L’un des phénomènes humains des temps modernes le plus controversé est celui du terrorisme. L’Afrique est l’un des centres qui abritent des mouvements extrémistes violents, ce qui fait de son territoire et de ses citoyens des victimes de ce terrorisme brutal. L’instauration de la paix dans l’ensemble du continent exige un travail sérieux et acharné, des recherches approfondies et minutieuses, et de se poser de nouvelles questions et la révision des maximes.

D’après l’Indice Mondial du Terrorisme de 2021, des États africains ont enregistré des taux élevés, en l’occurrence le Nigéria 8.2, la Somalie 7.4, la République Démocratique du Congo 6.7, et le Mali 8.2. Mais, il faut chercher les causes de cette situation, déterminer s’il y a un lien entre le terrorisme et les conditions de développement dans les sociétés africaines, et les mesures à prendre pour y remédier.

Contexte du terrorisme
La plupart des pays africains pourraient être un modèle de cette réalité étrange (et irrationnelle), illustrée par des ressources abondantes, une main-d’œuvre disponible et des résultats médiocres en matière de développement! Ceci n’est que le fruit d’une dépendance coloniale donnant naissances à des états postcoloniaux, dont les caractéristiques principales sont:
  1. La prolifération de la bureaucratie et la dominance des institutions de sécurité.
  2. La faiblesse du Produit National, et l’érosion de la capacité de l’économie à générer des opportunités.
  3. L’absence du sentiment d’une véritable représentation démocratique chez les citoyens.
  4. Le renforcement des liens tribaux et ethniques suite à l’incapacité des institutions à inclure les citoyens et à répondre à leurs besoins, et la brutalité de l’état dans ses rapports avec les citoyens.
  5. L’absence d’équilibre quand il s’agit des effets de la religion sur la vie publique. En dépit de l’important héritage spirituel de toutes les sociétés africaines, la religion pour les états est; soit de mise sous son contrôle, soit l’exclu de la vie publique.
  6. La spécialisation dans la production et l’exportation de matières premières, ce qui a engendré des déficits considérables dans la balance des paiements, et a confirmé l’image stéréotypé du continent comme étant un stock stratégique mondial.
  7. L’intention faible portée à la création du capital humain. Le taux d’analphabétisme reste élevé, ce qui réduit la compétitivité humaine.
Toutes ces caractéristiques ont créé un contexte favorable à la haine et à la violence.

Terrorisme et développement
La faiblesse de développement et l’absence d’équité dans la répartition des revenus de la croissance ont généré un environnement idéal pour l’extrémisme. Les actes terroristes ont contribué à l’aggravation du déficit de développement. Certains mouvements ont tenté de légitimer leurs actes sous le prétexte de combattre le gouvernement et d’affaiblir les capacités du pays, mais ils ont négligé l’impact de ces actions sur les citoyens qui reste perplexe vis-à-vis cette situation difficile.

Considérer le développement comme une simple politique et un programme économique ordinaire, a conduit à ce que connait les pays africains aujourd’hui. Ils sont toujours à la traîne sans aucun modèle de développement efficace, et sans modalité intégrant toutes les parties dans un système de construction nationale réalisé à travers des réformes sages. L’éviction du gouvernement serait donc le moyen le plus facile de changement.

L’occupation créa ce qu’on appelle une économie coloniale pour satisfaire ses besoins en exploitant des ressources naturelles, sans chercher sérieusement à construire une industrie nationale. Soucieux d’accélérer leur succès et de vaincre l’occupant, les États africains ont continué de suivre le modèle qui renforce la dépendance de l’économie nationale envers les matières premières, contribuant ainsi à la prolifération de la bureaucratie, la création d’un secteur public et la transformation du pays en un état rentier.

Les études confirment que la rente modifie fondamentalement la nature et la fonction de l’état; d’un État producteur à un état rentier spécialisé. L’état producteur doit s’efforcer de promouvoir la croissance économique intérieure. L’État rentier spécialisé est lui-même le détenteur du revenu principal. La question devient de savoir comment le gérer, et s’il y a des règles pour cela?

Les effets de la rente ne se limitent pas à la nature de l’état mais elles s’étendent à l’empêcher de se transformer en un état productif. En Europe, dans les temps féodaux, la source de la rente venait de l’intérieure, ce qui a facilité le passage de la féodalité à l’industrialisation, alors que dans les pays en voie de développement la rente vient de l’étranger. La volonté de la puissance occupante de bâtir ses structures économiques sur la base de la rente plutôt que de la production a renforcé l’expansion de l’état dans la sphère publique et transformé le système politique en un système autoritaire.

L’économie de rente se caractérise par plusieurs caractéristiques, notamment:
  • L’origine de la rente est externe, tandis que l’interne est limitée aux paiements intérieurs.
  • Une poignée de personnes participent à la production de rente, tandis que la majorité en distribue et consomme.
  • La rente n’est pas la seule forme de revenu en économie, mais la plus importante.
  • La rentabilité crée un environnement économique qui influe sur le comportement des investisseurs privés.
  • La rente libère des valeurs et des comportements qui favorisent la culture du butin, au détriment de la culture de la production et de la créativité.
  • Une économie de rente consiste à limiter l’activité économique à des secteurs lucratifs, sans que le rentier ait une activité productive ou créative, qu’il s’agisse d’un homme d’affaires ou d’une entreprise privée ou publique, du gouvernement central ou des gouvernements des états et des régions.
De nombreux chercheurs avancent qu’il est difficile de parvenir à une véritable démocratisation et à une stabilité économique. Plus important encore, la non-diversification de la base économique se traduit par une aggravation des inégalités et une mauvaise répartition des revenus.

La rente commence à partir de sources extérieures traditionnelles puis devient un système institutionnel intégré capable de (réguler) tout processus économique; investissement, productivité, commerce, et conversion en concessions subventionnées par l’état, en acquérant de plus grandes valeurs de transaction sous forme de loyers, commissions et dividendes.

Entre la rente et le terrorisme
L’état rentier s’appuie sur des convictions intellectuelles, dont la plus importante est l’adoption d’un modèle de modernisation du haut par un gouvernement qui s’est développé au détriment de la société, ce qui implique la contrainte des revenus sur certaines politiques, selon un modèle particulier. L’expérience mondiale montre qu’il existe plusieurs modèles d’effet de la rente sur le système politique, notamment:
  1. La production excédentaire et les recettes importantes.
  2. La rente augmente les capacités de l’appareil gouvernemental, lui donne une large marge de manœuvre dans la société, réduit les capacités d’autres partenaires.
  3. La rente extérieure est liée au marché mondial qui détermine les prix des matières premières.
  4. Les rentes faussent la fonction publique, le titulaire du poste devient plus important que le poste lui-même. Au lieu d’être une source de renforcement de la confiance entre le citoyen et le gouvernement, et de garantie de la citoyenneté, il cherche à consolider l’autorité du Gouvernement et à imposer son autorité. 
  5. L’état rentier empêche la démocratisation et le développement de la société civile.
  6. La rente entrave la transition démocratique; L’absence d’activités productives mettant en lumière la valeur du travailleur et l’importance de son travail productif.
  7. Dans l’état rentier, le pouvoir de sécurité est souvent dominé par l’exécutif à travers les pouvoirs législatif et judiciaire et par les médias.
  8. La rente engendre deux types de dépendance; dépendance vis-à-vis des ressources et dépendance vis-à-vis des importations.
  9. Le secteur des ressources freine le développement de la base d’exportation et du secteur industriel, limite l’innovation et limite les activités des hommes d’affaires, en encourageant des comportements rentiers pouvant avoir deux manifestations: a) Un comportement rentier non violent; b) Un comportement rentier violent.
  10. L’économie rentière induit un comportement politique fondé sur un approfondissement des clivages tribaux et ethniques, et les revenus tirés de la rente ne sont pas issus de l’emploi d’une main-d’œuvre importante dans l’économie locale, ce qui accroît le chômage et aggrave l’injustice.
  11. Le flux de la rente n’est pas seulement une caractéristique du système rentier, mais aussi une manière pour changer les structures de l’état, les processus de prise de décisions et bien d’autres. L’attention portée aux matières premières ne conduit pas à une transformation de l’économie nationale, ni à une transition vers une économie moderne. Au lieu de mettre le pays sur la voie de la relance, il en est devenu l’otage de la volatilité des marchés mondiaux, accentuant l’écart du compte extérieur. Cela entraîne des troubles politiques, sociaux et de sécurité.
  12. La rente accentue les inégalités de classe dans la société.
Il ressort clairement de ce qui précède que la rente a un impact direct et important sur la structure du système politique, sur les multiples relations de pouvoir, ainsi que sur les effets indirects des distorsions sur les structures économiques et sur la répartition des revenus de la production. De nombreux États africains qui dépendent des ressources initiales en sont témoins et encouragent la création d’un climat de terrorisme religieux, ethnique ou tribal.

Perspectives d’avenir
Pour comprendre le phénomène et la complexité du terrorisme, il faut examiner de manière approfondie et attentive les réalités des sociétés, le mouvement de l’économie mondiale, les puissances montantes (Chine et Inde) et leurs conséquences sur les économies africaines. Il ne fait aucun doute que la concurrence pour les ressources de l’Afrique s’intensifiera. Pour que le continent africain puisse en tirer profit, ses états et ses leaders d’opinion doivent chercher à assurer un avenir meilleur, et ce, par un ensemble de prestations, dont les plus importantes sont:

I. Compréhension large et approfondie de la structure et des limites des sociétés.
II. Création d’un consensus entre les principaux acteurs influents du domaine public.
III. Compréhension consciente de l’importance et de l’ampleur de la dette dans la sphère publique.
IV. Compatibilité des entités régionales en Afrique pour instaurer des relations plus équitables avec les multinationales et les pays développés.