En raison de sa situation géographique au cœur de la tempête, la Jordanie a subi au cours des trois dernières décennies, les lourdes conséquences du chaos et du conflit qui ont secoué et continuent de sévir dans cette région instable. 
À l’instar d’autres voisins arabes, la Jordanie a fait l’objet de nombreuses attaques terroristes visant à sa sécurité et sa stabilité. Ces attaques se sont intensifiées avec l’émergence, l’expansion et la propagation du Groupe État Islamique à proximité, qui a facilement attiré des jeunes jordaniens afin qu’ils appliquent ses plans fondés sur la violence et la brutalité. Pour faire face à la menace terroriste, l’État Jordanien a adopté un certain nombre d’approches douces et militaires qui ont donné des résultats remarquables.

 

La menace terroriste pour la Jordanie
L’histoire jordanienne moderne avec le terrorisme a commencé au début de ce millénaire, lorsque les services de sécurité jordaniens ont déjoué un complot visant des sites touristiques et des personnalités politiques et étrangères, puis ont annoncé l’arrestation de treize personnes, dont un irakien et un algérien qui avaient vécu l’expérience de l’Afghanistan. L’histoire a porté sur l’assassinat en 2002, à Amman, d’un employé de l’USAID, Lawrence Foley, par une cellule d’Al-Qaïda. Pour en arriver à "Jayyousi", lorsque les forces de sécurité ont contrecarré en avril 2004, le complot d’une vaste attaque chimique visant le bâtiment du renseignement, l’ambassade des États-Unis à Amman et le bâtiment du Premier Ministre. Les forces de sécurité ont saisi 20 tonnes d'explosifs chimiques qui auraient pu tuer et blesser des dizaines de milliers de personnes.


Le premier chapitre de l’histoire était achevé en 2005 lorsque trois attaques terroristes simultanées utilisant des ceintures explosives contre trois hôtels du centre d’Amman ont coûté la vie à 57 personnes et fait des centaines de blessés. L’une des opérations les plus importantes et les plus dangereuses de l’histoire de la Jordanie.
Au milieu de cette tempête terroriste qui a balayé le monde, la Jordanie s’est rendue compte qu’elle n’était pas à l’abri de la menace et des maux des organisations terroristes.
Le deuxième chapitre de l’histoire de la Jordanie avec le terrorisme était le titre le plus marquant de l’exécution par l’organisation terroriste "Daech", du pilote jordanien Muath Kasasbeh, incendié en 2015 d’une manière horrible qui a profondément brûlé la conscience jordanienne dans tous ses spectres. L’année 2016 a été marquée par plusieurs événements successifs, notamment: la mort d’un officier des forces armées jordaniennes après la prise de contrôle du domicile d’une cellule affiliée à l’État Islamique (Daech), dans la ville d’Irbid (nord du pays), au cours de laquelle sept membres de la cellule armée ont été tués et d’autres arrêtés. Sept soldats des forces armées ont été martyrisés et quatorze autres blessés, après avoir été pris pour cible par une voiture piégée envoyée du côté syrien dans la région frontalière de Rukban. En décembre 2016, lors d’une série d’opérations à Karak, des terroristes ont ouvert le feu sur la citadelle historique de Karak, tuant dix personnes, dont sept membres des forces de sécurité et un touriste canadien, et en blessant 34 autres. Des membres de la cellule ont tué cinq membres des forces de sécurité et de la gendarmerie, en ont blessé 11 autres, et ont arrêté un.


La conclusion du deuxième chapitre s’annonça avec l’attaque terroriste de 2018, quand une cellule de Daesh a bombardé une patrouille de sécurité dans la ville d’Al-Fuhais, à Balqa, sans faire de victimes; suivie d’un affrontement armé avec une cellule terroriste à Salt, dans le centre du gouvernorat, tuant 5 membres des forces de sécurité et 3 hommes armés. Cinq autres ont été arrêtés, et des dizaines furent blessés.
Avec la participation de milliers de jeunes Jordaniens sur les fronts syrien et irakien et l’absence d’une vision claire de leur sort ou de modalités pratiques pour leur retour, les chapitres de l’histoire du terrorisme en Jordanie restent évolutifs, ce qui a contraint l’État à adopter une stratégie globale capable de relever les défis pourrant survenir dans un avenir proche ou lointain.

 

Approche de sécurité militaire
Depuis le déclenchement en 2011, de la crise syrienne, les institutions politiques et de sécurité jordaniennes ont suivi de près la situation en Syrie. Au cours des trois premières années, la Jordanie s’est abstenue de toute implication directe dans le dossier de ce pays, se bornant à prêter attention à la question humanitaire des réfugiés syriens. Cependant, depuis 2014, les crises irakienne et syrienne ont été étroitement liées à l’extension du contrôle de Daech sur de larges pans de l’Irak et de la Syrie et à la déclaration de l’ambition sans réserve du Califat Islamique d’étendre son expansion à la région et au monde. 
Sur la base de ces développements, la Jordanie est devenue l’un des pays les plus menacés par cette organisation, en raison de la situation géographique proche de l’Iraq et de la Syrie. 
Avec la visibilité de la coalition internationale contre Daech qui a réuni en août 2014, à la suite d’attaques militaires contre des positions de l’État Islamique (Daech) en Irak et en Syrie, plus de 60 pays dirigés par les États-Unis, la Jordanie n’a trouvé aucune alternative qu’à la participation active. Ainsi, depuis le 23 Septembre 2014, les avions de l’armée de l’air jordanienne, ont participé de concert avec les États-Unis et d’autres pays, à des raids aériens contre des cibles vitales de l’État Islamique dans les zones de déploiement de celle-ci à Raqqa, Deir Ezzor, Albukamal, Hassakah et à d’autres, afin d’éliminer les combattants de l’Etat Islamique (Daech) et de détruire ses centres de commandement et de formation, ses équipements et ses zones d’approvisionnement en armes. 
La Jordanie a soutenu les partis de la coalition internationale aux niveaux du renseignement et de la logistique, en fournissant installations, bases militaires et aéroports… pour mener des frappes sur les sites de l’organisation en Syrie et en Iraq.


Depuis l’expansion de l’organisation en Iraq, la Jordanie s’emploie à développer ses relations avec les tribus sunnites d’Al-Anbar dans le but d’affaiblir l’organisation, de la priver de son incubateur populaire et d’établir un obstacle important à son ambition de se développer aux dépens du territoire jordanien. Elle a fourni au gouvernement irakien les renseignements nécessaires et une aide à la formation et s’est particulièrement distinguée dans sa lutte contre la menace d"ISIS", à travers la "politique de coussin" qu’elle a développé, en établissant un réseau de relations sociales et de sécurité avec les tribus et les parties prenantes de l’Ouest de l’Iraq et du Sud de la Syrie.

 

Concernant la Syrie, la Jordanie a noué avec les tribus et partis influents du sud de la Syrie, des relations étroites et des alliances qui contribueraient à renforcer le rôle de l’Armée libre, à contrôler la conduite de l’opération militaire à Horan et à affaiblir la présence de l’ISIS et de Jabhat al-Nusra dans ces régions. La Jordanie a d’autre part, étendu ses alliances à la campagne de Deir Ezzor et à la région orientale de la Syrie, adjacente au camp Rukban où se trouvait l’Etat Islamique (Daech). La politique dite "politique de coussin" a permis de créer des conditions importantes pour la protection de la sécurité nationale jordanienne.
Sur la base de sa conviction de l’importance du rôle de la Russie en Syrie et dans une tentative de créer des "zones de désescalade" sur la frontière jordano-syrienne, la Jordanie s’est ouverte en coordination avec les États-Unis, à la partie russe afin de trouver dans le sud de la Syrie et dans le cadre d’un accord conclu en juillet 2017, des arrangements assurant la sécurité nationale. Selon cet accord, le cessez-le-feu le long des lignes de contact était suspendu, en vertu de l’accord du gouvernement syrien et des forces associées, d’une part, et des forces de l’opposition armée syrienne, de l’autre. L’importance de cet accord est qu’il constitue un pas en avant vers une réduction permanente de l’escalade dans le sud de la Syrie, mettant fin aux hostilités, rétablissant la stabilité et permettant l’accès humanitaire à cette région importante du pays. Fin août 2017, la Jordanie et la Russie ont annoncé l’activation du Centre d’Amman pour surveiller l’accord de cessez-le-feu dans les villes de Daraa et de Quneitra, et pour soutenir l’acheminement de l’aide humanitaire dans les régions du sud. 

 

Approche douce
Le message de Amman était la première approche intellectuelle adoptée par l’État jordanien dans la lutte antiterrorisme. Il s’agit d'une déclaration détaillée publiée le 9 Novembre 2004 par le Roi Abdullah II, dans le but de clarifier l’essence du véritable Islam et de montrer son image tolérante exempte d’extrémisme. Le message affirme le caractère sacré de la vie humaine et l’inadmissibilité des attaques visant des civils pacifiques et leurs biens. Il affirme le caractère sacré de la vie humaine et l’inadmissibilité d'attaques visant des civils pacifiques et leurs biens, expliquant que les actes terroristes perpétrés par certains musulmans sont contraires à l’essence du véritable islam. Le message de Amman promeut en outre, les dénominateurs communs entre les religions, les renforce et propose une approche du dialogue qui mènerait à davantage de convergence et de compréhension. Il s’agit d’un programme de plaidoyer approprié, basé sur la douceur, loin du durcissement et de l’hyperbole. Issu d’un dialogue islamique interne entre divers érudits musulmans, le message a permis de dégager  un accord sur trois points principaux, connus sous le nom de: “Contenu du message d’Amman” et visant à dégager la définition du terme "Musulman" dans le cadre des diverses sectes et écoles où les érudits ont convenu que leurs adeptes sont musulmans, et qu’il n’est donc pas permis de les expier; à s’occuper des points communs entre ces sectes, toutes conformes aux principes de la religion - leurs différences étant confinées aux branches - tout en soulignant la nécessité de ne pas s’attaquer à la Fatwa par des personnes non qualifiées ou prétendant l’Ijtihad, ni d’introduire de nouvelles doctrines ou Fatwas contraires aux règles et aux principes de la charia.


L’Initiative de la Parole commune ou “Common Word Initiative” est la deuxième approche intellectuelle. Elle a été approuvée par d’éminents érudits musulmans sous les auspices de l’Institut Royal “Aal al-Bayt” pour la pensée islamique et vise à promouvoir une culture d’harmonie et de paix entre les peuples et les religions et définir une plate-forme commune pour le dialogue et les relations entre musulmans et chrétiens. L’initiative a été lancée en Octobre 2006, à travers une lettre ouverte dans laquelle 38 érudits musulmans de toutes les classes ont répondu au discours du pape Benoît XVI et ont parlé d’une seule voix des vrais enseignements de l’Islam.

Un an plus tard, les érudits ont élargi leur message: cent trente-huit érudits de toutes les écoles de pensée et écoles islamiques se sont réunis pour annoncer le document intitulé «Parole commune entre vous et nous», qui traitait du dénominateur commun entre le christianisme et l’islam. La version finale du document a été présentée à la conférence intitulée: "L’amour dans le Coran”, organisée en Septembre 2007, par l’Académie Royale relevant de l’Institut Royal Aal al-Bayt pour la pensée islamique, sous les auspices du Roi Abdullah II. 
Les participants à la conférence ont convenu que le dénominateur commun qui sert de base idéale pour le dialogue et la compréhension entre Islam et Christianisme est: l’amour de Dieu, du prochain et du bien.
Le roi Abdullah II avait déjà lancé depuis 2010 devant l'Assemblée générale des Nations Unies, l’initiative "Semaine de l'harmonie interconfessionnelle" pour encourager les citoyens en général et les jeunes en particulier, à adhérer aux nobles principes de tolérance et de coexistence. Moins d’un mois après, les Nations Unies ont adopté cette initiative à l’unanimité, marquant la première semaine de février “Semaine de l'harmonie interconfessionnelle”.
L'idée de la Semaine de l’harmonie interconfessionnelle est basée sur le travail de pionnier de l’“Initiative de la Parole commune” et sur les concepts d'amour de Dieu, du prochain et du bien. Elle offre chaque année, une plate-forme d’une semaine pour démontrer la force des groupes de dialogue interconfessionnels et de bonne volonté.


Enfin, en 2014, le gouvernement jordanien a élaboré un plan national de lutte contre l’extrémisme face à l’expansion de l’extrémisme et du terrorisme dans la région et dans le monde, en particulier l’organisation terroriste État Islamique (Daech), qui a atteint son apogée en 2014. Ce plan définissait les responsabilités de divers ministères et institutions dans la lutte efficace contre l’extrémisme et l’idéologie extrémiste. Il soulignait que la lutte contre l’extrémisme et l’hyperbole intellectuelle nécessitait des efforts communs impliquant tous les aspects liés à ce phénomène: religieux, culturel, éducatif, social, économique et politique. Le Plan national de lutte anti-extrémisme a défini trois cadres principaux comme piliers du traitement intellectuel de la culture de l’extrémisme:
-    Le premier: établir une véritable culture religieuse islamique fondée sur les objectifs de la charia islamique tolérante, qui visait à préserver les cinq objectifs fondamentaux qui garantissent le bonheur humain dans le monde, et l’au-delà, à savoir: la préservation de la religion, de l’âme, de l’esprit, de la progéniture et de l’argent. 
-    Le deuxième: consiste à promouvoir une culture communautaire fondée sur le pluralisme politique et le respect des libertés publiques et des droits civils. 
-    Le troisième: instaurer les valeurs de tolérance et d’acceptation de l’autre, à travers toutes les institutions concernées par l’éducation et l’orientation, telles que: les Ministères de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, le Ministère des Awqaf, des Affaires Islamiques et des Lieux Saints, le Ministère de la Culture, les institutions de la jeunesse et des médias et le Département de Fatwa.


  
En conclusion, on peut dire que toute approche efficace pour lutter contre le phénomène du terrorisme doit reposer sur deux piliers principaux: 
-    Comprendre la nature du terrorisme et ses racines intellectuelles, ainsi que les contextes politique, économique et social de son émergence, en plus d’une lecture attentive du phénomène du terrorisme au niveau national. Ceci aidera à élaborer des plans réalistes pour lutter contre cette organisation. 
-    Mettre l’accent sur la dimension intellectuelle, militaire et de la sécurité de la lutte antiterroriste, tout en passant en revue les plans et initiatives nationaux fondés sur les intérêts nationaux, étayés par des programmes d’action délibérés et des outils d’évaluation clairs.