Le 4 Octobre 2018, le Président américain Donald Trump a annoncé un nouveau plan de lutte contre le terrorisme, déclarant: “Le plan définit l’approche américaine de lutte contre les menaces terroristes en évolution et représente le premier plan bien défini de lutte contre le terrorisme depuis 2011”. Il adopte “des moyens plus souples et élargis et aborde l’éventail complet des menaces terroristes contre les États-Unis, y compris les ennemis à l’étranger et les personnes qui cherchent à influencer les États-Unis par la violence. Il utilise la pleine puissance américaine et tous les outils disponibles pour lutter contre le terrorisme à l’intérieur, à l’étranger et dans le cyberespace”.

Le plan donne la priorité à un large éventail de potentialités non militaires, telles que la prévention du recrutement de terroristes, la réduction de l’attrait de la propagande terroriste via Internet et le renforcement des capacités de la société à lutter contre le terrorisme.

Parmi les points les plus marquantes du plan américain figure ce qui suit:

I: L’adversaire terroriste

Le plan considère ce qu’il qualifie de (terroristes islamistes extrémistes) comme la principale menace terroriste transnationale pour les États-Unis et leurs intérêts, “à cause de leurs idées extrémistes violentes créant une identité commune utilisée pour persuader les nouvelles recrues des objectifs et des directives des groupes terroristes, et de justifier le recours à la violence pour atteindre leurs objectifs”.

Les organisations terroristes les plus en vue, en particulier Daech et Al-Qaïda, ont démontré à plusieurs reprises leur volonté et leur capacité d’attaquer les intérêts américains, de continuer à planifier de nouvelles attaques et d’inspirer des individus à commettre des actes de violence aux USA. Ces groupes exploitent la faible gouvernance, l’instabilité et les injustices politiques et religieuses pour réaliser leur objectif de mettre fin à l’influence occidentale dans les pays musulmans et de remodeler la société islamique.

Malgré les efforts civils et militaires déployés par les États-Unis et la coalition, ayant permis de réduire l’impact de Daech en Irak et en Syrie, cette organisation demeure la menace transnationale la plus grave. Elle dispose toujours de ressources financières, matérielles et de logistiques pour lancer des attaques extérieures, et ses dirigeants continuent d’appeler au ciblage des États-Unis. Elle compte huit succursales officielles et plus de 24 réseaux en Afrique, en Asie, en Europe et au Moyen-Orient. Les deux organisations ont inspiré des individus à lancer des attaques terroristes sur le sol américain, et cette forme de terrorisme fondamentaliste devra rester probablement la plus pertinentes dans les années à venir.

La stratégie considère l’Iran comme le principal État parrain du terrorisme, car il soutient les groupes armés terroristes à travers le Moyen-Orient et gère un réseau d’agents qui menacent les États-Unis et le monde. Ces groupes, notamment le Hezbollah libanais, utilisent le terrorisme pour étendre l’influence de l’Iran en Irak, au Liban, dans les territoires palestiniens, en Syrie et au Yémen.

Il existe de nombreux mouvements révolutionnaires, nationalistes et séparatistes à l’étranger qui mettent souvent en danger la stabilité de la société américaine, dont le (Mouvement Nord de Résistance), une importante organisation socialiste anti-occidentale qui a mené des attaques violentes contre les musulmans, les groupes de gauche …etc. Ceux-ci comprennent: (Le nouveau groupe de travail national nazi) en Europe et le groupe Babbar Khalsa International en Inde.

II: Établir les priorités et fournir les ressources

La gravité des menaces terroristes varie en fonction des organisations et de la région. Par conséquent, les efforts de lutte contre le terrorisme doivent être soigneusement équilibrés et inclure les efforts des collaborateurs traditionnels et non traditionnels. Les États-Unis doivent maintenir leur capacité à frapper le terrorisme dans le monde mais les outils non militaires - tels que l’application des lois, le renseignement, la diplomatie, les mesures financières, la stabilisation et le développement, la prévention, l’intervention et la réintégration - sont indispensables pour prévenir et combattre le terrorisme. C’est pour cela qu’il faudrait veiller à développer les capacités antiterroristes non militaires des collaborateurs locaux et étrangers, afin qu’ils puissent agir de manière indépendante.

III: Suivi des menaces terroristes

Les terroristes exploitent la société libre et ouverte des États-Unis pour cibler les civils. Ils profitent des technologies telles que l’Internet et les communications cryptées pour promouvoir leurs objectifs et diffuser leurs idées extrémistes. En dehors des États-Unis, ils prospèrent dans les pays aux gouvernements faibles et où les citoyens sont privés des droits. 

 Actions prioritaires:

1. Utilisation des capacités militaires et non militaires pour cibler le terrorisme et désactiver et les réseaux terroristes.
2. Promouvoir l’accès aux zones densément peuplées à l’étranger en usant de moyens innovants et de collaborateurs pour identifier et contrer les menaces potentielles.
3. User de la détention des terroristes afin d’éliminer leur danger, et améliorer la capacité de leur soutirer des renseignements, avant leur transfert aux États-Unis pour des poursuites pénales.

IV- Isoler les terroristes des sources de soutien

Les progrès techniques ont créé un monde interconnecté. L’épine dorsale de ce système est la technologie de l’information que les terroristes utilisent pour gérer leurs organisations, planifier leurs attaques, collecter des fonds et acheter des armes.

 Actions prioritaires:

1. Déterminer l’identité des terroristes et prendre des mesures légales à leur égard dans leurs pays d’origine, tout en respectant les droits de l’homme.
2. Continuer de collecter et d’échanger les informations sur les déplacements des terroristes en coopération avec les collaborateurs pour améliorer la sécurité du transport et empêcher les terroristes fuyant les zones de conflit d’infiltrer les civils.
3. Promouvoir la coopération entre les secteurs public et privé pour l’échange d’informations sur les transactions financières des terroristes, l’application de sanctions financières et l’exécution des lois pour les empêcher de collecter des fonds et démanteler leurs réseaux.
4. Empêcher les terroristes d’acquérir des connaissances ou d’obtenir les matériaux leur permettant de développer des armes de destruction massive et d’autres armes avancées, ou de mener des cyberattaques à grande échelle.
5. Certains pays continuent de soutenir secrètement les terroristes et les États-Unis continuent de collecter les preuves sur ces pratiques et œuvrent avec leurs alliés pour les punir.

V- Mise à jour des outils et pouvoirs pour lutter contre le terrorisme

Il faudrait devancer les attaques terroristes en développant des capacités de détection et de partage des premiers indicateurs en vue de prendre les mesures appropriées.

 Actions prioritaires:

1. Sécuriser les frontières contre les menaces terroristes et coordonner avec les collaborateurs à l’étranger pour empêcher l’infiltration des terroristes.
2. Adopter des technologies de traitement des données et améliorer la capacité d’accéder aux communications terroristes, en coopération avec le secteur privé.
3. Établir une base de données des identités terroristes, utiliser les données biologiques et renforcer les capacités d’analyse et de dépistage.

VI: Protéger les infrastructures et améliorer la préparation

Aux États-Unis, les infrastructures vitales sont essentielles à la prospérité américaine. Il est nécessaire de coordonner les efforts pour les renforcer et les protéger.

 Actions prioritaires:

1. Renforcer les mesures défensives des infrastructures et des cibles Soft, et mettre en place des mesures pour le redémarrage rapide des systèmes en cas d’attaque.
2. Renforcer la coopération avec les organisations, les individus et les organes publics pour garantir que la société soit prête à résister et à se remettre rapidement de toute attaque terroriste, y compris la possibilité d’une attaque avec des armes de destruction massive.
3. Élaboration d’un plan de communication avec le public et formation d’interlocuteurs fédéraux et locaux pour dialoguer avec les gens et favoriser la culture d’alerte et d’adaptabilité.

VII: Lutter contre l’extrémisme violent et le recrutement

Au cours des 17 dernières années, une structure solide pour lutter contre le terrorisme a été mise au point. Mais puisque aucune structure préventive n’a été développée, la lutte contre le terrorisme pourra se poursuivre indéfiniment. Le plan prévoit donc de créer une structure de prévention mondiale, avec l’aide de la société civile, des collaborateurs privés et des compagnies de technologies.

 Actions prioritaires:

1. Soutenir les solutions locales. Agir en étroite collaboration avec les collaborateurs étrangers, le secteur de la technologie, les chefs religieux et les parties prenantes locales et internationales pour partager les meilleures pratiques et promouvoir les adeptes du pluralisme et de la tolérance.
2. Saper la capacité des idées terroristes en offrant des alternatives à la violence et profiter des succès opérationnels, diplomatiques et de développement pour démontrer la futilité de la violence terroriste.
3. Accroître la capacité de la société civile à prévenir le terrorisme, mettre en évidence les approches de prévention et d’intervention réussies dans le pays et à l’étranger, et accroître les capacités des collaborateurs locaux grâce à la formation.
4. Soutenir les efforts d’intervention antiterroriste grâce à l’identification des signes d’extrémisme violent dans le monde réel et virtuel pour prévenir les attaques terroristes, réduire l’extrémisme dans les prisons et soutenir la réintégration des combattants terroristes étrangers de retour chez eux.
5. Lutter contre l’utilisation du cyberespace par le terrorisme visant à propager les idées violentes, collecter les dons et recruter des partisans pour des actes violents.
6. Établir une vision commune sur les activités et les récits de propagande terroriste pour les contrer et mettre en évidence les alternatives non violentes pour traiter les injustices.

VIII: Renforcer les capacités des collaborateurs internationaux

Inviter pour cela des collaborateurs disposant de bonnes ressources (expertise, relations dans les régions géographiques spécifiques) à accroître leur soutien aux pays privés de ressources et de capacités tout en réduisant la dépendance à l’aide américaine.

 Actions prioritaires:

1. Création de grands groupes antiterroristes comprenant les pays alliés, le secteur technologique, les institutions financières et la société civile.
2. Augmenter les capacités des principaux collaborateurs étrangers: Services militaires, forces de l’ordre, services judiciaires, renseignements et sécurité, afin qu’ils puissent agir avec force et équité.
3. Promouvoir l’échange d’informations avec les collaborateurs.
4. Coopérer avec les parties prenantes locales et la société civile pour atténuer les injustices instrumentalisées par les terroristes, et promouvoir les valeurs de tolérance.

Entre continuation et discontinuité

Le Président Trump a décrit le plan américain comme un “changement dans l’approche des États-Unis d’Amérique en matière de lutte contre le terrorisme et de prévention du terrorisme”, mais en réalité, ce plan s’inscrit dans la continuité de l’approche de l’administration Obama basée sur le plan adapté du président George Bush concernant son approche de lutte contre le terrorisme lors de son deuxième mandat. Le plan du Président Trump tient compte en plus de la montée de Daech, de l’utilisation accrue des médias sociaux et des défis du retour chez eux des combattants étrangers. Mais il est très similaire au plan d’Obama publié en 2011.

Le plan de Trump adopte une approche de “coopération avec les gouvernements étrangers afin qu’ils prennent l’initiative tant que possible, et l’action commune avec les autres pour assumer la responsabilité de la lutte contre le terrorisme”. Il s’agit d’une approche adoptée avant l’arrivée du Président Trump, par l’administration de Bush qui a eu recours aux forces auxiliaires pour lutter contre Al-Qaïda. Le Président Obama a poursuivi cette approche et a fait de la collaboration avec les pays partenaires la pierre angulaire de son plan de lutte contre le terrorisme. Le nouveau plan américain réaffirme la coopération dans la lutte contre le terrorisme, mais de nombreux observateurs voient que les pratiques réelles de l’administration Trump ont miné toutes cette coopération! Le langage que prône le plan s’oppose aux discours du Président Trump, en particulier avec l’OTAN, et ses réprimandes aux alliés pour leur demander de faire plus! Cela a suscité l’incertitude des alliés des États-Unis. Les décideurs politiques en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud se sont inquiétés de savoir si les États-Unis étaient toujours solidaires dans cette mission.

Le rapport annuel d’Europol a révélé ces préoccupations, soulignant que l’administration Trump est plus préoccupée par le conflit avec ses concurrents internationaux que par la lutte contre le terrorisme et la coopération avec ses alliés.

Pour que la coopération réussisse

L’une des faiblesses du plan américain est son incapacité à reconnaître pleinement les exigences d’une moindre dépendance envers la force armée pour lutter contre le terrorisme. Le plan ne discute pas comment traiter les injustices des populations défavorisées et fournir de l’aide pour permettre de répondre vigoureusement à ces injustices, avant que les groupes terroristes ne recrutent des individus.

L’écart apparaît de même entre le texte du plan et la politique américaine. Contrairement à la lutte contre le terrorisme, où les gouvernements, les forces de sécurité et les services de renseignement coopèrent étroitement avec les États-Unis, la prévention du terrorisme nécessitant la coopération avec les organisations de la société civile et d’autres acteurs non gouvernementaux n’affiche pas cette unité. L’administration Trump n’a rien fait en fait pour soutenir la société civile dans d’autres pays.

 Terrorisme local

Le plan a pris en compte les menaces de terroristes locaux motivés par des idées extrémistes, et le document indique que “le terrorisme interne représente une menace réelle”, mais puisque le Président Trump a focalisé sur les seuls militants islamistes et flirte avec l’extrême droite aux États-Unis, son administration ne devra pas prendre de mesures sérieuses pour contrer cette menace. Dr Stephen Tankel, ancien Consultant du Pentagone et membre du nouveau US Security Center, cite deux défis qui empêchent l’application de ce qui est inclus dans le plan de lutte contre les menaces terroristes internes. D’abord un défi juridique. La loi américaine définit le terrorisme local, mais ne spécifie aucune sanction associée (Cas de Timothy McVeigh, auteur des attentats à la bombe d’Oklahoma City et Dylan Storm Rove, assaillant de l’église noire à Charleston, en Caroline du Sud). Pour corriger cette lacune, le Congrès doit modifier la loi, ce qui ne semble pas aisé. 

L’autre défi est politique, et concerne en particulier la politique du Président Trump, dont les extrémistes de droite sont parmi ses partisans les plus en vue. Ces extrémistes américains tels que les membres du Ku Klux Klan, ou les milices de droite et néo-nazis ont accru leur activité après son élection et organisé même des marches côte à côte des rassemblements pro-Trump.

Chemins contradictoires

Le plan emprunte des voies contradictoires lorsqu’il assimile la guerre contre le terrorisme à la guerre froide, décrite comme «des idées totalitaires malveillantes qui défient le mode de vie américain». Une autre partie du plan parle de la prévention du terrorisme et de la nécessité de constituer une coalition plus large pour le combattre. «Il est difficile de concilier ces deux perspectives dans la lutte contre le terrorisme», explique Dr Jessica Tresco Darden, membre à l’American Enterprise Institute. Elle ajoute: «Le plus gros défaut du plan est de considérer les “groupes terroristes islamistes extrémistes” comme une menace existentielle pour les États-Unis, et leur confrontation comme une nouvelle guerre froide: Les États-Unis y vaincront leurs ennemis, tout comme nous avons vaincu les tenants de la répression, du fascisme et du totalitarisme lors des guerres précédentes».

Jessica Tresco souligne que le grand intérêt qu’accorde le plan à l’islam politique en solo est un problème pour plusieurs raisons:

1. Le plan surestime le danger auxquels les citoyens américains et les intérêts nationaux sont exposés de la part des groupes tels que Daech et Al-Qaïda.
2. Il considère le contre-terrorisme comme faisant partie d’un vaste conflit culturel et exagère l’impact de la propagande et des médias, en tant que sources de mobilisation et solutions, ce qui contribue à négliger les véritables injustices qui poussent de nombreuses personnes dans les pays en développement vers le terrorisme.
3. Le ciblage explicite de groupes islamiques risque de compliquer la coopération dans la lutte contre le terrorisme dans nombre de pays, car les groupes islamistes sont actifs politiquement, et le fait de lier l’islam à des “idées violentes, extrémistes et tordues qui justifient le meurtre de victimes innocentes” peut interrompre la coopération avec de nombreux pays musulmans dans la lutte contre le terrorisme.