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06/03/2022
Après les attentats du 11 septembre 2001 qui ont visé les tours jumelles du World Trade Center à New York et le Pentagone dans la capitale américaine Washington et fait plus de trois mille morts, le monde entier a pris conscience du danger du terrorisme. Tous les pays se sont rendus compte qu’ils n’étaient pas à l’abri de ce danger. Les États-Unis d’Amérique, ainsi que de nombreux autres pays, se sont empressés de prendre des mesures exceptionnelles pour faire face à cette menace. Des lois ont été promulguées, des agences de sécurité contre le terrorisme ont été créées et des guerres ont été menées en Irak et en Afghanistan.

Ces développements ont eu des effets négatifs sur les musulmans, dont notamment le fait d’être stigmatisés, bannis et persécutés par les sociétés occidentales. Le livre (Participation communautaire à la lutte contre le terrorisme: Risques et opportunités) est une recherche approfondie, rédigée par Jason Hartley, maître de conférences en criminologie à l’Université Griffith en Australie, visant à rétablir la confiance avec les communautés musulmanes et à les engager dans la lutte contre le terrorisme (LCT). Le livre a été publié par la maison d’édition internationale «Routledge», basée au Royaume-Uni et intéressée par les livres académiques spécialisés et les revues scientifiques.​
Aperçu
Ce livre met en lumière la participation de la société aux efforts de LCT, prenant comme spécimen les communautés musulmanes résidant dans l’État du Queensland, au nord-est de l’Australie. Il examine les raisons de la confiance qui règne entre les musulmans et la police, conduisant à la promotion de la coopération entre eux dans ce domaine, ainsi que les raisons pouvant saper cette confiance et faisant obstacle à la participation positive des musulmans ou autres. Malgré le grand nombre d’études qui ont traité des politiques antiterroristes et de leur impact sur la confiance déstabilisatrice, ces études ont négligé la manière de les construire, ce qui devait aider à intégrer les sociétés islamiques dans la communauté mondiale plus large, face à ce danger dévastateur, et c’est ce qui distingue ce livre.

L’auteur du livre était coordinateur gouvernemental de la communication entre les musulmans et la police du Queensland et fut chargé de recueillir des renseignements sur les communautés musulmanes, ce qui lui a permis de comprendre les relations tumultueuses entre les deux parties. Pour éviter les préjugés et les stéréotypes envers les musulmans, il a fait un séjour dans la ville d’Al Khalil/Hébron en Palestine afin de s’intégrer à la communauté musulmane, de connaître sa culture et de pouvoir mener la recherche de manière impartiale et objective et sur de véritables bases scientifiques.

Le livre traite de nombreux sujets liés à la participation des communautés musulmanes à la LCT. L’auteur a interviewé des musulmans du Queensland et des membres de la police pour avoir une vision claire des politiques antiterroristes, du renforcement de la confiance, de la sensibilisation et de la participation communautaires. Le livre passe en revue les points de vue musulmans sur les relations avec la police antiterroriste, ses implications et les lignes directrices pour établir la confiance entre les deux parties, et fait une analyse culturelle de la nature de cette relation.

Le livre se compose de six chapitres. Le premier chapitre introduit le sujet et expose son importance et l’objectif escompté ainsi que la méthodologie de recherche. Le deuxième chapitre traite de l’effet de l’incertitude de la communauté musulmane sur la participation positive à la LCT. Le troisième chapitre analyse la vision culturelle de la confiance. Le quatrième chapitre met l’accent sur le rôle des dirigeants musulmans dans le soutien aux forces de police. Le cinquième chapitre présente les résultats de l’étude. Le sixième chapitre traite de la conclusion et des recommandations les plus importantes de l’ouvrage.

Prélude et introduction
Le premier chapitre commence par un énoncé de l’objectif du livre, qui est de déterminer dans quelle mesure les services de police peuvent engager les communautés musulmanes dans la LCT, et l’importance de cette question vu que les rapports avec les communautés musulmanes demeurent une priorité pour les pays occidentaux, mais l’escalade du terrorisme d’extrême droite et de la violence motivée par les préjugés et les crimes de haine a suscité un regain d’intérêt pour le renforcement de la confiance avec les communautés musulmanes, cibles potentielles de la haine et de la violence de droite, comme dans les deux fusillades des mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande en 2019.

Hartley préconise l’approche émotionnelle que la police cherche à utiliser pour améliorer les relations avec les musulmans et mieux comprendre leurs idées, leurs perspectives, leurs intérêts et leurs cadres culturels et référentiels. Avant de se plonger dans cette approche, l’auteur souligne les changements survenus chez les musulmans après les événements du 11 septembre et les stratégies violentes prises par les États envers les musulmans sous prétexte de lutter contre le terrorisme en Australie, et dans la plupart des pays occidentaux, ce qui a provoqué une vague d’intense hostilité à l’égard des musulmans, qui s’est prolongée sur de nombreuses années et dont l’impact se poursuit, ainsi que le stéréotype négatif à leur égard, que les médias australiens et occidentaux ont cherché à établir au cours de ces années.

L’importance de ces événements est évidente dans la mesure où ils éclaircissent les facteurs sociétaux ayant affecté négativement les communautés musulmanes et miné les relations de confiance entre les communautés musulmanes et les responsables de l’application des lois en Australie et dans d’autres pays. Ces pratiques injustes et abusifs ont conduit les minorités musulmanes à se sentir persécutées et isolées, et ont ajouté un autre problème lié au fait de juger des sociétés entières pour les crimes de quelques individus et de petits groupes, voire de taxer l’Islam lui-même, et tous ceux qui y croient, et dont le nombre dépasse un milliard et demi de personnes dans le monde, de torts aussi odieux.

Les préceptes véridiques de la religion islamique appellent toujours à la tolérance et à la coexistence pacifique avec tous les êtres humains, individus et groupes, et menacent de perdition ceux qui commettent ces crimes dans ce monde et dans l’au-delà. Les responsables de LCT ont envoyé des messages contradictoires aux communautés musulmanes. D’une part, ils soulignent à plusieurs reprises la nécessité pour les musulmans de recueillir des renseignements sur les extrémistes qui planifient des attentats terroristes, l’importance de leur coopération dans la lutte contre la propagande terroriste et le recrutement de nouveaux éléments. D’autre part, ils traitent les musulmans de manière sécuritaire et avec violence, au point de promulguer des lois et des juridictions les stigmatisant et d’adopter des politiques et des pratiques dures à leur égard. En tant que source d’informations sur ces interactions, Hartley a exploré les raisons de la détérioration des relations entre la police et les musulmans, sur la base de son ancien métier d’agent de renseignements sur les musulmans australiens.

Points forts du livre
L’auteur résume son expérience avec les membres de la communauté musulmane sous trois aspects principaux, qui constituent l’essence même de ce livre: le désarroi, la confiance et le leadership. L’auteur a noté le «désarroi accru» et l’anxiété des musulmans face à l’avenir, ainsi que la douleur psychologique qui accompagne ce sentiment. Quant à la confiance, elle est due aux différences culturelles entre les membres de la communauté musulmane et la police cherchant à communiquer avec eux. Le leadership montre que les personnalités musulmanes de haut niveau qui communiquent avec la police en Australie sont impopulaires dans la communauté musulmane et que ceux qui évitent la communication avec la police sont plus populaires. Partant de ces observations, l’étude soulève trois questions, tout en leur cherchant des réponses détaillées:
  1. Quel est l’effet du désarroi sur la réduction de la participation de la communauté à la LCT, et quel est son impact sur la dégradation des efforts de la police ?
  2. Quelles sont les principales considérations culturelles qui peuvent détruire la confiance entre la police et les communautés musulmanes ?
  3. Comment la coopération entre les dirigeants musulmans et les forces de police affecte-t-elle les efforts de lutte contre le terrorisme et la légitimité des dirigeants au sein de leurs communautés ?
Ces questions ont été élaborées dans le cadre de l’engagement de la police australienne auprès des membres des communautés musulmanes dans la LCT, et visaient à identifier les facteurs culturels, organisationnels et sociaux qui influencent le comportement humain dans ce contexte. L’auteur s’appuie sur des théories issues de différentes disciplines académiques afin de répondre à ces questions. Cette procédure s’impose car la recherche ne vise pas seulement à connaître les moyens de développer la participation communautaire dans la lutte contre le terrorisme, mais aussi à répondre à des questions qui n’ont pas trouvé de réponse satisfaisante dans les recherches précédentes. Il puise donc dans la psychologie sociale, la sociologie, la criminologie et la psychologie culturelle pour approfondir l’analyse et élucider des comportements humains complexes.

Le chercheur a mené des entretiens semi-structurés avec 14 policiers et 29 membres de la communauté musulmane pour documenter leurs expériences et détecter leurs points de vue sur cette question. Il a choisi un échantillon diversifié qui comprend différents sectes, professions et pays, ce qui constitue une source de force pour l’étude pour plusieurs raisons dont notamment le faible taux de biais, car l’échantillon comprend divers rassemblements musulmans, garantit le pluralisme sectaire et la participation féminine.

Le tableau suivant montre la répartition de l’échantillon participant à la recherche:

Hartley a veillé à incorporer différentes expertises à l’échantillon de la police, telles que: les fonctionnaires de la police du Queensland, les spécialistes de l’engagement communautaire de première ligne, les directeurs de postes de police, les officiers du district et les commissaires adjoints. L’échantillon comprend également ceux qui traitent avec les membres de la communauté musulmane dans la LCT. Les policiers de LCT sont la seule catégorie non incluse dans l’échantillon, en raison des conditions de sécurité et de confidentialité entourant leur travail. Quoique leur exclusion soit significative, l’échantillon demeure très représentatif.

Hartley a souligné que les musulmans participant à l’échantillon prenaient la recherche au sérieux, ce qui montre l’importance des résultats de l’étude. Les groupes sociaux démographiquement marginalisés se sentant souvent exténués à cause des recherches menées sur eux, jettent le doute sur les intentions des chercheurs, notamment si la recherche s’écarte de l’objectivité, du réalisme et de la pertinence envers la catégorie ou le groupe sur lequel elle est menée.

Cet enthousiasme est dû à l’importance de la recherche pour les musulmans en général et les répondants en particulier, qui se sentent constamment ciblés par les agents du contre-terrorisme et qui pensent que la recherche pourrait bénéficier à leur société. 

L’auteur souligne qu’il a pu surmonter son parti pris envers les musulmans et faire preuve d’impartialité, d’honnêteté et d’objectivité totales lors de la conduite de la recherche, en dépit du poste qu’il occupait dans l’application de la loi, de ses anciennes impressions négatives sur les musulmans et sa conviction que chaque mosquée abritait un groupe d’extrémistes qui planifiaient pour saper la démocratie. Pour conjurer ces impressions, il a mené une formation communautaire dans la ville d’Al Khalil (Hébron) en Palestine, et s’est mêlé à des citoyens et des militants dont il se méfiait auparavant, ce qui lui a permis d’acquérir une grande connaissance de la morale et de la réalité des musulmans, et de changer sa vision négative vis-à-vis d’eux. Son expérience a confirmé que l’anxiété que les Australiens ressentent envers les musulmans concernant l’objet de l’étude n’a pas lieu d’être. L’auteur conseille aux chercheurs qui traitent avec les communautés musulmanes et les minorités vulnérables en général d’éviter les préjugés qui affectent négativement les résultats de leurs recherches et de s’engager dans des expériences utiles avec les membres de ces communautés.

Répercussions du désarroi
Le deuxième chapitre traite de l’effet du «désarroi» dans la réticence de certains musulmans à assister la police de LCT. Hartley a analysé les données des entretiens pour découvrir les perceptions des musulmans à cet égard et pour déterminer l’impact de ces perceptions sur la société.

Le désarroi selon la définition de l’auteur signifie: confusion, hésitation et incertitude concernant le cours des événements passés, présents et futurs. L’importance de cette définition réside dans le fait qu’elle montre l’impact de la rareté et l’abondance des informations liées aux événements et expériences passés, du contexte et des expériences actuels et événements futurs, sur le comportement humain et le processus de prise de décision.

Les résultats de l’étude montrent que cette perplexité peut se transformer en un outil entre les mains des terroristes pour créer la zizanie entre les membres de la communauté musulmane d’une part et les autres composantes de la société australienne d’autre part, et déclencher des troubles entre les sectes. Les participants pensent que ce désarroi intensifie les réactions outrées des responsables gouvernementaux face aux attaques qui affectent négativement la société dans son ensemble et la communauté musulmane en particulier.

L’importance de ces conclusions est de montrer que les politiques de LCT tendant à isoler la communauté musulmane, peuvent favoriser les intérêts des terroristes. Les données des entretiens indiquent que les membres de la communauté musulmane se sentent toujours accusés aux yeux du gouvernement, des médias et des membres de la société, et que les autorités prononcent souvent des jugements généralistes contre les musulmans, à la suite d’incidents terroristes, avant même que les enquêtes n’en révèlent l’auteur, les accusant d’extrémisme et de violence, tout en faisant abstraction de l’interdiction de la violence et du terrorisme par l’islam, et du rejet par les musulmans de ces incidents et actions. Ces conditions conduisent souvent à la propagation de la peur et de l’anxiété parmi les communautés musulmanes à la suite des attentats terroristes, de crainte des réactions négatives et de vengeance pour la simple raison qu’ils sont musulmans.

Les répondants musulmans voient leurs craintes augmenter parce qu’ils représentent un groupe bien connu dans la société, en particulier les femmes musulmanes en raison de leur tenue vestimentaire et de leur foulard islamique, ce qui en fait une cible pour les membres de la communauté australienne qui cherchent à se venger des musulmans. Ces résultats sont cohérents avec de nombreux incidents de représailles contre les musulmans commis à la suite d’attaques terroristes dans les pays occidentaux, ciblant des musulmans présumés. Le (climat) de suspicion est un réel danger pour les membres de la communauté musulmane qui rejettent au contraire fermement le terrorisme et la violence.

L’idée de vengeance contre les musulmans ne se limite pas à la population non-musulmane, mais les données des entretiens indiquent que les efforts du gouvernement contre le terrorisme manifestent une hostilité évidente contre les musulmans, ce qui affecte négativement leur capacité à participer à la lutte contre l’extrémisme. Les répondants affirment qu’ils ne font pas confiance aux responsables gouvernementaux, se sentent lésés par les autorités et ont leurs raisons pour rejeter l’idée de participation communautaire. Ils estiment également que ces raisons ont empêché les membres de la communauté musulmane de se présenter à la police, d’accepter le financement gouvernemental et de s’engager dans des efforts de lutte contre l’extrémisme violent. Bien que de nombreux chercheurs, décideurs, militants et responsables de la sécurité publique aient souligné ces perceptions et reconnu leur impact négatif sur les efforts de LCT, l’étude de Hartley dans ce domaine est différente et précieuse, parce que ses données fournissent des preuves documentées de cette perception.

Le reste du chapitre passe en revue les aspects culturels du désarroi d’un point de vue religieux. Les participants voient que, sur la base des enseignements islamiques, le désarroi signifie le doute et la suspicion, deux choses à éviter car elles contredisent les enseignements et les vertus de l’Islam, ce qui impose d’éviter cette perplexité nuisible à la communauté musulmane. Ce résultat confirme la possibilité de surmonter le blocage de l’interaction de la communauté musulmane avec la police, entravant le partenariat réussi entre les musulmans et les autorités chargées de LCT. Les participants ont indiqué que l’incertitude peut conduire à sympathiser avec les terroristes ou à les rejoindre, et pensent que certains jeunes musulmans ont rejoint des organisations terroristes telles que l’EI à cause de ce désarroi. Ces observations indiquent la volonté culturelle des musulmans d’éviter le doute et ses répercussions et de s’engager dans des efforts de LCT.

Vision culturelle de la confiance
Le troisième chapitre passe en revue les facteurs d’établissement de la « confiance » entre les forces de police et les membres de la communauté musulmane du Queensland. Bien que les participants à l’étude aient affirmé qu’ils entretiennent des relations positives avec le service de police, on constate qu’ils estiment que la politique de LCT menace ces relations et conduit à la déstabilisation de la confiance.

Le chapitre commence par un examen des sujets relatifs à l’amélioration de la confiance et à l’identification des moyens susceptibles de la renforcer. L’auteur conclut que la participation de la communauté est un facteur essentiel pour renforcer la confiance, et une base solide de l’action de LCT de la police, pas seulement en Australie mais au Canada, au Royaume-Uni, aux États-Unis d’Amérique et dans nombre d’autres pays européens également. La thèse la plus importante de Hartley dans ce chapitre est que l’engagement positif avec les responsables de l’application des lois peut être affecté négativement par le fait que les musulmans se sentent ciblés par les forces de police et par les pratiques agressives à leur encontre, pour la plupart sans rapport avec la LCT mais déforme au contraire l’idée même de LCT.

L’un des entretiens rapporte l’histoire de l’arrestation par la police d’un jeune pour un crime sans rapport avec le terrorisme. La police a agi très violemment avec le jeune homme qui a riposté avec violence, mais l’enquête n’a prêté aucune attention à la violence à son encontre, ce qui a provoqué le ressentiment des milieux islamiques, désabusés de l’extrême hostilité de la part des officiers envers le jeune homme pour la seule raison qu’il était de confession musulmane. De nombreux musulmans ne se sentent pas en sécurité et pensent que la police antiterroriste peut perquisitionner à tout moment à leur domicile et affirment qu’ils sont victimes de mauvais traitements lorsque la police les aborde chez eux et sur les lieux de travail, et même aux points de contrôle de la circulation sous prétexte de LCT!

Ces raisons ont conduit à un état de crainte de traiter avec la police au sein de la communauté musulmane, de peur d’être taxé par les autres musulmans de mouchard ou d’espion.

Le dernier résultat de ce chapitre se rapporte à l’expérience et aux intentions. Les participants ont souligné l’importance de vivre des expériences personnelles dans les sociétés islamiques, de s’y engager sur le terrain, de connaître de près leur culture, leurs croyances et leurs idées, de lire les enseignements de leur religion et de ne pas céder aux allégations qui circulent à leur égard. Ce chapitre prouve aux responsables de la sécurité publique que les expériences positives qu’ils ont avec les membres de la communauté aident beaucoup à instaurer la confiance, contrairement à la violence qui la réduit ou l’élimine.

Dignitaires islamiques et lutte contre le terrorisme
Le quatrième chapitre examine l’interaction des services de police avec les dignitaires musulmans et leur impact sur l’instauration de la confiance avec les communautés musulmanes. Dans ce contexte, l’auteur pose trois questions dont les réponses apportent d’importantes informations pour les praticiens de LCT, à savoir:
  1. Dans quelle mesure la police du Queensland traite-t-elle les dignitaires musulmans considérés comme des représentants légitimes de leurs communautés?
  2. Quelles sont les considérations religieuses et culturelles qui légitiment ces dignitaires dans les sociétés musulmanes, et comment peuvent-ils impacter la participation communautaire?
  3. Quelles sont les pratiques policières qui affaiblissent l’influence de ces dignitaires sur les membres de la communauté musulmane et entravent l’obtention de résultats positifs durables?
Les résultats ont montré que ces dirigeants acquièrent une plus grande légitimité s’ils parlent de l’injustice qui frappe les musulmans dans ces pays et abordent les problèmes importants des musulmans avec courage et sans crainte. Mais ils perdent généralement cette légitimité s’ils cherchent à satisfaire la police, aux dépens de la communauté musulmane. Les résultats montrent que les jeunes leaders jouissent d’un plus grand prestige et d’une plus grande légitimité parce qu’ils sont plus enthousiastes à évoquer l’injustice et la persécution dont souffrent les musulmans, et plus audacieux à expliquer les questions urgentes et s’opposer aux lois et politiques qui les affectent négativement.

Bien que l’étude ait été menée dans le Queensland, en Australie, il est à noter que les résultats peuvent être généralisés à d’autres pays et peuvent être utiles aux responsables de la LCT et aux services de police dans les pays qui cherchent à renforcer la participation communautaire à la LCT. Les responsables de la sécurité publique peuvent également bénéficier de cette étude pour développer une meilleure compréhension des caractéristiques et des comportements des dirigeants dans les sociétés islamiques, ce qui les aide à choisir les personnalités avec lesquelles ils traitent.

La vision culturelle de la légitimité est censée être compatible avec celle de la communauté musulmane, car cela affecte en fin de compte les efforts de communication et d’engagement. Les services de police doivent réaliser que leurs interactions avec les dirigeants musulmans peuvent affecter leur position dans leur communauté. Par conséquent, discuter de ces considérations avec des responsables de haut rang, jusqu’aux sous-officier et agents de police et les prendre en compte lors de l’élaboration de plans de recours aux dirigeants dans la lutte contre l’extrémisme, aide à revitaliser ces plans, à les maintenir et à réaliser les résultats escomptés.

Discussion et résultats
Le cinquième chapitre résume les idées principales des résultats de l’étude en ce qui concerne le leadership, la confiance et le désarroi, à savoir: qu’un petit groupe de dirigeants représente les musulmans dans la communication communautaire avec les responsables gouvernementaux, dont les forces de police. Pour la plupart des musulmans nouvellement arrivés dans le Queensland, les anciens dirigeants ont négligé leurs besoins malgré leurs liens étroits avec les responsables gouvernementaux. Ces liens étroits sont dus à leur ancienneté dans le pays, ce qui conduit les responsables étatiques à ignorer les nouveaux groupes ou à ne pas leur accorder la même attention, suscitant ainsi leur mécontentement. Or, les nouveaux immigrants ont besoin de beaucoup de soutien pour pouvoir s’adapter à la nouvelle société, sinon ils se sentiront ignorés, isolés et peut-être même humiliés, et risquent d’éprouver du ressentiment envers la nouvelle société plutôt que de s’y sentir intégrés.

Ce problème devient évident s’il est confronté à la propagande extrémiste, notamment celle de Daech qui s’efforce de convaincre les musulmans qu’ils ne sont pas les bienvenus dans les pays occidentaux et que les musulmans installés dans ces pays depuis de nombreuses années sont marginalisés et ne sont pas de vrais musulmans pour s’être éloignés des enseignements de l’Islam. Si les responsables pratiquent certaines actions qui amènent les musulmans à en vouloir à l’État et à sympathiser avec les groupes terroristes, il en va de même pour les dirigeants musulmans, lorsqu’ils ignorent les demandes des nouveaux immigrants.

Conclusion
Les résultats de l’étude concluent que les membres de la communauté musulmane s’abstiennent souvent de coopérer avec la police dans la LCT parce que cette coopération peut les affecter négativement. Dans ce chapitre, l’étude présente nombre de recommandations qui comblent ces lacunes et poussent à une plus grande coopération avec les autorités de LCT, comme suit:
  • Les services de police devraient développer une méthode efficace à traiter les incidents de violence et de terrorisme susceptible de soulager le désarroi et rassurer les membres de la communauté musulmane.
  • Cette méthode doit prendre en compte les récits qui affirment que l’État, les policiers et les responsables étatiques considèrent les musulmans comme des cibles suspectes, et traiter ce défaut avec transparence.
  • Les responsables de l’engagement communautaire et de LCT doivent traiter directement avec les citoyens musulmans car cela renforce la confiance mutuelle.
  • Le travail secret de certains officiers devra être rendu public et mené en contact avec des experts sur les problèmes auxquels la société est confrontée, sachant que cette recommandation de l’auteur est celle d’un ancien responsable de renseignement.
  • L’étude devra bénéficier des expériences des membres de la communauté musulmane face aux défis existants et les consulter pour développer des solutions aux problèmes de sécurité liés à l’extrémisme, avec la nécessité de prendre en compte leurs recommandations judicieuses à cet égard.
  • Les dirigeants musulmans devraient trouver le moyen d’améliorer les relations entre la police et les membres de la communauté musulmane et d’instaurer la confiance entre eux et le moyen de répondre aux préoccupations des musulmans concernant le comportement de certains policiers.
  • La question des policiers dégainant leurs armes et les pointant face aux membres de la communauté musulmane et recourant à la violence à leur égard devrait être réexaminée, car cela exacerbe leurs perceptions négatives et les empêche de participer aux activités communautaires et de coopérer avec la police.
  • Il est nécessaire de traiter de manière proactive les événements susceptibles d’inquiéter les musulmans, de manière personnelle, loin des déclarations officielles.
  • Des enquêtes continues doivent être menées pour évaluer la relation de la police avec les membres de la communauté musulmane et son degré d’amélioration, ce qui permet à la police de modifier ses procédés et d’établir des relations positives durables avec cette communauté.
  • Il est nécessaire d’unifier les caractéristiques de légitimité des dirigeants adoptées par les membres de la communauté musulmane avec les caractéristiques adoptées par les services de police.
  • Les préoccupations culturelles liées aux dirigeants musulmans doivent être comprises et autorisées à s’exprimer publiquement et à aborder les questions qui préoccupent les musulmans sans inquiétude, ni peur ou appréhension, ce qui signifie que le partenariat avec le gouvernement n’est ni traitrise ni espionnage comme certains le pensent, mais plutôt une charge de dignitaires indépendants respectés dans leur société et par les services policiers.
  • Les relations avec les dignitaires musulmans doivent être renforcées et leur légitimité au sein de la communauté musulmane maintenue, ce qui peut nécessiter l’assistance des services de police pour prouver leur indépendance.
  • D’autres recherches liées à cette étude devraient être menées, portant sur la criminologie, l’harmonie morale et son concept basé sur des significations partagées de la justice.

Les recherches visant à développer des méthodes de formation de la police doivent être menées en tenant dûment compte des nuances culturelles, pour éviter les défauts et améliorer les compétences qui aident à promouvoir les résultats de l’engagement communautaire.

Bien qu’il ait indiqué certaines difficultés à mener cette étude, telle l’incapacité d’interroger (la police antiterroriste) et la rareté des recherches spécialisées, l’auteur a fait une étude judicieuse, dont les résultats peuvent être généralisés dans d’autres pays, et a présenté des recommandations susceptibles d’améliorer la participation sociétale à la LCT, ce qui donne de la notoriété académique à cette étude dont les responsables sécuritaires peuvent bénéficier pour consolider leurs relations avec les communautés musulmanes et les groupes marginalisés en dehors de l’Australie.
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Numéro 35
Une publication mensuelle, qui propose une revue scientifique des ouvrages et des études remarquables traitant du terrorisme
07/03/2022 10:19