Dans un contexte où les guerres entre États semblent être dépassées, et que les conflits de plus en plus deviennent internes aux États et à soubassement religieux, ethnique ou politique, le rôle de l’éducation en tant que projet commun et prospection devrait pouvoir prévenir les extrémismes au soubassement du terrorisme. L’extrémisme violent est une menace qui n’est propre à aucune religion, nationalité, culture ou origine ethnique particulière et qui compromet la sécurité, le bien-être et la dignité humaine.

En Afrique sahélienne, l’échec des politiques éducatives ont permis des revendications qui focalisent les frustrations accumulées pendant des décennies et les postures de révolte contre l’Ecole officielle.  C’est le retour des quêtes d’identité religieuse. Les systèmes éducatifs des pays du sahel sont confrontés à ce dilemme. La dualité de l’enseignement arabo-islamique et l’école officielle laïque héritée du colonisateur ont fini d’installer ces pays dans un clivage porteur de risques.

Offres opposées
La lutte contre l’extrémisme violent enregistre une forte croissance. Elle est devenue une composante de plusieurs programmes des organismes internationaux tels l’ISESCO et l’UNESCO. Toutefois, l’efficacité des initiatives de lutte contre ce phénomène dépend plus de la vitalité des relations entre l’État et les communautés que des programmes mis en œuvre par ces institutions. 

Les tenants d’une demande d’éducation islamique semblent faire face aux Etats. L’offre éducative qu’ils développent ne prend pas en charge les questions nationales. D’un autre côté, la méfiance des Etats envers les promoteurs d’éducation islamique, ou inversement, peut contribuer à la distanciation entre les projets éducatifs. Elles peuvent donner lieu à des occasions ratées d’entrer en relation avec des éléments très influents dans l’avenir des nations. 

Or les systèmes éducatifs dans la plupart des pays sahéliens peinent à unifier les offres éducatives en concurrence. En effet, deux visions éducatives s’y opposent. Pour l’enseignement arabo-islamique (EAI), la finalité est plus spirituelle que fonctionnelle. Quand l’éducation euro-occidentale vise le développement et le futur, l’enseignement traditionnel vise la morale, en général, et le cultuel, d’où leur opposition.

L’on sait que la formulation des politiques éducatives requiert de coordonner, harmoniser et équilibrer les questions de nature potentiellement conflictuelle. 

Établissement des programmes
Ainsi, pour construire des programmes, on passe généralement par trois phases:

1.    On s’interroge sur le choix politique, sur l’utilité des programmes en tant qu’investissement pour l’avenir;
2.    Ensuite, on réfléchit sur le rapport entre les enseignants et les élèves avec les programmes et les manuels;
3.    Et pour tout mettre en œuvre, on passe du domaine politique au domaine technique et pédagogique.

De ce point de vue les deux systèmes se meuvent dans l’indifférence sinon dans la concurrence au détriment de la cohésion nationale.

Aujourd’hui, une frange importante des jeunesses de ces pays, fréquente l’enseignement arabo-islamique sans que l’État, garant d’une éducation de qualité pour tous, n’ait à orienter leurs études ou à les prendre en charge, en matière d’insertion socioprofessionnelle. Il va sans dire qu’après leurs études, ces jeunes deviennent, dans la plupart de ces pays, une proie de toute sorte de risque de déviation. Certains se retrouvent dans une situation de vulnérabilité socioéconomique voire culturelle et sociale. Si d’aucuns se prennent en charge dans le secteur informel, d’autres seront pris dans les affres de la pauvreté. Tandis que d’autres tombent dans les travers des groupuscules religieuses déviantes radicalisées (des sénégalais ont rejoint Boko Haram faute de perspectives dans leur pays). 

Défi d’une Éducation prospective
Il est communément retenu deux vocations pour l’école i) Celle de donner à l’enfant des connaissances générales dont il aura à se servir, il s’agit de l’instruction ; ii) Et celle de préparer en lui l’homme futur, ce qui correspond à l’éducation. Mais toutes les deux s’inscrivent, pour se justifier, dans la prospection. Car toute décision relative au plus petit problème scolaire ou universitaire est prospective. L’éducation est une construction.

De ce point de vue, l’éducation doit prendre le dessus sur l’enseignement et la formation. C’est dire simplement qu’il faut placer l’homme au cœur des préoccupations. « Tout devrait dépendre de l’idée que l’on se fait de l’homme, l’homme d’aujourd’hui ou l’homme prochain (Paul Valéry). Or pour reconstruire l’homme, il faut l’humaniser ; il faut développer l’humanisme en lui. Il s’agit de s’intéresser au capital humain. 

L’éducation va devenir une technologie qui construit l’homme. Elle visera à le doter d’une véritable culture qui soit prospective. Elle n’est point la stérile évocation des choses mortes, mais la découverte d’un élan créateur qui se transmet à travers les générations et qui, à la fois réchauffe et éclaire. C’est ce feu, d’abord, que l’Éducation doit entretenir (Gaston Berger, 1967).

Les agendas éducatifs devront être arrimés aux objectifs d’inclusion, de cohésion et de paix.  Dans ce sillage, le statut et la place de l’enseignement arabo-islamique seront nécessairement réévalués. Cela permettra de le sortir   du rôle exclusif identitaire et doctrinaire pour en faire un facteur de développement inclusif futuriste. Il sera un choix nécessaire pour l’avenir, un choix de paix et pour la paix. 

C’est ainsi que l’éducation religieuse deviendra sagesse de vie quand elle sera capable de faire jaillir de l’homme, en contact avec Celui qui le transcende et avec ce qui l’entoure, le meilleur de lui-même, en modelant une identité non repliée sur elle-même mais au service de la vie. 

Nécessité des réformes
Réformer l’enseignement nécessite une approche de déconstruction/reconstruction au sein des systèmes éducatifs du Sahel. L’inadaptation de l’éducation à l’esprit de l’époque et son incapacité à anticiper les transformations sociales et l’évolution des modes de pensée de la génération du troisième millénaire constituent l’un des facteurs majeurs sous-tendant le déséquilibre des systèmes éducatifs dans un certain nombre de pays islamiques. 

D’où la nécessité de disposer de moyens idoines à même d’attirer son intérêt vers l’apprentissage et l’acquisition des connaissances et des compétences, afin qu’elle soit en mesure de faire face aux nouveaux défis du développement, ainsi qu’aux graves conséquences suscitées par le phénomène d’extrémisme, de terrorisme et de sectarisme, dont la propagation continue de s’étendre (ISESCO, 2018).

Au sein de cette réforme, l’approche religieuse et intellectuelle devrait prévaloir, en ce sens que l’extrémisme au soubassement du terrorisme est fondé sur une lecture déformée des textes religieux, en utilisant des concepts “ religieux ” altérés pour construire ses plans de propagande incitant à l’extrémisme, au sectarisme et au terrorisme, mais aussi pour attirer les jeunes qui ne possèdent pas toujours les connaissances religieuses requises.

Ainsi, il faudra:
1.    Dialoguer l’enseignement profane et religieux;
2.    Adosser l’enseignement arabo-islamique aux principes des sciences sociales et aux processus didactiques à même de former l’esprit critique;
3.    Tous les systèmes éducatifs du Sahel devraient s’accommoder l’enseignement religieux;
4.    Utiliser les ressources religieuses pour forger la citoyenneté.