L’autonomisation est un concept islamique rigoureux. Il est mentionné dans le Saint-Coran dans le verset: (Allah a promis à ceux d’entre vous qui ont cru et fait les bonnes œuvres qu’Il leur donnerait la succession sur terre comme Il l’a donnée à ceux qui les ont précédés. Il donnerait force et suprématie à leur religion qu’Il a agréée pour eux. Il leur changerait leur ancienne peur en sécurité. Ils M’adorent et ne M’associent rien et celui qui mécroit par la suite, ce sont ceux-là les pervers) (Al-Nour - 55).

Bien qu’il soit un concept qui exige parmi ses significations que les musulmans soient dans un état de sécurité et de stabilité qui leur permet d’établir la prière, de s’acquitter de la Zakat, de commander la vertu et d’interdire le mal, l’autonomisation fait partie aussi des concepts qui ont été déformés par les groupes extrémistes islamiques.

Lorsque les musulmans ont immigré avec le Prophète, Que la Paix et les bénédictions soient sur lui, à Médine au début de leur règne, ils n’étaient pas à l’abri des attaques des polythéistes disséminés autour d’eux. Parfois, ils priaient munis de leurs armes. Comme indiqué dans les exégèses, quand le Messager, Que Dieu le bénisse et lui accorde la Paix, "a ordonné d’immigrer vers Médine, il est resté, lui et ses compagnons très prudents, munis de leurs armes matin et soir". L’un des musulmans dit: "Puisse-t-on un jour être en sécurité et déposer les armes". Le Prophète, Paix et Bénédictions sur lui, répondit: "Il ne va tarder que l’un d’entre vous puisse être dans une grande foule sans avoir à porter aucune arme". Allah révéla alors le verset ci-dessus (Allah a promis à ceux d’entre vous)".

Ainsi, le contexte de la révélation du verset indique que l'autonomisation signifie la sécurité et la stabilité dans les territoires des musulmans, afin qu’ils puissent accomplir la prière et les rituels islamiques. Cela signifie que la peur ressentie au début de l’islam a disparu et a été remplacée par l’autonomisation de la religion avant même la conquête de La Mecque. Ce qui signifie que le concept d’autonomisation a été effectif dans les foyers des musulmans et dans leurs pays depuis de longs siècles.

Il importe peut-être de voir comment ce concept islamique a été déformé de sa véritable signification, pour revêtir d’autres significations idéologiques dans le discours de l’extrémisme afin qu’il devienne paradoxal et puisse s’insérer dans le cadre du réseau conceptuel des groupes extrémistes qui cherchent à déformer ce concept d’autonomisation pour influencer et dominer la mentalité des recrues de manière à ce que leur perception de ce principe n’ait rien à voir avec sa signification scientifique rigoureuse, mais soit au diapason de l’interprétation idéologique des groupes extrémistes, de sorte que cette notion soit "piégée'' avec cette vision déformée. La recrue aura à souffrir de cette interprétation, et ne pourra dégager sa responsabilité qu'en s’attelant à mettre en œuvre cette pseudo-autonomisation dans une réalité dont les conditions ne répondent pas à ce concept irréel de manière à ce que toute tentative d’appliquer ce concept tel qu’il est conçu dans l’esprit des extrémistes mène inéluctablement à la violence. En effet, ces groupes lient le concept d’autonomisation à une impérieuse «application de la Charia» (qui signifie souvent pour eux les pénalités) et considèrent que l’application de la charia est le vrai sens de l’autonomisation dont l’application et un devoir religieux, sans tenir compte en cela des conditions requises et des obstacles à observer par la simple logique.

Cette distorsion provient des représentations du discours identitaire, que les groupes extrémistes adoptent et qui brouille leur vision des concepts de l’Islam dans leurs acceptations scientifiques les plus en vue. Les groupes islamiques, issus des Frères musulmans, sont apparus à l’origine en réaction au mouvement colonial. En effet, le discours identitaire qui confine le moi dans un cadre fermé, reflète un topo fermé en raison de son auto-centrage et de sa soumission aux stéréotypes, ce qui conduit à une vision unilatérale qui ne traite pas les idées dans leurs multiples relations. Le mouvement de réforme mené par Jamel Eddine Al Afghani et Muhammad Abdo au début du siècle dernier distinguait dans l’Occident deux niveaux, l’Occident colonial auquel il faut résister et l’Occident civilisé dont il faut profiter en s’inspirant des causes de son développement. Le discours identitaire a poussé ainsi les Frères musulmans à rejeter le discours réformiste et à adopter un discours anti-occidental basé sur une relation conflictuelle dans le cadre de la résistance au colonialisme. Les Frères pensaient de la sorte que dans l’histoire islamique, il pourrait y avoir une alternative au présent. Ainsi, le discours de l’identité, a manqué les opportunités offertes d’ouverture sur l’autre et de vivre l’islam en tant que religion adaptée au monde moderne selon une vision scientifique et cognitive, ce qui a finalement conduit à un blocage sévère auprès des groupes qui se sont ramifiés des Frères musulmans et qui ont durci le discours identitaire pour en faire une relation de conflit intense avec l’Occident.

Ainsi, les groupes extrémistes, en se refermant sur eux-mêmes, d’une part et en délaissant les références de la tradition sunnite, d’autre part, puis en rompant avec l’Occident d’autre part, ont contracté une relation conflictuelle qui s’est manifestée de la façon la plus radicale, d’abord lors des attaques du 11 Septembre 2001 contre les États-Unis d’Amérique, par Al-Qaïda, puis, avec la proclamation de l’État Islamique du Levant et de l’Irak par Daech.

Dans ce contexte, le concept pervers d’autonomisation selon la perception idéologique de ces mouvements était l’une des motivations les plus importantes grâce auxquelles les recrues ont été mobilisées, sous prétexte de redorer le blason des musulmans en s’appropriant la force et le pouvoir. Toutefois, cela contredisait la véritable définition du concept d’autonomisation telle qu’il est défini dans les sources par les érudits selon ses connotations cognitives, et non idéologiques.

Il y a certes, une corrélation claire entre ce concept déformé et les distorsions par les extrémistes d’autres concepts de l’Islam. Nous remarquons à ce propos que le concept d’autonomisation dans leur conscience est lié au concept de l'application de la charia. Tout comme le concept d’autonomisation diffère de son sens, nous constatons également que le concept de la Charia signifie pour eux les "pénalités" et que ce qui relie les deux concepts mentionnés dans le discours idéologique des groupes extrémistes est l’ambition de s’approprier le pouvoir.

Afin de se forger une légitimité de gouverner, la référence idéologique des groupes extrémistes essaie de surmonter l’obstacle scientifique des concepts de l’Islam définis par la tradition et la jurisprudence Sunnites, et se permet de déformer ces concepts afin de servir leurs causes. Mais puisque leurs conceptions contredisent la vérité et la réalité, les résultats de cette compréhension idéologique déformée se traduisent par la violence, la déstabilisation de la région arabe et islamique et une division verticale dans les sociétés islamiques. La pseudo- représentation des concepts de l’Islam demeure une caractéristique dominante des groupes extrémistes, en l’absence de nombreuses conditions requises pour faire sortir les musulmans du dilemme du sous-développement.

Le discours de l’identité, qui fait de l'action pour la proclamation de l’État une obligation religieuse sine qua non à travers l’autonomisation et l’application de la «Charia» n'est rien d’autre qu’une action illusoire menant à un État fictif, devenu un complexe dans la perception des groupes extrémistes envers les concepts de l’Islam. Il suffit de décortiquer de façon logique et critique la vision des groupes extrémistes envers ces concepts pour découvrir la gravité de cette idéologie et son rôle dans la destruction, le démantèlement et la déstabilisation du tissu social islamique.

De même, le discours identitaire des groupes terroristes et extrémistes relègue le sentiment national au stade de paria acculé sous la pression constante des idées d'identité et d’autonomisation transcendante qui refoule tout concept de patrie et de citoyenneté. Car la dichotomie imposée par l’idéologie des groupes extrémistes entre la Patrie et le concept de la Terre de l’islam est une disparité dont la source se trouve dans la représentation erronée des concepts de l’islam, qui révèle une flagrante ignorance des objectifs de la Charia et de sa gestion des priorités.

Ainsi, nous constatons que le concept d’autonomisation, comme nous l’avons vu, selon les acceptations des groupes extrémistes est plus proches de la narration que du concept islamique cohérent. Il ne reflète pas dans la conscience de ces groupes extrémistes un contenu cognitif, ou dénote d’une logique objective pour sa rationalisation.

Le récit, en tant que «stéréotype concernant la vision d’un groupe quelconque», est plus apte à décrire le concept d’autonomisation tel qu’il apparaît chez les groupes extrémistes. Les récits jouent des rôles qui correspondent à la doctrine de la certitude chez les gens. Dans ce cas, les récits sont plus dangereux au niveau des réactions se reflétant dans les actions de l’individu ou du groupe.

Le concept d’autonomisation fait donc partie d’un réseau conceptuel à travers lequel les groupes extrémistes cherchent à s’emparer du pouvoir sans adhérer aux significations et à l’esprit de l’islam qui prônent le vrai sens de la religion et ses grandes valeurs plus que tout autre sens erroné de l’État.