Les crypto-monnaies ont suscité un grand intérêt mondial pour leur valeur en croissance et leur utilisation généralisée, mais néanmoins, certains gouvernements les ont rejetées et d’autres dont des pays arabes, ont imposé une interdiction complète d’acheter, de posséder et de négocier ces devises. Toutefois, certaines institutions publiques et privées de plusieurs pays arabes étaient prêtes à prendre des risques, à s’appuyer sur les nouvelles technologies et à reconnaître rapidement ces monnaies, sans attendre la promulgation de lois réglementant leur utilisation.

Qu’est-ce que la crypto-monnaie
La crypto-monnaie est un actif numérique conçu pour agir en tant qu’intermédiaire dans les échanges financiers. Les enregistrements de propriété de devises sont stockés dans un «livre numérique», qui existe sous la forme d’une base de données informatisée, telle que la Blockchain, dite «chaîne financière publique des blocs», qui constitue une base de données de transactions. Elle gère en permanence une grande liste d’enregistrements appelés blocs. Chaque bloc contient l’horodatage de la transaction et un lien vers le bloc précédent, et toutes ces opérations sont effectuées à l’aide d’un puissant cryptage pour sécuriser les enregistrements des transactions, contrôler la création de devises supplémentaires et vérifier le transfert de propriété de cette monnaie.

Cela nous fait remonter à 1983, lorsque l’expert américain en cryptographie, David Kahn, a conçu une monnaie électronique cryptée appelée ecash. Plus tard en 1995, il a mis en œuvre le «Digicash», une première forme de paiements crypto-électroniques.

La devise «Bitcoin» issue pour la première fois en tant que programme d’open source en 2009 est la première crypto-monnaie décentralisée, qui serait conçue par le développeur Satoshi Nakamoto, auteur du livre blanc du Bitcoin, qui a créé et publié son logiciel de référence originale pour encadrer sa mise en œuvre, créé la première base de données de blockchain et parvenu à résoudre le problème de la double dépense de la Crypto-monnaie, en inventant le réseau peer-to-peer (d’égal à égal). À noter que beaucoup prétendaient être Nakamoto, car le nom de Satoshi Nakamoto était un pseudonyme utilisé par la ou les personnes ayant développé le Bitcoin.

Crypto-monnaie et terrorisme
Ce qui nous préoccupe le plus dans cet aspect, c’est l’utilisation des crypto-monnaies par les terroristes. Le 13 août 2020, le ministère américain de la Justice a annoncé que les autorités antiterroristes avaient démantelé une série de campagnes sophistiquées de collecte de fonds en ligne menées par trois organisations terroristes désignées par les États-Unis. La destruction de ces réseaux souligne leurs faiblesses et fournit des enseignements importants pour les futures tentatives de lutte contre le financement du terrorisme sur Internet.

Deux de ces campagnes recevaient des dons de Bitcoin depuis au moins 2019, et le troisième cas concernait un faux site Web créé à l’apparition du (Covid-19) par un intermédiaire financier présumé de l’EI (Daech) et un pirate informatique turc. Le site a prétendu être dédié à la vente d’équipements de protection individuelle contre le Coronavirus, tels que les masques médicaux N95.

Les organisations terroristes tirent leurs ressources financières d’un large éventail de sources traditionnelles et innovantes, allant des ressources naturelles aux enlèvements contre rançon et aux petits dons de sympathisants du monde entier. Les groupes terroristes n’ont cessé de diversifier leurs sources de financement à travers la collecte de fonds, sur les plateformes traditionnelles de dons en ligne et à travers les médias sociaux et, plus récemment, via la crypto-monnaie et d’autres moyens. La pandémie du coronavirus a incité les groupes terroristes à accroître leur recours aux services financiers en ligne et aux actifs virtuels, quoiqu’ils restent ingénieux en matière de collecte de fonds en ligne.

Études importantes
La fondation américaine RAND a étudié la possibilité que les groupes terroristes s’appuient sur les cryptomonnaies à plus grande échelle, compte tenu de leurs besoins et des avantages de cette technologie, estimant que cette recherche intéresse un large éventail de parties prenantes, dont les décideurs politiques antiterrorisme et ceux qui investissent dans cette monnaie.

L’étude a été menée au Centre de sécurité internationale et de politique de défense (NSRD), une division de recherche sur la sécurité nationale de Rand qui fait des études et des analyses pour le Bureau du secrétaire à la Défense, les chefs d’état-major interarmées, le Commandement Unifié des Combattants, les agences de défense, la marine, le corps des marines, la garde côtière, le renseignement américain, les gouvernements étrangers alliés et les institutions connexes.

L’étude indique que le succès des programmes de lutte contre le financement du terrorisme limitant l’accès des terroristes aux monnaies fiduciaires (émises par le gouvernement) a soulevé des inquiétudes que les organisations terroristes accentuent leur recours aux cryptomonnaies telles que le Bitcoin pour soutenir leurs activités.

Financement sans piste
Ces dernières années, les médias publient souvent des reportages et des enquêtes sur les sources illimitées et intraçables des fonds numériques que possèdent certaines organisations terroristes, ce qui sape les activités de LCT. Les décideurs soulèvent de nombreuses inquiétudes quant à l’utilisation des monnaies numériques par les terroristes, sachant que la capitalisation boursière totale de la cryptomonnaie a dépassé 2000 milliards de dollars le 5 avril 2021.

Selon l’étude de RAND: «Pour comprendre l’utilisation potentielle de la cryptomonnaie par les terroristes, il est utile d’examiner d’abord comment ces groupes utilisent l’argent, puis d’identifier les besoins et les opportunités d’une telle utilisation» que l’étude examine en trois volets : la réception, la gestion et la dépense.

Un rapport intitulé «Usage des crypto-monnaies dans le financement du terrorisme» publié dans le «Journal de Lutte contre le blanchiment d’argent» dit : «les transactions en Bitcoin et autres cryptomonnaies similaires ne sont pas toujours aussi anonymes qu’elles le paraissent. Elles fournissent en fait nombre d’outils pour identifier les identités individuelles associées à des transactions spécifiques. Bien que les plateformes comme Telegram offrent aux terroristes de fonctionnalités de sécurité, les campagnes de collecte de fonds en ligne s’étendent souvent aux canaux infiltrés par les responsables.

La publication d’adresses bitcoin sur ces canaux, ainsi que sur des sites Web officiels ou bien connus, peut permettre à des tiers de trouver des adresses et d’effectuer des analyses avancées des blockchain, en particulier les transactions publiques, pour surveiller toute activité suspecte, ce qui permet de révéler l’identité du propriétaire de l’adresse et des titulaires de tout autre compte associé.

En outre, de nombreuses bourses virtuelles qui négocient et stockent des cryptomonnaies sont soumis à des réglementations anti-blanchiment d’argent et anti-financement du terrorisme, telles que les règles stipulant de connaitre son client, ou d’être enregistrés auprès du FinCEN (Réseau de lutte contre la criminalité financière), en tant que MSBs (Sociétés financières accréditées). Ces réglementations affectent toutes les bourses enregistrées, qui incluent des clients basés aux États-Unis et la collecte d’informations personnelles sur les titulaires des comptes.

Daech le plus grand bénéficiaire
Une autre étude : «Est-ce que l’engouement pour le Bitcoin rend le monde moins sûr ?» publiée par Emerald Publishing indique que l’organisation terroriste Daech est l’une des organisations terroristes qui bénéficient le plus des Un partisan de l’organisation déclare : «Ce système a la capacité d’augmenter les dons à l’organisation. Il est facile et simple, et l’on se hâte de l’utiliser dès que possible».

Le groupe Ghost Security, spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et le piratage, a détecté une série de transactions pour des portefeuilles bitcoin soupçonnés d’appartenir à Daech, dotés de montants allant de 4,7 à 15,7 millions de dollars, soit entre 1 et 3 % de son revenu annuel estimé. Le groupe rapporte que Daech utilise largement le bitcoin pour financer ses opérations. En 2015, le Deutsche Welle a rapporté qu’un portefeuille Bitcoin qui appartiendrait à l’EI aurait reçu environ 23 millions de dollars en un mois.

L’un des principaux sujets de préoccupation dans ce contexte est la facilité avec laquelle il est possible d’acheter et de transférer des Bitcoins à l’aide des distributeurs automatiques Bitcoin. Angela Irwin et George Milad, chercheurs à l’Unité antiterroriste de l’Université Macquarie de Sydney, en Australie, notent que ces dispositifs constituent des failles, car ils permettent de transférer de l’argent rapidement et aisément partout dans le monde et d’acheter des Bitcoin et d’autres cryptomonnaies, en espèces ou par carte de débit. L’histoire de ces appareils remonte au 29 octobre 2013, lorsque le Robocoin a été annoncé dans la ville canadienne de Vancouver, devenant ainsi le premier distributeur automatique de Bitcoin accessible au public au monde.

Depuis son émergence, le Bitcoin a servi aux activités criminelles, et grâce au niveau accru d’anonymat qu’il fournit, il a acquis en popularité sur le Dark Web, pour le commerce de drogue et d’autres produits de contrebande.

Réglementation des cryptomonnaies
Les chercheurs Irwin et Milad indiquent que les institutions financières utilisent depuis des années les indicateurs d’alerte et les modèles de comportement suspect pour détecter les activités de BC et FT, mais qu’il était peu probable que les indicateurs rouges soient disponibles pour détecter les transactions illégales des blockchain, notant que des vérification insuffisantes ou inefficaces sont mises en œuvre pour identifier ces risques.

Irwin précise également que quoiqu’il soit possible de tracer l’historique des transactions Bitcoin, les utilisateurs restent anonymes, à moins que ces transactions ne soient accompagnées d’autres exigences pour vérifier les données d’identité, telles qu’une adresse e-mail. Mais cela ne permet pas de savoir si les informations fournies par l’utilisateur du compte sont frauduleuses ou non.

Aussi, avec la croissance continue du Bitcoin et autres cryptomonnaies, la réglementation de cette monnaie numérique devient-elle de plus en plus urgente. Irwin et Milad concluent que «des mesures urgentes doivent être prises pour parer aux fragilités potentielles de cette technologie, avant qu’elle ne devienne un moyen majeur de transfert de fonds illicites dans le monde». L’absence de réponse immédiate pourrait conduire à une catastrophe mondiale aux conséquences imprévisibles.