​Al-Qaïda est considérée comme l'une des premières organisations terroristes à se livrer à des opérations d'enlèvement et de demande de rançon au début de la guerre américaine contre l'Afghanistan. Après l'émergence de la piraterie maritime et l'enlèvement ultérieur d'otages de marins et de capitaines de grands navires, puis leur libération en échange de fortes sommes d'argent, ce phénomène s'est répandu dans différentes parties du monde et a été utilisé comme une source importante de financement des groupes terroristes.

Crime organisé
Au fil du temps, le phénomène de la rançon est devenu un crime organisé, ou une mafia en bonne et due forme, à commencer par l'enlèvement puis la négociation et enfin l'intervention d'intermédiaires. Il a pris des dimensions politiques et sociales, outre la dimension économique et provoqué un boom du marché des enlèvements et du phénomène des rançons. Et puisque ce crime menace directement la vie des otages et des ravisseurs, y faire face est devenu un sujet très sensible, où s'imbriquent plusieurs facteurs objectifs et subjectifs liés parfois à l'opinion publique, en particulier dans les pays où les décisions des gouvernements sont influencées par ces facteurs.

Ainsi s'impose la nécessité de reconsidérer, voire de réfuter le point de vue qui justifie le paiement de rançon, sous prétexte de protéger la vie du citoyen kidnappé. Ce point de vue prévaut notamment en Europe parmi les universitaires et les intellectuels, pour qui refuser de payer la rançon menace la vie des gens.

Quant au monde politique et aux gouvernements, la vision est équilibrée, et plus pragmatique contrairement aux universitaires. Dans ce contexte, se distingue le livre «Nous voulons négocier: Le monde secret des enlèvements, otages et rançons» de Simon Joel.

Il est également important d'étudier les répercussions de ce phénomène qui a entraîné de nombreuses anomalies qui compliquent ou restreignent les mesures visant à éliminer le terrorisme, surtout après que la «rançon» se soit transformée en une entreprise rentable similaire à un type de «commerce» spécifique.

Au niveau des valeurs et des principes, censés être l'ombrelle des politiques et le moteur des décisions, la croissance du phénomène de la rançon établit une relation entre les services de sécurité et les terroristes, ce qui menace la valeur primordiale dans cette guerre morale et humanitaire, qui est la contradiction radicale entre le terroriste et l'agent de sécurité.

L'affrontement inéluctable
La rançon est généralement un phénomène très ancien, qui a débuté dans les années trente du siècle dernier, et s'est ancré dans les années soixante auprès d'organisations européennes, telles que l'ETA en Espagne, l'Armée Rouge en Allemagne et les Brigades Rouges en Italie. Il ne fait aucun doute que le retour du phénomène avec les organisations Al-Qaïda et Daech impose la nécessité de l'affronter par divers moyens et ne point obtempérer aux exigences terroristes.

Certains développements nécessitent des mesures énergiques avant que le phénomène ne s'aggrave et n'atteigne un point de non-retour. L'intensification des cas d'enlèvements et leur concentration dans certaines régions du monde, telles qu'en Afrique, Afghanistan, Iran, et le fait de souscrire aux revendications des terroristes menace les efforts de lutte contre le terrorisme. Car l'échec des efforts à y faire face contribue à l'exacerbation de cette activité terroriste, tant que la «rançon» permet d'obtenir d'importants gains.

Les gouvernements européens sont les pays les indulgents dans le paiement des rançons contrairement aux américains et britanniques. Bien qu'ils ne soient pas entièrement innocents, les Américains sont plus intelligents pour payer la rançon à travers un tiers, surtout si l'otage kidnappé se trouve en Iran ou entre les mains de pirates.

La rançon constitue une aubaine pour les organisations terroristes, non seulement en tant qu'activité lucrative, mais aussi en tant qu'instigateur pour la «création» de nouvelles organisations terroristes, notamment sur fond de chômage généralisée dans le monde et de détérioration des conditions économiques dans les pays africains, ainsi qu'en tant qu'avantage obtenu en communiquant et en négociant avec les services de sécurité pour libérer les otages, ce qui peut contribuer à créer des relations amicales et des ententes pouvant se développer entre (terroristes et sécurité). La rançon pourrait inciter d'autres organisations terroristes à pratiquer cette activité, et à se faire de nouvelles sources de financement, à une époque où de nombreux États prétendent réprimer le terrorisme.

Interférence des dimensions
La recrudescence du phénomène des enlèvements sous toutes leurs formes, qu'il s'agisse d'enlèvements d'individus ou de navires et pétroliers, est liée à l'aspect financier. Selon un rapport, l'organisation terroriste Daech a collecté en 2014 entre 35 et 45 millions de dollars, en guise de «rançons». Quant à Al-Qaïda, il a réalisé entre (2004-2012) environ 120 millions de dollars, la plupart provenant d'Afrique du Nord. Il existe plusieurs indications du flux de ces fonds vers les organisations terroristes, notamment à la lumière des difficultés qui entravent les efforts nationaux et internationaux de lutte contre le terrorisme. Parmi ces indications figurent:

  1. L'essentiel de l'échec des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme est lié à la présence de lacunes politiques et sécuritaires dans les lois ou procédures de certains pays, notamment européens. L'aspect financier ou économique assume un rôle important à cet égard, car les lacunes des lois et des procédures de certains pays sont, par essence, une sorte d'indulgence envers les terroristes, que l'on doit plutôt affronter avec force et fermeté, sans parler du faible engagement de certains pays à mettre en œuvre les résolutions et accords internationaux visant à réprimer les organisations terroristes en Europe même.
  2. Dans certains cas, les gouvernements assument la responsabilité des enlèvements et des demandes de rançon. Les organisations terroristes peuvent avoir pour source de financement des entités économiques légitimes et légales, parfois à but lucratif, tels que les organismes de bienfaisance agréés! L'activité de ces entités complique certes la traque du financement du terrorisme. De plus, la création de nouvelles sources de financement ajoute de nouvelles difficultés aux opérations de repérage et de contrôle et entrave ainsi les efforts internationaux déployés pour endiguer le financement du terrorisme.
  3. Accepter le paiement de la «rançon» serait même une sorte d'acquiescement tacite à ces organisations terroristes. La lutte contre le terrorisme apparaît ainsi comme si c'était une affaire qui ne concernait pas ce payeur de rançon, ou qu'il n'était pas membre international responsable. Comment peut-on accuser des pays arabes et islamiques de soutenir le terrorisme, alors que certains pays européens le font ouvertement? Compte tenu de l'importance de préserver la vie des citoyens, l'augmentation des cas d'enlèvement signifie que les terroristes profitent des positions de ces pays, en tant que point faible majeure qu'ils exploitent pour atteindre leurs objectifs.
  4. Il existe un écart important dans les montants des rançons qui montre que les organisations terroristes font preuve de réalisme dans la gestion de ce type de terrorisme. La valeur du montant requis varie selon la nature et l'importance de chaque otage. Un otage politique ou diplomatique diffère d'un simple citoyen, et un otage d'un pays non démocratique ne vaut pas un otage d'un pays démocratique ou riche qui valorise le citoyen.
  5. Face à l'intensification des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme, les organisations terroristes ont tendance à chercher des arènes plus faciles pour kidnapper, et se tournent donc vers l'Afrique, devenue même le lieu d'action de prédilection de ces organisations, vu que les conditions internes en Afrique facilitent les enlèvements, que ce soit pour les terroristes africains ou les terroristes venant en quête d'un environnement sûr où les chances de succès semblent plus élevées pour pratiquer leurs crimes.

Perspective future?
Les enlèvements se sont transformés en profession, et après que la «rançon» soit devenue une source juteuse de revenus, les organisations terroristes se sont données à cœur ouvert aux enlèvements au point que le produit de ce crime ait été estimé à environ 50 millions de dollars en 2020, ce qui a donné à ces organisations la possibilité d'étendre leurs activités terroristes dans différentes parties du monde, quoique l'arène africaine demeure la plus active. Les étapes de paiement de la rançon ont également donné aux organisations un pouvoir moral et politique. Négocier avec eux (plutôt que les combattre) est une façon de les reconnaitre. Il est naturel que certains pays dénient avoir payé des rançons, puisqu'ils ne les ont pas payées directement, mais à travers des intermédiaires.

Cependant, la poursuite du financement des organisations terroristes conduit à l'échec de toutes les mesures de lutte contre l'extrémisme, car la force de ces organisations réside dans leurs potentialités économiques. En effet, la multiplication des enlèvements et la recherche d'environnements sûrs pour les pratiquer révèlent que la question de la négociation entre les terroristes et les gouvernements a conduit à la transformation des enlèvements d'un crime en un «business», bénéficiant parfois à des personnalités puissantes qui assument la tâche de médiation.

Et puisque les rançons sont devenues une importante source du financement des organisations terroristes, à côté de la piraterie en haute mer, ainsi que les accusations contre les organisations caritatives, les règles antiterroristes approuvées au niveau international doivent être strictement appliquées. Sinon, les efforts antiterroristes seront vains pour de nombreuses raisons, dont la plus importante est que la rançon est séduisante pour les groupes terroristes et l'un des moyens les plus simples d'obtenir des fonds, surtout que ces organisations préfèrent prendre en otage des ressortissants de pays riches qui ont tendance à négocier pour libérer leurs citoyens.
Les justifications des gouvernements européens pour le paiement des rançons peuvent être compréhensibles au niveau interne, car ils s'inquiètent de la réaction de l'opinion publique européenne, les accusant de faiblesse et d'échec, ce qui les a incités à obtempérer de façon implicite aux revendications des terroristes, estimant que cette mesure est plus facile que de tuer l'otage. Mais en pratique, céder à ces exigences est extrêmement dangereux, et pour preuve, le terrorisme se poursuit dans les pays habitués à dire oui aux terroristes. Et on peut même dire que le citoyen européen est le plus visé par les enlèvements.

Ainsi, les pays européens en particulier et les pays occidentaux, en général, se retrouvent face à une double responsabilité morale contradictoire: Sécuriser la vie de leurs citoyens kidnappés et respecter les engagements internationaux dans la lutte contre le terrorisme. L'acceptation des revendications des terroristes et hors-la-loi n'ayant pas contribué à réduire les crimes et les menaces, la communauté internationale n'a d'autre choix que d'affronter ce phénomène avec fermeté pour tarir l'une des sources les plus importantes du financement du terrorisme, qui est la «rançon».​