Les médias, sous leur forme moderne, à travers les médias électroniques, sont devenus une opportunité vitale pour les courants extrémistes et takfiri, dans leur quête continue de créer des environnements incubateurs pour leurs idées fondamentalistes. Les plates-formes de propagande de toutes sortes sont importantes pour ces groupes, et servent leurs objectifs politiques, idéologiques et méthodologiques. Parmi ses objectifs directs figurent le recrutement d'individus et l'acquisition de sympathisants, ainsi que le ciblage intellectuel et politique des partis d'opposition qui s'opposent à leurs pratiques agressives et leurs attaques terroristes armées.

Exploitation des médias

L'un des objectifs indirects des courants extrémistes médiatiques est de diffuser leurs idées dans de vastes vecteurs de la société, transmettre leurs informations et expériences politiques et organisationnelles et établir des liens avec des groupuscules similaires ou différents, ce qui rend leurs propres discours ouverts au grand public et au débat, et gagnent en légitimité plutôt que subir l'exclusion et l'anathème.

Diverses organisations takfiri, comme L'EI (Daech) et Al-Qaida, ont su exploiter les outils médiatiques influents et complexes, les utiliser au mieux, et obtenir des résultats substantiels, dont le plus important est la mondialisation du terrorisme. Les groupes terroristes, en particulier Daech, ont attaché une grande importance aux médias et ont profité des grands progrès techniques pour utiliser les réseaux intelligents en ligne et se forger une image barbare de propagande. Ils ont pris pied dans toutes les applications électroniques, les téléphones intelligents, les médias modernes et les sites sociaux à travers lesquels ils lancent d'énormes campagnes médiatiques. Les médias, tous types et sources confondus, sont devenus une arme idéologique entre les mains des terroristes, avec laquelle ils réalisent les mêmes résultats destructeurs que les armes physiques.

Les courants terroristes ont exploité les libertés médiatiques dans les pays occidentaux pour promouvoir leurs idées politiques et idéologiques et justifier leurs opérations agressives. Ils ont pu ainsi gagner en popularité et se faire une réputation, au point de paraître parfois opprimés et persécutés et manipuler parfois à leur insu les médias adverses au service du takfirisme et des objectifs de la propagande extrémiste.

Les courants radicaux terroristes ne se soucient pas que leurs opérations bénéficient d'une large couverture médiatique mais utilisent en permanence les médias pour justifier leur idéologie et leurs approches, et diffuser divers messages qui sèment la terreur et la panique parmi le public à travers des scènes cruelles et sanglantes.

Al-Qaïda et à l'Etat islamique possèdent des sociétés médiatiques, des agences de presse, des plateformes audiovisuelles, des publications et des radions qui diffusent leurs idées et les détails de leurs opérations terroristes pour gagner du soutien et s'attirer des partisans et des sympathisants. Les médias terroristes visent à toucher l'opinion publique, propager leurs pensées et fournir aux courants takfiri un important moyen de communication confidentielle, leur permettant de fabriquer des armes et des explosifs et d'obtenir des dons de tous les pays du monde.

Dr. Nabil Abdel-Fattah, chercheur spécialisé dans les affaires d'extrémisme, a indiqué dans une étude intitulée «Visions Ambigües, Médias et Terrorisme» que le but des organisations politiques fondamentaliste qui pratiquent la violence et le terrorisme est de véhiculer leurs convictions politiques, religieuses, ethniques ou nationales à l'opinion publique de leurs pays et du monde, à leurs membres dans les centres de détention ou les prisons, et aux  administrations politiques des grands pays.

Vague terminologie

L'imprécision du concept de terrorisme conduit à y incorporer divers actes de violence sociaux, politiques, religieux et sectaires. Les mouvements de protestation avec leurs convictions politiques et religieuses peuvent parfois être intégrés au concept de terrorisme. La généralité du terme terrorisme donne aux agences de sécurité, aux médias et à la classe politique une grande flexibilité pour inclure toute source de menace sécuritaire ou politique émanant de groupes illégaux dans la liste des organisations pratiquant la violence et le terrorisme. L'ambiguïté du terme «terrorisme» conduit à dissimuler les descriptions scientifiques correctes et précises des groupes de violence politique et sociale aux visages sectaires et religieux, sans compter que la condamnation de l'idéologie extrémiste et des actes de violence conduit à un type de contre-violence verbale.

Le discours médiatique souffre d'ambiguïté et de carence liées au niveau de connaissance des groupes fondamentalistes, de leurs systèmes et références intellectuelles, et de leur développement méthodique et structurel. Dans de nombreux cas, l'utilisation par les courants takfiri des médias vise à réaliser des revendications politiques spécifiques, comme de libérer leurs membres en prison, obtenir une rançon ou répondre à la demande d'un groupe, comme c'est le cas lors des enlèvements de touristes étrangers.

Critiques et objections

Certains médias occidentaux ont été critiqués pour avoir aidé à réaliser les objectifs des opérations terroristes et violentes auprès du grand public, enfants, femmes, politiciens, écrivains et religieux.

Ce point de vue est soutenu par le chercheur Muhammad Al-Sammak, qui précise dans son livre «Terrorisme et violence politique» qu'il existe une corrélation problématique entre les médias et le terrorisme. Chaque partie atteint certains de ses objectifs fonctionnels, professionnels et politiques, en une sorte de chevauchement entre elles. C'est ce qu'affirme l'historien et homme politique Walter Laqueur qui dit que le journaliste est le meilleur ami du terroriste, expression similaire de l'un des leaders d'Al-Qaïda, pour qui l'organisation terroriste gagne la moitié de la bataille grâce au suivi médiatique.

Selon l'Indice Mondial de Terrorisme, les Européens passent moins de temps que les autres en ligne. 56% des Européens de l'Ouest utilisent la plate-forme Facebook contre 68% des Européens du Nord. 30% des Européens de l'Ouest utilisent Instagram contre 40% des Européens du Nord et 10% des Européens de l'Ouest jouent en ligne contre 18% des Nord-Américains.

Selon le rapport de l'ONU, entre janvier et avril 2020, INTERPOL a surveillé environ 907.000 courriers indésirables, 737 incidents causés par des programmes malveillants et 48.000 liens vers des adresses de sites Web malveillants, tous liés au (Covid-19). INTERPOL a collecté ces données sur la base d'une enquête menée entre avril et mai dans 194 pays membres. 48 pays ont répondu, dont 42 % en Europe, 19 % en Asie, 17 % en Afrique, 12 % en Amérique et 10 % au Moyen-Orient. 

Le chercheur Nabil Abdel-Fattah indique que Daech a utilisé les médias sociaux et dispose de capacités techniques lui permettant de manoeuvrer en cas d'interdiction, de blocage, de suppression du contenu multimédia qu'il diffuse en ouvrant de nouveaux comptes sous des pseudonymes.

Risque de violence

La violence sous ses diverses formes symboliques, matérielles, verbales et rhétoriques fait partie intégrante des champs politiques, religieux, intellectuels, sociaux et culturels des sociétés humaines, entraînant différents types complexes d'exclusion sociale, nationale, linguistique, religieuse, nationale, sectaire, ethnique et régionale.

L'exclusion politique, culturelle et religieuse conduisent à l'accumulation de frustrations et à un sentiment accru d'injustice et de haine. Cette frustrante peut, à un stade de son développement, générer des motivations agressives pouvant s'extérioriser dans diverses manifestations de protestation, rébellion ou terrorisme, ciblant les symboles religieux, ou les intérêts économiques d'un État, d'un groupe ethnique, national ou linguistique, ou bien des dirigeants politiques, écrivains, journalistes et créateurs, ou des personnes ordinaires qui deviennent des cibles humaines d'actes de violence et de terrorisme visant à semer la terreur et la panique.

Danger médiatique

L'historien Laqueur corrobore ce que dit le spécialiste de la communication Marshall McLuhan: "Sans communication, il n'y aura pas de terrorisme". Cette vision commune trouve que les médias justifient, soutiennent et légitime le terrorisme.

Selon l'analyse menée par Michael Jeter, professeur d'économie et de finance à l'Université Yvette de Medellin, en Colombie, d'un échantillon de plus de 60.000 attentats terroristes, entre 1970 et 2012, le monde «a connu une augmentation terrifiante du nombre d'attaques terroristes». La base de données mondiale sur le terrorisme a enregistré environ 1395 attaques en 1998, et ce nombre a doublé au cours des dernières décennies, atteignant près de 8441 en 2012.

Jeter pense que les organisations terroristes reçoivent une large couverture médiatique et que le terrorisme est partout à la télévision, aux journaux et à la radio, sachant que les terroristes ont besoin de suivi médiatique pour diffuser leur message, semer la peur et recruter des partisans. Une attaque commise dans un pays multiplie le nombre d'attaques dans ce même pays de 11 à 15 %. Les résultats indiquent la nécessité de réduire la couverture d'actes de terrorisme car cela conduit à la diminution des attaques. Jeter ajoute : Nous devrons peut-être repenser le suivi médiatique qui provoque le terrorisme et cesser de fournir aux terroristes une plate-forme médiatique gratuite. Le suivi médiatique d'autres événements qui causent plus de dégâts dans le monde ne doit pas être négligé au détriment de la frénésie médiatique à débattre les crimes terroristes.

En Irak, la couverture médiatique établit une image sectaire dont profitent les courants takfiri. Ce traitement sectaire basé sur les dichotomies ethniques, nationales et sectaires, augmente les tensions et la sensibilité entre les composantes sociales.

Toutes les institutions médiatiques officielles et privées doivent être conscientes des effets négatifs de leur couverture médiatique d'actes terroristes violents, corriger le cours des choses et empêcher les terroristes d'atteindre leurs objectifs de près ou de loin. Les gouvernements devraient prêter attention à la censure des médias, surveiller les activités des médias terroristes et prendre les mesures qui limitent et escamotent leur propagande.​