qu’il existe une cause unique qui conduise à l'émergence de la pensée extrémiste violente. Le terrorisme et le comportement violent, sont en fait le résultat de divers facteurs (psychologiques et sociaux) complexes, ce qui nécessite une analyse approfondie de la plupart des facteurs enchevêtrés auxquels sont confrontés les individus et la communauté internationale.

Par conséquent, il faudrait traiter le problème du départ des jeunes vers les zones de conflit et leur l'adhésion à des groupes extrémistes violents, selon le point de vue psychologique et environnemental, qui est le plus proche de la logique, sur la base des preuves tangibles puisées dans le domaine sécuritaire, surtout que les contacts avec cette catégorie de jeunes dans les prisons ont permis de recueillir de nombreuses informations importantes en la matière. Dire que le djihad est dû à des motifs religieux ou idéologiques est une assertion qui manque d'exactitude, nécessite d’être prouvée, et peut porter atteinte à la religion islamique, car cela fait l’affaire des ennemis de l’islam.

Le projet n’est pas d'ignorer, d’exclure ou de nier l’apport de l'idéologie ou des sentiments religieux, qui sont un facteur parmi tant d’autres. Ces facteurs représentent ensemble des motivations qui agitent le moi profond de l’individu et poussent la personnalité sous pression à chercher des échappatoires susceptibles de réduire les pressions, comme de s'adonner à la consommation de l’alcool et des drogues, ou à fuir vers les pays où les conflits sanglants et les combats violents font rage.