Avec l'exacerbation du phénomène des «combattants étrangers», et l'enrôlement d'un grand nombre d'entre eux dans les rangs des organisations extrémistes, notamment Daech et Al-Qaïda, qui les ont formés au port d'armes, à l'utilisation d'explosifs et à la pratique de divers actes de la violence, leur retour chez eux est devenu une préoccupation sécuritaire pour la plupart des pays du monde.

Grand dilemme

Les décideurs politiques et les responsables de l'application des lois ont beaucoup de mal à traiter légalement avec les rapatriés, certains pays n'ayant d'autre choix que d'accepter le retour de leurs ressortissants. Or, cela nécessité de trouver une issue pour parvenir à un équilibre entre l'application de la loi, la sécurité et le respect des mœurs, pouvant épargner aux pays les éventuels risques.

Prouver l'implication des combattants étrangers dans des actes terroristes est l'un des plus grands problèmes auxquels sont confrontées les autorités judiciaires dans divers pays. Dans de nombreux cas, le ministère public peut prouver le départ d'individus vers des zones de conflit, mais il ne peut souvent pas prouver leur affiliation à une organisation terroriste ou leur participation à des crimes de guerre. L'absence de fondements juridiques et d'un cadre spécifique pour les crimes terroristes complique encore les choses. Si certaines dispositions du droit pénal peuvent suffire à garantir un procès dans certains cas, les peines sont souvent légères et ne mettent pas en évidence la gravité des cas. De plus, les combattants illégaux ne remplissent pas les conditions des prisonniers de guerre et ne sont pas protégés par la Troisième Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre.

 Il convient de faire référence aux législations, lois, décisions, principes et accords les plus importants qui régissent le cadre juridique du traitement des combattants étrangers et de leur retour dans leur pays d'origine.

Conseil de sécurité

De nombreuses résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et des accords traitant d'aspects liés au terrorisme ont été adoptés. Les résolutions visent à contraindre les États membres à appliquer ces lois dans le cadre de la législation nationale de chaque pays. Le Conseil de sécurité a publié les résolutions (1373) en 2001, (2178) en 2014 et (2396) en 2017.

La première résolution est la plus complète, à la lumière de laquelle les décisions ultérieures doivent être interprétées et comprises. Elle a été rendue au lendemain des attentats du 11 septembre, et a été à l'origine d'une série d'accords internationaux ciblant l'extrémisme violent et le terrorisme. La deuxième résolution définit les combattants terroristes étrangers comme : des individus qui n'appartiennent pas à la nationalité des groupes armés ou des forces armées avec lesquelles ils combattent. Elle a appelé les États membres à mettre fin à leur menace, à travers trois types de mesures : (Lois pénales, sanctions et mesures préventives). La troisième résolution exhorte les États membres à détecter et enquêter sur les combattants terroristes étrangers de retour, à coopérer entre eux et à échanger des informations à leur égard.

Coopération internationale

Au cours des soixante dernières années, 19 accords et résolutions ont été approuvés pour lutter contre le terrorisme. L'Assemblée Générale des NU a établi des principes de lutte contre le terrorisme international depuis 1970, lorsqu'elle a publié la Déclaration sur les principes du droit international relatifs aux relations d'amitié et de coopération entre États conformément à la Charte des Nations Unies. En 1972, a été créé un comité spécial appelé «Comité du terrorisme international», qui a fourni une définition acceptable du terrorisme international et mis au point en 1999 un projet de convention mondiale pour la répression du terrorisme.

Le 8 septembre 2006, l'Assemblée Générale des Nations Unies a adopté un plan stratégique pour lutter contre le phénomène des combattants terroristes étrangers. Bien qu'il ne soit pas juridiquement contraignant pour les États Membres, contrairement aux résolutions du Conseil de Sécurité, il s'agit d'un instrument mondial sans précédent pour renforcer les capacités nationales, régionales et les efforts internationaux de lutte contre le terrorisme. Les États Membres ont convenu d'adopter ce plan dans une approche commune, basée sur quatre fondements:

  • S'attaquer aux conditions qui conduisent à la propagation du terrorisme,
  • Prévenir et combattre le terrorisme,
  • Renforcer les capacités des États à prévenir le terrorisme,
  • Garantir le respect des droits de l'homme et de l'État de droit.
L'approche législative adoptée par l'ONU encourage la conclusion d'accords bilatéraux et multilatéraux dans le cadre d'organisations internationales et régionales, les traités conclus œuvrant pour tarir les sources du terrorisme et couper court au financement des groupes violents. Sélectionner les moyens de dissuasion et le contenu des crimes terroristes est confié aux lois pénales nationales. Le cadre juridique pour affronter les combattants terroristes étrangers au niveau international comprend des initiatives présentant des recommandations et de bonnes pratiques.

Les initiatives les plus importantes à cet égard sont:

  • Convention Européenne: C'est un accord conclu en France en 1977, entré en vigueur en août 1978, et révisé en 2003. Il comprend une série d'engagements liés au terrorisme et au traitement des combattants de retour.
  • Mémorandum de Marrakech-La Haye: Il s'agit d'une initiative lancée par le Maroc et les Pays-Bas en 2014 pour partager les bonnes pratiques en matière de lutte contre les menaces à la sécurité posées par les combattants terroristes étrangers. La note identifie 19 bonnes pratiques et des conseils pour que les gouvernements élaborent leurs propres politiques. En 2015, une annexe de sept recommandations concernant le traitement des combattants terroristes de retour a été ajoutée.
  • Principes de Malte: Il s'agit d'une initiative conjointe du Centre de Recherche Hedayah et de l'Institut international pour la justice et l'État de droit. Présentée en 2016, elle comprend 22 principes pour guider les États Membres dans leurs politiques et programmes visant à réintégrer les combattants terroristes étrangers de retour.
  • Principes de Madrid: Ils sont le résultat d'une réunion du Comité contre le terrorisme du Conseil de Sécurité, tenue à Madrid les 27 et 28 juillet 2015. La réunion a publié 35 Directives dans son Document final, approuvé par le Conseil de Sécurité, en décembre 2015. Ces principes relèvent de trois grands thèmes:

  • Détecter et combattre les tentatives d'attirer et de recruter des combattants terroristes étrangers.
  • Empêcher le voyage des combattants terroristes étrangers de diverses manières: Mesures d'exécution, base de données d'informations sur les passagers, renforcer la sécurité aux frontières.
  • Criminalisation et poursuite des rapatriés, coopération internationale à cet égard, puis réhabilitation et intégration.
Après la défaite de Daech, le Conseil de Sécurité a focalisé sur la menace des combattants terroristes étrangers de retour. Dans sa Résolution (2396) en 2017, il a demandé au Comité antiterrorisme de revoir les Lignes directrices de Madrid. Le Comité réuni le 13 décembre 2018 à New York a élaboré une annexe comprenant 17 pratiques supplémentaires pour aider les États Membres à faire face au phénomène du retour des combattants terroristes.​

Coopération régionale
Le cadre juridique de lutte contre le terrorisme dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord est lié à ce qui a été élaboré par des organisations, organes et institutions, notamment:

  1. Ligue des États Arabes: La Ligue a approuvé la Convention arabe sur la lutte contre le terrorisme, en avril 1998 et nombre de recommandations lors du 26è Sommet de la Ligue tenu en Égypte en 2015. Les recommandations traitent les problèmes juridiques liés à la définition du terrorisme, l'extradition et la représentation judiciaire.
  2. Organisation de l'Unité Africaine: L'OUA a publié plusieurs décisions concernant la lutte contre le terrorisme, à partir de 1992. En 1999, a été conclue en Algérie la Convention d'Alger sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, qui vise à renforcer les efforts africains conjoints de lutte contre le terrorisme.
  3. Organisation de la Coopération Islamique: L'OCI a publié un code de conduite pour les États Membres dans la lutte contre le terrorisme international et l'a adopté en 1994. Puis, elle a adopté en 1999 le Traité de l'OCI sur la lutte contre le terrorisme international, mis en œuvre le 7 novembre 2002. Ce traité présente certains avantages: L'article 2 exclut du champ d'application des dispositions du traité, les personnes participant à la lutte armée légitime pour l'autodétermination. Reconnaissant les défis qui ont entravé la mise en œuvre du Traité de 1999, l'organisation a indiqué en 2016 son intention d'envisager de proposer des règles supplémentaires et de mettre à jour certaines dispositions du traité.
  4. Mesures européennes: Certains gouvernements européens cherchent à rapatrier leurs citoyens selon leur situation individuelle, et beaucoup hésitent à le faire pour des raisons de sécurité. Cependant, les pays de l'UE ont adopté des mesures pour empêcher les retours faciles et poursuivre en justice les combattants terroristes étrangers et leurs familles qui sont toujours dans les zones de conflit ou les camps de détention.

Les organes compétents de l'UE assistent les autorités nationales dans la coordination des enquêtes et des poursuites et facilitent la coopération judiciaire dans les affaires liées au retour de combattants étrangers, en créant un casier judiciaire unifié, en collectant des informations sur les procédures judiciaires de tous les États Membres et en élaborant des plans stratégiques pour régler la question du retour. Parmi les procédures suivies figure la collecte de preuves incriminant les combattants étrangers, telles que: Des photos d'opérations terroristes, des empreintes digitales sur des engins explosifs et des messages électroniques. Le mémorandum publié par l'Agence de l'UE pour la coopération en matière de justice pénale en 2020, montre que malgré les nombreuses difficultés rencontrées pour obtenir ces données et vérifier qu'elles répondent à des normes de preuve acceptables, il a ouvert la voie à la poursuite des terroristes présumés.

Les autorités judiciaires de dix pays de l'UE indiquent que, depuis 2018, elles ont reçu et utilisé de nombreuses informations sur les combattants étrangers dans les zones de conflit dans les procédures judiciaires, telles que: Les données des téléphones portables et des cartes de crédit. Le mémorandum fait des recommandations pour mieux obtenir des preuves inculpant les combattants étrangers. L'Europe cherche à promulguer de nouvelles lois antiterroristes qui accepteraient le retour des combattants de Daech, tels la Suède, l'Allemagne, la France et les Pays-Bas, tout en comptant leurs crimes comme des crimes internationaux pouvant entraîner des peines plus longues.

Conclusion

La coopération régionale et internationale doit être renforcée pour traiter les cas de retour des combattants étrangers, en tenant compte des principes de base approuvés par l'ONU à cet égard, qui comprennent le retour dans le pays, le procès, la réadaptation et la réinsertion dans la société. L'option d'établir un tribunal international pour juger les détenus avant de les renvoyer dans leur pays d'origine reste ouverte et pourrait éventuellement s'imposer pour assurer les conditions de justice et garantir les normes juridiques et humanitaires, tout en affirmant que la complaisance dans ce dossier signifie de favoriser aux combattants étrangers un environnement propice pour plus d'extrémisme, de violence et de terrorisme.