Le 13 mai 2018, le monde a été choqué par un étrange incident terroriste, lorsqu'un homme, sa femme et ses enfants se sont fait exploser avec des bombes attachées à leur corps à Surabaya, dans l'Est de Java. Six membres d'une même famille ont perpétré cet acte odieux: Dita Oprianto (48 ans), sa femme Boji Koswati (43 ans) et leurs quatre enfants. Cet incident a été suivi d'un autre acte terroriste au cours du même mois par la famille de Tri Mortiuno (50 ans), sa femme Tri Irawati (43 ans) et leurs trois enfants, à la porte du poste de police de Surabaya, par le biais de deux motocyclettes.

La ville de Medan, dans le Nord de Sumatra, a été témoin de cas de terrorisme familial, dont un attentat-suicide perpétré par un jeune homme, Rabuel Nasoshen (né en 1995), au commissariat de la ville. Sa femme, Dewi Anggraeni, 23 ans, était le cerveau de l'incident. Elle a planifié l'attaque et communiqué avec des personnes reconnues coupables d'incidents terroristes à Medan. Elle a également comploté un attentat suicide à Bali, une attraction touristique populaire en Indonésie.

Les incidents de terrorisme familial comprennent aussi l'incident du 15 juillet 2018, lorsqu'un couple a jeté un pot contenant des explosifs contre un poste de police à Indramayu, dans l'Ouest de Java. Le couple qui était membre du groupe terroriste pro-Daech Ansharut Daulah (JAD) en Indonésie, a pris une moto et tenté d'enfoncer un poste de police de la ville. Les policiers ont tiré des coups de semonce, mais le couple parvenu à la porte du poste de police, a lancé des explosifs sur le bureau du gardien et tenté de s'enfuir mais il a été rattrapé.

Ces actes terroristes ont conduit à ce que l'on appelle le terrorisme familial et les chercheurs et analystes ont commencé à rechercher les raisons qui ont conduit à ce type d'actes terroristes, ainsi que les moyens de les surmonter et de les prévenir. Les cas susmentionnés ont révélé que l'extrémisme et le terrorisme ne sont pas apparus du jour au lendemain, avec des actes mis en œuvre par un ou deux individus. Au contraire, ces actes se sont transformés en un travail collectif effectué par des familles entières. Le phénomène doit être étudié en profondeur afin d'en connaître les causes, de pouvoir le traiter, et d'y apporter des solutions radicales.

Motifs et raisons

Le terrorisme familial peut survenir pour plusieurs motifs et raisons, dont notamment:

1. L'idéologie extrémiste, révélée par les incidents terroristes à Makassar et Surabaya. À Makassar, un couple marié a commis un attentat-suicide devant une église. Il appartenait au groupe terroriste Ansharut Daulah, qui a brandi l'étendard de la haine envers le christianisme et les chrétiens. À  Surabaya, Dita Oprianto craignait de laisser sa famille dans un monde qu'il considérait comme injuste, alors il a décidé d'impliquer sa famille dans des attentats-suicides avec lui, espérant qu'ils «iraient tous au paradis ensemble».

Dans une recherche menée par Didi Tabarani au début de 2022, ayant traité de l'attentat de Surabaya, il s'est avéré que cet incident terroriste n'était pas motivé par une cause matérielle ou politique, mais que ses auteurs voyaient que c'était «le meilleur moyen d'atteindre le martyre». De ce point de vue, Tabarani estime que les terroristes ne représentent pas seulement des symboles religieux extrémistes, mais qu'il leur est facile d'accuser des personnes extérieures à leurs groupes et de les diffamer. En général, les deux incidents ne peuvent être considérés isolément des idées extrémistes de leurs auteurs.

2. L'exploitation des liens familiaux, qui est une caractéristique humaine, mais qui dans le cas du terrorisme se transforme en une volonté de vivre ensemble ou de mourir ensemble. Le père impliqué dans l'attentat de Surabaya était un extrémiste et pensait pouvoir vivre dans un «État islamique» en Syrie sous le règne de l'EI. Il était d'avis que si lui et sa famille ne pouvaient pas vivre ensemble dans un pays qui appliquait la loi islamique, alors ils devraient vivre ensemble dans leur patrie (l'Indonésie). Mais leur haine du gouvernement indonésien, qui n'applique pas pleinement la loi islamique de leur point de vue, et leur haine du christianisme, les ont poussés à commettre des attentats-suicides, afin qu'ils puissent jouir d'une vie de félicité avec les martyrs dans l'au-delà.

Ce lien familial a un impact sur la répartition des tâches dans les opérations terroristes, puisque Dita Oprianto conduisait la voiture dans l'incident terroriste qui visait la messe chrétienne. Avant l'exécution, il a conduit sa femme et ses deux filles à l'église de Dipongoro avec trois grenades autour de la taille, selon la police qui a retrouvé leurs corps. Alors que ses deux autres fils commettaient un troisième attentat terroriste contre l'église catholique «Santa Maria». Ils ont conduit deux motos, transportant des bombes, pour les faire exploser. Daech a revendiqué la responsabilité de l'incident dans son agence de presse Amaq.

3. Impact des médias sociaux dans la propagation de l'extrémisme. Dewi Anggraeni, l'épouse de l'auteur de l'attentat de Medan, était une femme active sur les médias sociaux, connue pour ses projets d'attentat suicide à Bali, centre d'attraction, visitée par les touristes de l'intérieur et de l'extérieur du pays.

4. Les femmes planifient des actes terroristes et les hommes les exécutent, car dans l'attentat de Medan, Dewi Anggraeni était la planificatrice et son mari chargé de l'exécution. Il s'agissait d'un phénomène intéressant. Dans le passé, la violence et le terrorisme étaient principalement masculin. Mais dans ce cas, la planification était l'apanage d'une femme, qui n'a pas seulement rempli la fonction de planificatrice, mais avait aussi des contacts avec d'autres groupes terroristes à Medan et ailleurs. Il semble donc que Dewi avait le maître-mot dans cette opération terroriste.

Le groupe Ansharut Daulah soutenait les auteurs du terrorisme familial, ce qui a ouvert de nouveaux horizons pour accepter l'implication de femmes et d'enfants dans la planification et l'exécution d'actes terroristes. L'idéologie de ce groupe diffère de celle du Groupe islamique d'Asie du Sud-Est, qui a participé aux pires opérations terroristes de l'histoire de l'Indonésie, lorsqu'il a commis les attentats de Bali en 2002, qui ont fait 203 morts et 209 blessés. Mais il n'a pas impliqué les femmes et les enfants dans l'attentat de Bali, et recourait uniquement aux hommes de la congrégation.

La différence de points de vue entre la Jamaa Islamia et le groupe Ansharut Daulah apparaît dans leur vision envers mes femmes. Le premier groupe voit la femme comme une guerrière à domicile, tandis que l'autre groupe la voit comme une guerrière sur le champ de bataille, et qu'elle peut participer directement à des actes de terrorisme et les exécuter elle-même. Le groupe Ansharut Daulah estime que la participation de femmes et d'enfants à des actes de terrorisme est un honneur pour eux, vision que confirment plusieurs incidents terroristes. Ainsi, Abi Rara et sa femme ont attaqué le Ministre indonésien de la Défense, le Général Wiranto qui était en visite dans la province de Banten.

Le terrorisme familial est devenu un phénomène répandu en Indonésie, car les familles extrémistes s'estiment garantir leur sécurité en commettant ensemble des actes terroristes. Les membres de la famille s'aiment, se font confiance et chacun est prêt à se sacrifier pour le bien des autres. La famille est un havre de paix dans le terrorisme, qui protège l'idéologie et combat idéologie adverse.

Précaution et prévention

Le terrorisme familial s'est répandu en Indonésie tel un germe mortel et est devenu une source d'inspiration pour les terroristes dans cette contrée et dans les pays voisins et lointains, ce qui impose de prendre des mesures préventives proactives dont les plus importantes sont:

  1. Promouvoir la pensée religieuse modérée, meilleur moyen d'éviter de dévier vers la pensée d'extrême droite ou d'extrême gauche. La pensée de juste milieu devra être ancrée dans chaque famille pour lui éviter de sombrer dans l'excès et de violer l'État de droit. Il ne fait aucun doute que chaque gouvernement commet des erreurs, mais nos réactions doivent être pacifiques et non violentes, conformément aux véritables principes de notre religion islamique. La violence conduit à la destruction du système social et culturel sur lequel reposent les sociétés.
  2. Rejet des interprétations extrémistes des textes religieux, car il en résulte un endoctrinement idéologique borné, qui conduit au rejet de l'autre. Didi Tabarani évoque l'impact des «prédicateurs violents» qui interprètent les textes religieux en dehors de leur contexte. Il ne suffit pas de blâmer ces prédicateurs, mais il faudrait au contraire ouvrir le dialogue entre les différentes idées afin de pouvoir les réformer, le message de l'Islam sur terre étant de maintenir l'ordre, la paix et la réforme parmi les gens de sorte que la «réforme» soit l'objectif de tous les érudits, prédicateurs, cheikhs et dirigeants musulmans.
  3. L'alphabétisation culturelle, la diffusion de l'esprit de citoyenneté et la sensibilisation aux droits et devoirs de l'homme, afin de protéger la nation et l'État. Nous vivons sous un régime étatique régi par des règles convenues. La compréhension de ces règles passe par la connaissance des droits et devoirs du citoyen. Sans aucun doute, l'ère de la mondialisation dans laquelle nous vivons exige que nous soyons conscients de l'importance de comprendre les autres cultures, de prendre conscience des différences inhérentes à chaque nation et de reconnaître la diversité culturelle, afin de devenir de bons citoyens.
  4. Faire un effort pour déconnecter les terroristes de leurs familles de crainte qu'elles ne suivent leur trace, et pour éviter que ces familles ne produisent de nouveaux terroristes. Les résultats de certaines recherches montrent que les interactions des familles de terroristes avec d'autres familles ne sont pas faciles et qu'elles restent résilientes face à la stigmatisation sociale qui leur est infligée en tant que familles de terroristes. Nous devons appeler ces familles à rétablir le cours normal de la vie, être les bons citoyens au sein de l'État, et à ne pas recourir à la violence et au terrorisme, comme le font les extrémistes qui commettent des actes terroristes.