Le terrorisme est un phénomène complexe qui regroupe diverses dimensions idéologique, sociale, politique et sécuritaire, et c’est à cause de cette nature complexe que les définitions du terrorisme diffèrent selon les cultures et les disciplines. Sur la base des caractéristiques communes de ces définitions, la définition du terrorisme pourra être établie comme suit: «Tout acte usant de la violence ou de la menace d’y recourir de la part d’un individu ou d’un groupe, pour des raisons politiques, idéologiques ou autres, et qui soit dirigé contre des personnes, des sites ou des biens publics dans l’État cible. Cette action est organisée et planifiée, dans le but d’engendrer un état de terreur et de panique dans un ensemble spécifique de la population, pour atteindre de force un objectif, ou pour faire de la propagande pour une quelconque cause, que l’auteur du crime agisse pour son propre compte ou pour le compte d’une organisation, ou d’un pays, directement ou indirectement lié à l’acte commis, ou à son auteur».

Le terme "Terrorisme" a commencé à être utilisé à la fin du XVIIIe siècle, bien que le terrorisme en tant que phénomène soit plus ancien. Il s’agit en fait d’un phénomène actif qui est passé par différents stades de développement, que ce soit au niveau de la pensée ou de l’action. À cet égard, l’attention sera portée au développement dynamique qu’a connu le terrorisme tout au long de son histoire jusqu’à nos jours.

L’activité des organisations terroristes dans la région arabe et islamique trouve, depuis les années 1970, son origine dans le mouvement mondial du jihad en Afghanistan. Toutefois, Al-Qaïda a connu, depuis le 11 Septembre 2001, date des attentats contre les tours jumelles aux États-Unis, le développement le plus dynamique en pratiquant le terrorisme transfrontalier. Puis, avec l’apparition de l’Organisation de Daech (EI), une nouvelle phase du terrorisme plus active et violente a vu le jour, et depuis lors, l’essor du terrorisme s’est poursuivi sans relâche.

Cette étude examine les différents aspects de l’évolution cinétique de l’action terroriste depuis 2011. Et c’est comme suit:

I- Objectifs

L'objectif traditionnel de l’action terroriste avant 2011 était de pousser les États et les décideurs politiques à changer leur politique. Ce fut le cas des opérations terroristes commises en Égypte dans les années 90 du siècle dernier contre le secteur du tourisme. Les opérations terroristes du 11 Septembre visaient aussi à contraindre la politique américaine à revoir ses positions. Mais après 2011, l’objectif était désormais de renverser l’État lui-même et d’accéder au pouvoir. Daech a mis en exercice cette évolution en prenant le contrôle de territoires en Irak et en Syrie, pour en faire le berceau du califat.

De nombreux facteurs ont contribué à cette évolution. Le facteur le plus important serait la volonté des pays parrainant ces organisations d’en user à fins politiques, ce qui a incité ces organisations à nourrir des desseins politiques plus ambitieux notamment que la fragilité des États représente pour les organisations terroristes un environnement idéal pour accroître leurs opérations.

II- Propagation du terrorisme

Au fur à mesure que le terrorisme passait du local au mondial, le nombre des organisations terroristes ne cessait d’augmenter enregistrant un surplus de 180% entre 2001 et 2018. Actuellement, leur nombre serait de 67 à 100 organisations. Les opérations se sont élargies devenant transfrontalières, ciblant des pays étrangers, telles les opérations commises dans des pays européens en représailles à leur participation à la coalition internationale pour combattre Daech. Le nombre de pays ciblés par des opérations terroristes a également augmenté, passant de 42 pays en 2016 à 47 pays en 2017. En parallèle avec cette augmentation, le nombre des opérations terroristes signalées dans le monde entre 2011 et 2018 a été porté à 75 163 opérations.

III- la structure de l'organisation

La structure organisationnelle traditionnelle des organisations terroristes était de nature pyramidale, fondée sur un centre qui décide et opère à travers des cadres intermédiaires et une base plus large de membres. Cette structure a pris ensuite la forme de cluster basée sur des cellules actives fonctionnant de manière relativement décentralisée, mais selon le cadre d’action de l’organisation et ses principaux objectifs, comme ce fut le cas avec Daech. Puis, la structure des organisations (Daech et Al-Qaïda) a pris la forme de réseau gérant de multiples branches déployées à travers le monde. L’organisation terroriste dépend alors de ce réseau notamment pour le recrutement des membres et les transferts de fonds en vue de financer ses opérations, Al-Qaïda s’étend ainsi dans 18 pays, tandis que Daech s’implante à divers degrés dans environ 26 pays.

IV- Plans d'action terroriste

Les plans de mise en œuvre de l’acte terroriste ont connu un grand développement ces dernières années, en raison des progrès techniques dont le monde a été témoin, ce qui se reflète sur ce qui suit:

Recrutement des membres: Le recrutement se faisait à travers le contact direct entre les membres de l’organisation et les individus prêts à prêter allégeance, au terme d’un processus d’endoctrinement similaire au (lavage de cerveau). Mais ce recrutement devait changer, en adoptant la communication à distance à travers les médias sociaux et les agents mandatés. Daech a réalisé de grands succès en la matière et recruté via internet des membres de différentes nationalités et cultures, et même des enfants. Selon un rapport de l’UNICEF, environ 200 enfants sont recrutés chaque mois dans certaines régions en Afrique.
Contrôle du terrain: Suite au développement des objectifs terroristes, de nouveaux plans ont permis de créer des pseudo-États sous forme de principautés. Le terrorisme a pris à ce stade une tournure d’une violence inouïe en ayant recours à des attentats aux voitures piégées plus destructeurs, et aux armes lourdes. Mais l’expansion qualitative est apparue avec le recours aux armes sophistiquées, telles que les drones, les techniques de détection et les armes légères modifiées, comme en témoignent les missiles portables, les canons mitrailleurs et les mines terrestres utilisés par Al-Qaïda et Daech, outre la publication de manuels sur leur mode de fabrication.
Technologie avancée: Les organisations terroristes ont intensifié leur accès au cyberespace et aux technologies de communication avancées et ont usé des divers médias sociaux pour diffuser leurs idées, mener leurs opérations et faire valoir leurs capacités. Les principales organisations terroristes ont tissé de vastes réseaux pour faire de la propagande par le biais de magazines électroniques et de clips vidéo et audio. Elles ont même investi le domaine des jeux vidéo, comme en témoignent les rapports de la National Security Agency et de la CIA.
V- Financement

Les dons traditionnels et les contributions des membres des organisations terroristes étaient les principaux générateurs des fonds, mais la trésorerie de ces groupes se caractérise à présent par la diversification de ses ressources. Les Nations Unies ont estimé ainsi le budget de Daech après sa défaite à 300 millions de dollars. Les fonds proviennent des ventes de biens sous contrôle de l’organisation ou les ventes de pétrole (88% des ressources de Daech entre 2015 et 2017), en plus des taxes et des confiscations de propriétés.

Avec la propagation du terrorisme, les organisations tendaient à diversifier leurs sources de revenu. Elles comptaient sur les fonds en liquide ou les transferts financiers de leurs membres ou sponsors. Certains groupes sont soutenus par des gens riches ou des pays tiers, au point que les dons atteignaient, parfois, pas moins de 40 millions de dollars. Mais les organisations terroristes se sont activées pour s’assurer des sources alternatives leur permettant d’échapper aux poursuites sécuritaires, usant notamment des ventes de pétrole et ses dérivés et du gaz, les ventes de Daech étant estimées à environ un million de dollars par jour depuis Juin 2014, ce qui signifie que le groupe touchait chaque année en Irak et au Levant entre 365 millions à 550 millions de dollars. A ces ventes s’ajoute le commerce illicite de marchandises telles que le charbon, les diamants et l’or, ou l’utilisation des monnaies virtuelles devenues l’une des sources de financement du terrorisme car elles permettent de masquer l’identité des concessionnaires et d’intensifier les transactions à travers le monde. Daech a usé le plus des monnaies virtuelles, au point que l’un de ses partisans a publié un document intitulé: "le Bitcoin et la charité du djihad", dans lequel il décrivait les dispositions légales pour l’utilisation du "Bitcoin", soulignant la nécessité d’user de cette monnaie pour financer les activités de l’organisation. Le procédé a été utilisé pour financer des opérations en Asie (Sri Lanka et Philippines) au cours des cinq dernières années.

Avec le succès des efforts visant à traquer les transferts de fonds destinés aux organisations terroristes, ces groupes ont accru leurs activités criminelles telles que le blanchiment d'argent et le trafic de drogue. Dans son rapport de 2017, l'Office des NU contre la drogue et le crime estime que des groupes armés illégaux ont collecté près de 150 millions de dollars en 2016 dans le commerce illicite de stupéfiants.

Les rapports internationaux indiquent que les organisations terroristes sont en connexion avec les gangs criminels internationaux pour avoir du financement supplémentaire, à travers la traite d’êtres humains et de trafic d'armes. En 2011, un groupe d'experts onusiens a découvert que les groupes armés en Libye profitaient de la traite d'êtres humains, en plus du vol forcé et de l'enlèvement contre rançon pour accroître leur financement.

En bref

On s’attend à ce que le développement cinétique des organisations terroristes se renforce pour devenir plus violent et menacer la stabilité des États. Tout effort visant à le circonscrire nécessite plusieurs mesures dont la plus importante est «l’action commune assidue» dans la lutte contre le terrorisme, et si le terrorisme est transfrontalier, la lutte engagée contre lui devra être également transfrontalière. On ne s’attend pas à ce que ces efforts soient vraiment efficaces, si certains pays continuent d’instrumentaliser ces organisations à des fins politiques. Et si la communauté internationale ne prend pas des positions fermes et énergiques contre ces États, le terrorisme aura toujours des refuges où s’étendre et les actes de terreur se poursuivront de plus belle.