L'attaque contre deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande en 2019 était peut-être la plus violente et la plus sanglante, mais ce n'était ni la première ni la dernière d'une série de ciblages de mosquées musulmanes dans les pays occidentaux, qui se sont multipliées après les attentats du 11 septembre 2001, révélant l'état de l'escalade vertigineuse du phénomène de l'islamophobie et sa transformation en une idéologie violente qui menace les valeurs de coexistence pacifique et d'intégration entre les populations autochtones et les expatriés musulmans.
Attaques répétées
Certaines attaques contre les mosquées dans les pays occidentaux survenues dans la deuxième décennie du troisième millénaire traduisent le degré de haine et d'intolérance que vouent les agresseurs à leurs victimes. Elles variaient entre le jet de pierres et de cocktails Molotov, l'attaque à la voiture bélier, l'incendie des bâtiments, les tirs aux balles réelles contre les fidèles, les insultes et slogans anti-musulmans écrits subrepticement sur les murs des mosquées, le harcèlement verbal et physique des prieurs et les menaces électroniques envoyées pour créer un état de terreur parmi les musulmans.
L'incident le plus violent et le plus criminel a été perpétré à la mi-mars 2019, lorsqu'un homme armé a commis une horrible attaque terroriste à l'intérieur de la mosquée Al-Noor et du centre islamique Linwood à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, tuant environ 50 personnes et en blessant 50 autres qui attendaient la prière du vendredi.
Le 29 janvier 2017, six personnes avaient déjà été tuées et huit blessées, lorsque trois hommes armés avaient ouvert le feu sur une quarantaine de personnes qui effectuaient la prière d'Al-Isha dans la Grande Mosquée de Québec, Canada. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a qualifié l'agression d'attaque terroriste contre des musulmans paisibles.
Le 16 octobre 2016, des individus non identifiés ont caillassé la mosquée «Ranchlands» de l'association islamique de Calgary, Alberta, Canada et brisé ses fenêtres. L'incident est survenu une semaine après que la mosquée du Centre islamique dans le sud de la ville a été victime d'une attaque similaire, au cours de laquelle les assaillants ont brisé des fenêtres, brûlé une copie du Coran et laissé un message haineux.
Le 10 juin de la même année, les autorités américaines ont arrêté un officier au grade de major et l'ont inculpé d'intimidation raciale, accusé d'avoir jeté du porc à côté d'une mosquée en Caroline du Nord et menacé de mort les fidèles qui se préparaient à prier pendant le mois de Ramadan.
En 2015, des manifestants ont attaqué une salle de prière dans un quartier populaire d'Ajaccio, en Corse, France, l'ont vandalisée, brûlé les copies coraniques, et écrit des propos anti-arabes et anti-musulmans sur les murs. Le Premier ministre français de l'époque, Manuel Valls, a qualifié l'attaque de profanation inadmissible.
Le 12 mars 2012, des jeunes hommes ont lancé des cocktails Molotov sur une mosquée du quartier d'Anderlecht dans la capitale belge, Bruxelles, tuant l'imam de la mosquée, asphyxié par la fumée de l'incendie et détruisant une grande partie de la mosquée. Les enquêtes menées après ces incidents et des dizaines d'autres ont montré certains indices derrière le ciblage des mosquées dans les pays occidentaux par des opérations terroristes, comme suit:
Haine et racisme: Ces incidents font écho au système de haine et de racisme envers les musulmans dans les pays occidentaux où prévaut un discours hostile aux étrangers en général et aux musulmans en particulier, considérés comme des envahisseurs qui menacent l'homogénéité de la société occidentale et les valeurs culturelles qui y règnent. Ce discours qui les tient pour responsables des problèmes sociaux dont souffrent les pays occidentaux, s'est accru avec la montée politique de l'extrême droite, qui invoque intensément cette hostilité à la suite des attaques terroristes contre les pays occidentaux commis par al-Qaïda et Daech, de sorte que le discours haineux de la droite est devenu attrayant pour de nombreux électeurs.
Les médias ont eu un grand impact dans l'incitation contre les musulmans et l'exacerbation de la haine, à travers les informations, les émissions, les drames, les films et les documentaires qu'ils diffusent, ainsi qu'à travers les romans et les écrits historiques qui cherchent à déformer les principes de l'Islam et à stigmatiser les musulmans comme étant des terroristes, prétendant que l'émergence de sociétés musulmanes au cœur de l'Europe est une menace pour l'identité nationale et que la culture musulmane est incompatible avec les droits de l'homme et la démocratie.
En plus de certains réseaux fonctionnant comme des organisations à but non lucratif qui diffusent des informations fallacieuses sur les sociétés musulmanes incitant la société occidentale à considérer les musulmans comme violents, fanatiques et terroristes. Les partisans des partis d'extrême droite en Allemagne ont tenté de nourrir le sentiment anti-musulman après l'attentat de Berlin le 19 décembre 2016, qui a fait 12 morts, pour gagner le soutien des anti-immigrés.
Une étude publiée en juillet 2016 par le Centre de recherche «Pew» indique qu'un bon pourcentage de sociétés européennes pense que l'afflux d'immigrants accentue la possibilité d'attaques terroristes et a un impact négatif sur les conditions sociales et économiques en privant les citoyens européens des emplois et des avantages sociaux.
De nombreux groupes haineux appellent à la violence contre les personnes ou groupes d'ethnie, religion ou même nationalité différentes. Pour atteindre leurs objectifs, ils utilisent divers outils, dont le cyberespace pour atteindre différents publics d'une manière inédite.
Mobile de la vengeance: Les attentats du terrorisme de la droite contre les musulmans, seraient une réponse aux attentats terroristes dont les pays occidentaux ont été victimes, dans une tentative de leur conférer une légitimité morale imaginaire ou un pseudo-héroïsme. L'interdépendance entre les attaques terroristes mutuelles est apparue dans plus d'un pays. Suite à l'attentat terroriste revendiqué par Daech contre «Charlie Hebdo» en janvier 2015, six mosquées ont fait l'objet d'attaques armées par des éléments d'extrême droite. En Grande-Bretagne, après l'attentat perpétré par un kamikaze dans le hall «Manchester», lors d'un concert de la chanteuse pop «Ariana Grande» le 22 mai 2017, le nombre d'attaques contre des musulmans dans la ville a quintuplé avec 139 incidents contre 25 la semaine précédant l'attaque. Ces attaques ont été qualifiées de vengeance contre les envahisseurs sanguinaires des terres européennes.
Symbole des musulmans: Certains Européens considèrent les mosquées comme un symbole des musulmans et un foyer culturel islamique, les voient sous un jour négatif et s'opposent à la construction de nouvelles mosquées ou à l'extension d'anciennes mosquées existantes. Une étude a attribué les raisons du refus de la population locale en Grande-Bretagne d'établir des mosquées, à la crainte des rassemblements humains musulmans autour de la mosquée, transformant l'endroit en un centre communautaire exclusif. Ce refus traduit aussi la crainte de l'hégémonie de l'architecture islamique sur la civilisation chrétienne occidentale et l'islamisation de l'Europe, l'Islam et les musulmans étant perçus comme une menace pour la population européenne et les mosquées comme des incubateurs d'extrémisme, plutôt que comme des lieux de culte spirituels.
Plus de victimes: Etant des lieux de rassemblement pour les musulmans dans les pays occidentaux, cibler les mosquées pourrait entraîner de nombreuses victimes, ce qui serait une source d'inspiration pour d'autres racistes dans différents endroits.
Réduire l'immigration: De nombreux extrémistes de droite considèrent les immigrants musulmans en Europe comme des envahisseurs menaçant le mode de vie occidental, sapant son harmonie sociétale et ses valeurs culturelles dominantes, ce qui nécessite de limiter cette immigration et de préserver l'identité sociale de l'Europe. L'auteur du crime néo-zélandais, Tarrant, a confirmé qu'il n'était qu'un homme blanc ordinaire qui a décidé de prendre position pour un meilleur avenir aux Européens blancs et de se débarrasser des envahisseurs musulmans dans son pays, ajoutant qu'il représente des millions d'Européens et de peuples nationaux qui cherchent à vivre en paix sur leurs terres, à pratiquer leurs propres traditions et assurer un avenir prospère aux futures générations européennes.
Négligence de l'extrémisme de droite
On peut dire que les services de renseignement occidentaux ont commis une grave erreur en focalisant uniquement sur les menaces des groupes terroristes attribuées aux musulmans et en n'accordant pas suffisamment d'attention à la menace des extrémistes de droite, dont l'activité agressive était évidente. Ces groupes ont mené des attaques régulières contre les communautés minoritaires. Ainsi, au cours des dernières décennies, Christchurch a accueilli des groupes d'extrême droite tels que des skinheads, des néonazis et des nationalistes fondamentalistes qui ont promu leur propre vocabulaire de pureté raciale et d'élimination des immigrants, mené des attaques contre les musulmans et utilisé le cyberespace pour propager des discours de haine envers les musulmans et les symboles islamiques.
Après l'incident néo-zélandais, plusieurs rapports ont critiqué cet état des choses et appelé les gouvernements occidentaux à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de ces crimes. Enfin, les attaques contre les mosquées musulmanes ne peuvent être considérées comme un cas exceptionnel dans les pays occidentaux, sur fond de haine et de racisme ciblant les musulmans, de conflits persistants au Moyen-Orient et de menace persistante d'Al-Qaïda et de Daech. D'autre part, l'extrême droite continue de considérer les musulmans comme des envahisseurs et des intrus dans les sociétés occidentales, dont il faut se débarrasser pour préserver la pureté imaginaire de ces sociétés.
Il faudrait, pour sortir de ce cercle vicieux, s'appuyer sur les blocs modérés pour formuler les bases communes pour une coexistence pacifique mutuelle, faire la distinction entre l'extrémisme et la modération, éviter de généraliser et de considérer les autres comme des blocs homogènes et affirmer que le terrorisme est un germe satanique sans foi ni loi, contraire à toute religion céleste, et diamétralement opposé aux valeurs humaines, et qu'il faudrait affronter tous ensemble et ne point utiliser deux poids et deux mesures face à ce type de crime.