​La croissance du phénomène du terrorisme à l’échelle mondiale a conduit les États et les gouvernements à lutter contre ce phénomène par la recherche et l’étude et à révéler ses causes et ses sources. Le terrorisme était et demeure toujours un phénomène courant d’agitation politique n’ayant épargné aucune nation. Le terrorisme n’est pas l’apanage d’une religion, d’une culture ou d’une identité particulière. Il s’est transformé en un phénomène global et général qui touche toutes les sociétés. La Thaïlande n’était pas à l’abri de ce phénomène mondial et a dû en pâtir comme le reste du monde.

La Thaïlande dans l’histoire
Le nom de la Thaïlande est dérivé du groupe humain y résidant du nom de Taï ou Thaï. Le pays était connu dans le passé sous le nom de «Siam» puis a changé en 1949 de nom en «Thaï» avec le suffixe «land» signifiant terre ou territoire, prenant ainsi la dénomination de Royaume de Thaïlande, avec pour capitale Bangkok.

Comme ailleurs en Asie du Sud-Est, la Thaïlande a connu l’Islam à travers les marchands musulmans arabes et persans qui ont introduit l’Islam dans les régions musulmanes actuelles depuis le IVe siècle Hégire (Xe siècle après JC).

La région la plus méridionale de la Thaïlande fait partie de l’archipel malais qui comprend: «l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Brunei, Singapour et Patani». Les provinces de l’extrême sud de la Thaïlande dans lesquels la proportion de musulmans est d’environ 80% de la population totale, constituent un emplacement stratégique et relient la péninsule malaise à la péninsule d’Indochine. La plupart des musulmans de la région sont issus de l’ethnie malaise dont la langue malaise (Javanais), s’écrit en lettres arabes et comporte de nombreux mots arabes. Après l’annexion de cette région du Sud au Royaume de Thaïlande, la plupart des générations successives ont commencé à parler (thaï) comme langue officielle et gouvernementale, en plus de leur langue maternelle (le javanais).

Communauté multiraciale
La religion prédominante en Thaïlande est le bouddhisme à 95%, tandis que les musulmans viennent en deuxième position avec seulement 4%, quoiqu’il existe des sources qui portent le pourcentage des musulmans à 12%. De toute façon, les musulmans de Thaïlande sont minoritaires, quelle que soit leur proportion. Quant aux États du Sud de Thaïlande, ils sont à majorité musulmane. Ils formaient auparavant un pays musulman gouverné par des dirigeants musulmans avant de tomber sous la domination thaïlandaise. La proportion des musulmans y est d’environ 80%, selon les statistiques de 2004.

Ce fait historique confirme que le problème des musulmans dans les États du Sud de la Thaïlande n’est pas d’aujourd’hui, mais remonte à des époques reculées. La crise s’est déclenchée lorsque le gouvernement thaïlandais a occupé l’État Islamique de Patani, et depuis lors, les musulmans ne se sont pas calmés, estimant que l’histoire de leur pays constitue la principale justification de leur revendication d’indépendance. Leur situation économique qui se détériore et leur crainte de perdre leur patrimoine civilisationnel et culturel dans une société bouddhiste renforcent leur conviction que les dirigeants de Bangkok n’ont pas réussi à atténuer leur problème, et encore moins à lui trouver des solutions satisfaisantes.

Conflit dans le sud
La majorité musulmane dans les régions du sud adhère fermement aux principes de la religion islamique, ce qui rend ces régions différentes du reste des régions du Royaume de Thaïlande, en termes de langue, de culture et de religion. La plupart des habitants ont les nationalités thaïlandaise et malaisienne, et leurs liens ethniques et religieux avec les régions malaisiennes sont étroits, mais ils n’ont que peu de contrôle sur l’économie de leurs régions, La plupart d’entre eux travaillent dans l’agriculture, la pêche ou la récolte de caoutchouc.

La région sud s’appelait autrefois «Royaume de Patani» et était gouvernée par un Sultan musulman. En 1909, le Traité de Bangkok signé entre le Royaume-Uni et le Royaume de «Siam» trace la frontière moderne entre la Malaisie et la Thaïlande. Les provinces de «Patani, Narathiwat, Yala et Songkhla Satun» sont restées sous la domination siamoise. La Thaïlande a renoncé à sa revendication de souveraineté sur les États de Kedah, Kelantan, Perlis et Terengganu, devenus une partie de l’État de Malaisie. Depuis cette date, des mouvements ont surgi appelant à l’indépendance et à la sécession du Royaume de Thaïlande.

Récemment, la crise s’est clairement renouvelée en janvier 2004, lorsque des hommes armés ont attaqué la base militaire de Ratchancrin dans la province de Narathiwat. Ils ont été qualifiés de terroristes par le gouvernement thaïlandais. Certains gardes de la base ont été tués et 400 armes ont disparu. 

Après cette attaque, les incidents violents se sont poursuivis, dont les plus célèbres sont:
  • Le 6 janvier 2004: Des affrontements ont eu lieu entre les musulmans du sud de Thaïlande et les forces thaïlandaises dans tout l’État de Patani. De nombreux militaires thaïlandais ont été tués. Le gouvernement a décrété la loi martiale et le couvre-feu, et déployé ses forces armées. Plusieurs villages et écoles religieuses ont été assiégés et fouillés. 
  • Le 23 mars 2004: Un attentat à la bombe a eu lieu près du siège du gouvernement thaïlandais dans l’État de Narathiwat. Deux jours après, le Président de l’Association du barreau musulman de Patani, Somchai Nila Vijit (Abu Bakr) a été assassiné. Les journaux locaux et le Centre pour les droits de l’homme ont fortement critiqué cette affaire. 
  • Le 28 avril 2004: Les forces thaïlandaises ont attaqué des fidèles dans la cour de la mosquée Kresik dans la province de Patani, et environ 128 personnes ont été tuées.
  • Le 25 octobre 2004: Des musulmans ont manifesté devant le poste de police de Tagbei dans l’État de Narathiwat, revendiquant la libération de six détenus accusés de collaborer avec les terroristes. La police et l’armée ont arrêté environ 1300 manifestants dont 78 sont morts par asphyxie lors de leur transfert au poste militaire de Patani dans de mauvaises conditions.
  • En 2005: 5 explosions majeures se sont produites.
  • En 2006: 8 explosions se sont produites.
  • En 2011: 24 attentats à la bombe ont eu lieu dans l’État de Yala, au cours desquels de nombreux musulmans et bouddhistes ont été tués.
  • Entre janvier 2004 et octobre 2021: 21.235 incidents de sécurité se sont produits dans l’extrême sud, au cours desquels plus de 7.295 personnes ont été tuées et 13.550 personnes blessées.
Traitement des médias
Les médias thaïlandais influencés par  la mondialisation traitent le phénomène du terrorisme à la manière des médias notamment américains, français et allemands, en plus des médias orientaux qui suivent à la lettre l’exemple des médias occidentaux. Aussi, les médias thaïlandais n’ont-ils pas adopté de position objective et neutre face à la question. Ils se contentent d’émettre des jugements et des interprétations tous azimuts et de porter des accusations au hasard sans preuves convaincantes pour les masses et sans respect pour leurs esprits.

En examinant de plus près les documents publiés dans les médias thaïlandais liés au terrorisme, nous constatons qu’ils se caractérisent par ce qui suit:
  1. Prédominance du caractère informatif sur le suivi médiatique des opérations terroristes, sur fond de précipitation et de hâte, et parfois même de platitude et de médiocrité.
  2. Faiblesse du suivi médiatique à caractère analytique et explicatif et absence de suivi d’investigation, ce qui rend la couverture médiatique de l’événement très superficielle.
  3. Focalisation sur les événements terroristes plus que sur le phénomène terroriste, ses causes et ses motivations.
  4. Manque de recours aux experts et spécialistes pour traiter les différents aspects du phénomène et faible coopération avec les institutions éducatives et sociales concernées par la lutte contre le terrorisme.
  5. Banalisation ou exagération du phénomène terroriste, ce qui affecte négativement la crédibilité des médias et leur capacité à atteindre et à influencer.
  6. Les attentats sont traités indépendamment de leur contexte général d’extrémisme et de violence.
  7. Absence de recours à la science des médias et aux approches persuasives appropriées, la couverture médiatique se caractérisant souvent par l’improvisation qui finit par leurrer l’auditeur et le spectateur.
La Thaïlande et la lutte contre le terrorisme
Selon le rapport annuel des États-Unis d’Amérique sur le terrorisme pour l’année 2020, la principale faiblesse de la Thaïlande face au terrorisme est qu’elle constitue un centre de transit facile, quoiqu’elle n’ait connu aucune attaque terroriste transfrontalière cette année-là, la violence s’étant limitée à des attaques séparatistes dans l’extrême Sud Thaïlandais. Les autorités thaïlandaises soutiennent qu’il n’y a aucune preuve d’un quelconque lien entre les insurgés locaux et les réseaux internationaux.

Le gouvernement thaïlandais fait face aux défis locaux, tout en étant un partenaire efficace dans la lutte contre le terrorisme international grâce à son adhésion à nombre d’organisations régionales et multilatérales dont: l’ONU, l’ASEAN, l’ARF, l’APEC et le conseil des ministres de défense de l’ASEAN.

La Thaïlande dispose d’une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme, publiée en 2017, et d’une politique de sécurité nationale (2019-2022), publiée en novembre 2019, qui comprend des plans de sécurité régionaux spécifiques traitant de l’extrémisme. Face à la propagation de la violence, le gouvernement a eu recours à la présentation d’initiatives et de projets de dialogue, tels:

Projet Nouvel Espoir
Ce projet a débuté au début des années 90 dans la communauté islamique et vise à assurer la sécurité et la paix dans les régions du sud, à éteindre le conflit religieux entre musulmans et bouddhistes et à éliminer l’esprit de fanatisme entre eux. Mais il ne tient pas compte des différences religieuses, culturelles et sociales du peuple thaïlandais, ce qui conduit à semer les graines de discorde entre bouddhistes et musulmans, car ces derniers rejettent toute participation sociale et religieuse nécessitant de combiner les dispositions de l’Islam et les coutumes du bouddhisme, ce qui a fait échouer le projet parmi les musulmans du sud.

Projet de Sriwijaya 
Ce projet annoncé en 1993 repose sur trois principes: Liberté, fraternité et égalité, et des promesses de développement social et économique dans les États du Sud en vue d’améliorer les conditions de vie dans la région sud et permettre aux musulmans et aux bouddhistes de vivre en harmonie. Mais les musulmans qui demeurent conscients du danger du projet, y voient un appel à diffuser la culture bouddhiste parmi les musulmans et à détruire les principes de la morale islamique.

Projet du Comité Libre pour la Réconciliation Nationale
Le Comité est composé de membres de différents groupes et tendances, y compris d’éminentes personnalités musulmanes telles que le Secrétaire Général du Conseil Central Islamique de Thaïlande, les chefs des conseils islamiques des trois États, le Président de l’Université Islamique de Yala, le Président de l’Association des Jeunes Musulmans de Thaïlande, et quelques spécialistes, médecins et politiciens musulmans.

Le Comité cherche à instaurer l’entente entre tous les groupes du peuple thaïlandais et à contrôler la situation sécuritaire, en particulier dans les trois États du sud. À la fin de ses travaux en mars 2006, le Comité a présenté trois rapports appelant à écarter la violence dans la résolution des problèmes, d’user de méthodes pacifiques, de tenir compte des différences culturelles et sociales de la population et de généraliser la langue malaise comme seconde langue dans les trois États.