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Enquête financière sur les délits de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme
Les crimes de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme (BC/FT) portent atteinte à la sécurité et à la paix du monde. Le terrorisme survit grâce à un énorme financement, les fonds blanchis atteignant entre 950 Milliards de Dollars et 1.5 Trillion de dollars, selon le FMI. L'impact de ces crimes augmente à la lumière de la révolution des télécommunications et du développement vertigineux des technologies de l'information, facilitant le mouvement de l'argent à travers les frontières nationales par le biais de systèmes financiers multiples, ultra-rapides et extrêmement complexes.
À cet égard, la CIMCT a organisé, le 22 décembre 2021, à son siège à Riyad, une conférence intitulée : « Procédures d'enquête financière parallèles dans les crimes de BC/FT)» présentée par Ahmed bin Muhammad Al-Muqhim, procureur chargé des crimes économiques et membre fondateur de l'Unité de BC du ministère public du Royaume d'Arabie saoudite..
Risques économiques et sociaux
Au début de la conférence, Al-Muqhim a souligné que les crimes de BC/FT constituent un grave danger pour les potentialités économiques et sociales de tout pays, en particulier les pays aux faibles normes prises dans la lutte contre ces crimes. 
Sur le plan économique, ces délits portent atteinte à la réputation du système financier, privent l'État d'importantes ressources financières pouvant être allouées à l'emploi et au développement, augmentent les taux d'inflation et affectent les règles de la concurrence loyale et honnête.
Sur le plan social, les avoirs de ce trafic renforcent le crime, permettent de financer le terrorisme et causent le déclin des valeurs éducatives et culturelles.
Similitudes et différences
Comparant les crimes de BC et FT, le conférencier a indiqué que ces deux types de crimes se basent sur la fourberie et le camouflage, et nécessitent une coopération stratégique internationale, en raison de leur nature transfrontalière, un traitement de suivi et des procédures d'enquête financière. Ils diffèrent toutefois à plusieurs égards:
Source des fonds : les délits de BC sont de sources illégales et criminelles (trafic de drogue, d'antiquités, de marchandises interdites, d'êtres humains...etc.), tandis que le FT s'effectue avec des fonds légitimes et illégitimes.
Montant des fonds : Les délits de BC impliquent des sommes énormes, non comparables au montant des délits de FT.
Objectif : L'objectif des délits du BC est le profit financier, tandis que celui du FT est politique ou idéologique.
Circulation des fonds : les fonds des délits de BC transitent par les institutions financières de manière circulaire, débutant par le blanchisseur et aboutissant à lui. Quant aux fonds de FT, ils ne suivent pas forcément la trajectoire des institutions financières, et empruntent une trajectoire linéaire qui débute par le financier et aboutit à l'organisation terroriste.
Champ de détection : Dans les délits de BC, la détection porte sur les relations entre les personnes impliquées dans le délit, alors que pour les délits de FT, l'intérêt porte sur l'argent et son mouvement.
Le conférencier a passé en revue les méthodes les plus courantes pour dissimuler les fonds provenant de crimes, telles que les transactions électroniques, le commerce de marchandises n'ayant aucune norme de valeur ou de contrôle sur les prix à l'instar des antiquités et des tableaux d'art, l'établissement de sociétés fictives et la déclaration de possession de fonds à la douane pour avoir une attestation permettant de déposer des fonds illicites dans nombre de comptes, effectuer plusieurs transferts et établir de gros contrats et imports fictifs afin de pouvoir s'adonner à la contrebande de fonds.
Rôle de l'enquête parallèle
Al-Muqhim a évoqué l'enquête financière parallèle (EFP) et son impact sur la lutte contre le crime de BC/FT, précisant qu'elle vise à recueillir les preuves financières matérielles en dévoilant les transactions financières suspectes et en révélant les mouvements financiers, afin de déterminer et de bloquer les produits et moyens du délit initial et du délit de BC. Dans l'une de ses recommandations, le GAFI indique que les gouvernements devraient mener une enquête proactive parallèle concernant tous les cas de BC/FT et les crimes associés, ce qui signifie que le tribunal ouvre une enquête financière parallèle à l'enquête pénale, pour traquer les produits financiers du crime et fournir des preuves liant ces produits financiers au crime initial.
Le succès des enquêtes financières parallèles dans la récupération des produits du crime est considéré comme un critère important pour déterminer la conformité de l'État aux exigences de lutte contre les délits de BC, et un facteur clé dans l'évaluation internationale.
L'EFP est proactive d'essence, car elle identifie les produits du crime faisant l'objet d'une enquête, empêche les profits illégaux d'investir l'économie, supprime les instruments du crime futur et renforce le principe clé selon lequel personne ne doit profiter du crime.
L'importance de l'EFP découle de son rôle dans la détermination et la documentation des mouvements d'argent, car elle identifie les motifs et les liens entre les personnes, dévoile les participants à l'acte criminel et la structure des organisations criminelles, identifie le degré de risque de chaque accusé, surveille les produits du crime faisant l'objet d'une enquête, aide à découvrir de nouveaux crimes et précise l'emplacement des suspects, des témoins, des victimes, ainsi que les moyens et les méthodes utilisés dans le crime.
Méthodes d'enquête et sources d'information
Le conférencier a présenté les méthodes les plus importantes utilisées dans l'EFP, et les sources d'informations qui s'y rapportent, et souligné que les méthodes sont nombreuses, dont certaines suivent des procédures secrètes et cachées, et d'autres procédures ouvertes et publiques. Parmi les procédures les plus importantes du premier type, figurent ce qui suit :
Recherche et enquête sur le terrain, par déplacement, inspection et surveillance effective.
Opérations d'infiltration, dans lesquelles l'officier de police judiciaire se déguise en trafiquant pour connaître les dimensions du crime et les parties impliquées. Ces agents suivent généralement une formation approfondie pour maîtriser les compétences furtives.
Livraison surveillée : on laisse le suspect surveillé poursuivre son activité (livraison de drogue par exemple), pour dévoiler le réseau criminel et arrêter ses membres en flagrant délit.
Surveiller les communications des accusés, sur autorisation du ministère public, pour connaître leurs relations internes et externes.
Écrire aux autorités compétentes pour établir les avoirs de l'accusé.
Quant aux méthodes d'enquête usant de procédures publiques, il s'agit notamment : d'assigner à l'accusé de prouver la provenance de son argent, en apportant des justificatifs en papier, permettant à l'officier de police judiciaire de discuter avec lui et de le confronter.
Il existe également de nombreuses sources d'information en EFP, dont notamment:
Le casier judiciaire qui détermine les antécédents de l'accusé.
Les appareils électroniques appartenant aux prévenus, sources d'importantes information, la police judiciaire devant y recueillir les informations contenues dans ces sources avant qu'elles ne soient volontairement endommagées ou sabotées.
Les informations financières provenant des institutions financières : banques et bureaux de change.
Les informations de sécurité détenues par les services de sécurité.
Les informations réglementaires détenues par les autorités officielles : organismes industriels et commerciaux, douanes, passeports, etc. Elles comprennent des informations susceptibles de divulguer d'importants aspects des activités des personnes accusées de BC/FT.


Débat
A la fin de la conférence, le brigadier général Nawaf Al-Jitaili, délégué du Koweït s'est interrogé sur les indices du BC/FT. Le conférencier a indiqué qu'il existe nombre d'indices dont le fait d'avoir un mouvement financier non proportionnel aux revenus du suspect. Le brigadier général Rashid Al Dhaheri, délégué émirati, a demandé comment faire face à l'exploitation des célébrités des médias sociaux dans les opérations de BC.
Le conférencier a répondu que les personnes impliquées dans les crimes de BC/FT sont toujours promptes à concevoir de nouvelles méthodes pour commettre leurs crimes, comme en ciblant les célébrités des médias sociaux, faute de normes ou de contrôles pour leurs revenus, d'où l'importance pour eux de documenter leurs bénéfices et de réglementer le contenu publicitaire sur leurs pages, le Royaume d'Arabie Saoudite ayant déjà pris des mesures importantes à cet égard.



19/04/2022 13:34