​L’extrémisme violent dans le Nord du Cameroun fait partie de la réalité du Nord du Nigéria; la frontière coloniale qui sépare les deux pays n’a en rien empêché les manifestations de solidarité ethnique, religieuse et environnementale entre les populations. Si le Nord du Cameroun présente des avantages commerciaux, économiques et sociaux considérables; en tant que voisin du Nigeria, la même chose vaut pour les crises auxquelles ce voisin est confronté, y compris l’extrémisme violent et le terrorisme. Le groupe Boko Haram au Nigéria s’est étendu sur le Nord du Cameroun, l’a transformé en un théâtre d’opérations, un havre d’asile, de recrutement, de financement et de radicalisation.

Le Groupe de Boko Haram
Le Nord du Cameroun et le Nord-est du Nigéria sont des territoires déchiquetés, dont la structure religieuse et ethnique change constamment. La religion dans le Nord du Cameroun a un impact considérable sur l’harmonie sociale, mais elle est parfois utilisée comme un catalyseur de violence dans le Nord du Nigéria. La montée du fondamentalisme religieux et de l’extrémisme violent dans le Nord-est du Nigéria a eu des conséquences graves sur le Nord du Cameroun, qui constitue historiquement un lieu de dissémination de l’Islam et la région de transit du commerce entre les deux pays. L’extrême Nord du Cameroun fait partie de la région sahélienne affectée par des problèmes climatiques et sociaux, ce qui a contribué à l’infiltration et à l’extension de Boko Haram dans la région. 

Certains facteurs ont aidé Boko Haram à élargir ses projets terroristes dans la région, notamment: Le réseau de collaborateurs locaux, les problèmes de société, la précarité de la sécurité, la pauvreté et la marginalisation, et la mauvaise gestion. La question la plus urgente est sans doute: Pourquoi le Nord du Cameroun est-il la cible du groupe Boko Haram? La réponse à cette question comporte plusieurs aspects qui peuvent être mis en lumière dans ce qui suit.

Facteurs politiques et sociaux
Sur le plan politique, le Cameron considère que Boko Haram était une affaire interne au Nigéria; la réponse militaire aux attaques est donc une simple défense, même si les états voisins sont toujours prêts à réagir à l’expansion des activités terroristes du groupe. Les autorités camerounaises n’ont commencé la guerre contre Boko Haram qu’en 2014, alors que le groupe a commencé ses attaques dans le Nord du Cameroun en 2011.

Il est également nécessaire de souligner l’aspect social du groupe Boko Haram; il ne s’intéresse pas au recrutement de ses élites parmi des érudits, mais plutôt chez les pauvres, en particulier des jeunes qui ne fréquentent pas les écoles publiques; ils sont dans les traditionnelles écoles religieuses de la région. Le groupe ne se limite pas à la rhétorique religieuse et émotionnelle et à l’exploitation des injustices sociales, mais il paie généreusement les jeunes qui intègrent ses rangs, alors que l’État n’est pas en mesure de fournir une vie décente à beaucoup de jeunes frustrés et mécontents.

Aussi, le groupe, promet la rétribution de l’autre vie, en échange des combats sacrés qu’il mène. Ce facteur parmi d’autres explique l’orientation religieuse fondamentaliste du groupe.

Facteurs économiques
La situation économique est un facteur majeur de la montée de la violence de Boko Haram dans le Nord du Nigéria, ainsi que de la détérioration du niveau de vie. Boko Haram a été directement responsable de la détérioration de l’économie dans le Nord du Cameroun et dans la région au cours des sept dernières années. Les crimes commis par le groupe ont paralysé la vie quotidienne. Le Gouvernement déclare: Plus d’un demi-million de personnes dans l’extrême Nord du Cameroun ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence, car les attaques de Boko Haram ont contraint les paysans à abandonner leurs champs, à fermer les marchés locaux et à entraver la circulation des biens et des personnes.

La sécurité alimentaire s’est également détériorée de façon évidente, en particulier le long des frontières; en raison de l’afflux continu de réfugiés nigérians, qui dépendent des communautés d’accueil au Cameroun. Selon le Gouverneur d’Extrême-Nord, Midjawa Bakary, à moins d’aider les paysans et de fournir aux marchés locaux des produits de base, la région serait menacée par une famine terrible.

La pauvreté est l’un des plus grands problèmes auxquels le Cameroun est confronté, en particulier dans les régions du Nord; selon le document de stratégies de croissance et d’emploi DSCE de 2009, 41% de la population vit dans une extrême pauvreté et la région est en proie à une sécheresse prolongée, ce qui a entraîné des déplacements de bergers qui avaient perdu une grande partie de leur bétail. Si certains d’entre eux parviennent à trouver un emploi, leurs revenus économiques ne leur serviront pas à s’enrichir de la faim. Ils sont donc obligés de se rallier à Boko Haram pour éliminer la pauvreté.

Facteurs religieux
De nombreuses personnes considèrent que les causes religieuses sont le principal moteur de la violence, tandis que les causes profondes sont le dénuement et l’inégalité. Les facteurs socioéconomiques ont contribué à la propagation de l’extrémisme, la peur et l’émigration. L’homogénéité ethnique de ces groupes a donné lieu à une solidarité criminelle; il les a rassemblés dans des bandes de criminels de toutes sortes. 

La doctrine intellectuelle Boko Haram affirme que sa méthode est l’espoir de stabilité et de fin des injustices sociales et économiques. Ainsi, l’extrémisme violent, en tant que doctrine intellectuelle, place la religion au service de la politique, afin qu’il soit logique et accepté par le public. La question ayant semblé justifier un projet de réforme, les Nigérians considèrent que la religion et la solution pour une aspirent à une société plus équitable société plus juste et plus cohérente.

Boko Haram a profité de cette volonté populaire pour recruter ses combattants. De 2002 à 2009, son ancien leader, Mohammed Youssef, a réussi à attirer un large public de jeunes et de nombreuses familles pauvres au Nigéria, au Niger, au Tchad et au Cameroun, ont envoyé leurs enfants dans le complexe religieux de Youssef, qui abrite une mosquée et une école pour promouvoir l’idéologie du groupe.

Les groupes armés
Parmi les facteurs qui contribuent à la montée du terrorisme dans le Nord du Cameroun, on peut citer la migration des groupes armés et des combattants près du Lac de Tchad et du Nigéria. Les groupes ont choisi la région pour en faire une base en rattachant des groupes de mercenaires ayant une solidarité ethnique et militaire en raison de leur appartenance culturelle leur permettant de circuler librement et confortablement. Ces aspects montrent comment l’homogénéité environnementale, religieuse et ethnique a contribué à accroître l’appui populaire à Boko Haram dans le Nord du Cameroun. L’identité régionale, religieuse et ethnique détermine profondément la loyauté d’un individu par rapport à l’appartenance à l’État-nation et à la citoyenneté. Boko Haram se sert de ces loyautés pour s’assurer le soutien de la population de la région.

Le groupe opère dans des provinces frontalières, telles que Mayo Tsanaga, Logone et Mayo Sava. Il exploite leurs faiblesses pour la préservation de ses partisans travers l’utilisation de l’endoctrinement intellectuel, des incitations socioéconomiques, ainsi que de la coercition. Boko Haram, fait du Nord du Cameroun une zone de contrebande d’armes et caches contenant des armes et des explosifs provenant de pays en crise grave, comme la République centrafricaine.

Tourisme et infrastructures
L’extrême Nord du Cameroun a été la destination de nombreux touristes. Aujourd’hui et depuis que Boko Haram a multiplié les enlèvements et les demandes de rançon, personne ne visite la région, ce qui a eu des conséquences économiques catastrophiques surtout que le tourisme était une source de revenus pour des milliers de familles.

En ce qui concerne l’éducation, le Gouvernement a fermé ou transformer de nombreuses écoles, en particulier les écoles coraniques craignant l’endoctrinement ce qui a affaibli le processus éducatif et a eu un effet négatif sur les enfants qui ont dépassé l’âge scolaire obligatoire.

Boko Haram a œuvré à détruire l’infrastructure de défense tout au long de la frontière avec le Nigéria et à forcer les policiers à quitter leurs postes. De nombreux postes de police et brigades de gendarmerie ont été détruits à Amicheda, Futokul, Jariya, Kerawa, Humaka, Avadi et Hailé Alifa, ce qui a entraîné une perte importante de l’État, une stagnation économique et la privation des droits fondamentaux de la population.

La fermeture des Commissariats a entraîné une augmentation des taux de criminalité. Ces Centres étaient la seule structure étatique pour faire face à ces fléaux dans la région. Sur le plan sanitaire, les actes terroristes contre des infrastructures sanitaires et des équipes médicales aux postes sanitaires frontaliers a causé de graves pénuries.

Conclusion
Pleinement convaincus de l’importance de la confrontation militaire de Boko Haram, il semble nécessaire d’adopter d’autres mesures, notamment pour s’attaquer aux causes du terrorisme. Nous estimons qu’il impératif de renforcer l’État de droit et d’assurer une vie décente. Aussi, il faut habiliter les jeunes professionnellement et leur fournir des emplois décents pour fermer la porte devant les recruteurs extrémistes. Ceux-ci sont encouragés par les gouvernements, après avoir réalisé que les actions militaires seules n’ont pas produit les résultats escomptés. La reconstruction économique, sociale, religieuse et culturelle, qui vise la coopération de bonne volonté entre le peuple et le gouvernement, doit également être encouragée pour le développement d’une société stable qui lutte contre les groupes extrémistes et les empêche d’apparaître.