Le rythme des changements qui balaient notre monde s'accélère, ce qui rend plus difficile l'anticipation de son avenir, l'ampleur, la vitesse et la portée des changements sont sans précédent, et leurs résultats ne peuvent pas être connus avec précision, mais cela n'a pas empêché les centres de renseignement de chercher à tracer les caractéristiques de ces changements et à présenter les moyens de s'y préparer.

Le rapport "Tendances Mondiales 2040" (Global Trends 2040), publié par le Conseil National du Renseignement aux États-Unis d'Amérique tous les quatre ans, depuis 1997, est l'un des rapports distingués parus cette année. Le rapport se fonde sur deux principes de base : identifier et évaluer les forces générales qui façonnent l'environnement stratégique futur et explorer comment les dirigeants et les populations réagissent à ces forces. Les analyses du rapport se divisent en trois sections : la première section explore les forces structurelles dans quatre domaines principaux : démographie, environnement, économie et technologie; domaines clés pour façonner l'avenir, de portée relativement mondiale et pour lesquels les prédictions peuvent être faites avec un degré de confiance raisonnable sur la base des données disponibles.

La deuxième section examine comment ces forces structurelles interagissent pour influencer les macro-activités émergeant à trois niveaux d'analyse : individus et société, États et système international.

 La troisième section identifie plusieurs incertitudes clés et les utilise pour envisager cinq visions futures du monde en 2040. Ces scénarios ne sont pas destinés à être des "prophéties", mais sont destinés à élargir le champ des probabilités, en explorant différentes combinaisons de la façon dont les forces structurelles, les mouvements émergents et les incertitudes clés fonctionnent.

Le rapport s'attend à ce que les groupes terroristes continuent d'exploiter la fragmentation sociétale et la faiblesse de la gestion pour réaliser leurs vues et accéder au pouvoir par la violence. Au cours des vingt prochaines années, le rapport prédit que les conflits régionaux et locaux, les pressions démographiques, la dégradation de l'environnement et le déclin démocratique exacerberont probablement les griefs politiques, économiques et sociaux que les terroristes ont longtemps exploités pour gagner des partisans et trouver des refuges sûrs pour s'organiser, s'entraîner et comploter. Ces facteurs varieront en intensité et en effets selon les régions et les pays. La migration interne de la campagne vers la ville pourra mettre à rude épreuve les ressources des États et réduire les efforts mondiaux et nationaux de lutte contre le terrorisme. Il est probable que les groupes terroristes fondés sur des principes religieux seront plus importants et plus nombreux, représentant la plus grande menace au-delà des frontières et des nationalités car ils bénéficient d'une référence idéologique solide et de la capacité d'exploiter des territoires non ou mal contrôlées par les gouvernements, notamment en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud.

Les terroristes de « droite » et de « gauche » qui promeuvent le racisme, l'écologie et l'anti-gouvernement devront prospérer en Europe, Amérique Latine, Amérique du Nord et peut-être dans d'autres régions.

Les groupes rebelles exploiteront les conflits sectaires pour promouvoir le terrorisme. Certains d'entre eux se désintégreront et d'autres gagneront en force.

Bien que certains groupes aspirent à lancer des attaques transfrontalières la plupart des attaques seront menées par des groupes locaux contre des cibles locales pour atteindre des objectifs locaux.

Les efforts du Hezbollah iranien et libanais augmenteront la menace d'attaques disproportionnées contre les intérêts des États-Unis, d'Israël et les pays du Moyen-Orient.

Il est probable que la plupart des attaques terroristes au cours des 20 prochaines années continueront à utiliser des armes similaires à celles actuellement disponibles, telles que les armes légères et les engins explosifs improvisés facilement accessibles et fiables. Cependant, les avancées technologiques telles que l'intelligence artificielle, la biotechnologie et l'Internet des objets peuvent offrir aux terroristes des opportunités de lancer des attaques de grande envergure en développant de nouvelles méthodes d'attaque plus transfrontalières.

Les terroristes chercheront également à avoir des armes de destruction massive et des armes avancées pour lancer des attaques horribles. Daech en Irak et en Syrie avait lancé des attaques au gaz moutarde et utilisé des drones à grande échelle, tout comme les militants soutenus par l'Iran. Des véhicules autonomes guidés à l'aide de systèmes d'IA peuvent permettre à un seul terroriste de viser des dizaines de cibles. Les progrès technologiques peuvent permettre d'avoir des camps terroristes virtuels de formation.

En​ contrepartie, les innovations technologiques renforcent les capacités des gouvernements locaux à combattre les terroristes, en augmentant considérablement le volume et le type de données qu'ils collectent et qu’ils trient. Les progrès d’identification et d’analyse biométriques de la vidéo et des métadonnées en plein écran permettront aux gouvernements d’améliorer leurs capacités à identifier et localiser les terroristes. Le développement des capacités de frappe de précision à longue portée pourrait miner les refuges terroristes hors de portée des forces de police ou d'infanterie.

Le rapport estime que le changement dans le mouvement et l'activité de la force internationale, en particulier dans le sillage de la montée de la Chine et la concurrence aux superpuissances, remettra en cause les efforts de lutte contre le terrorisme menés par les États-Unis, et pourra rendre plus difficile d'établir des partenariats bilatéraux, ou une coopération multilatérale, concernant les efforts de collecte de données sur les passagers pour empêcher les terroristes de traverser les frontières et d'entrer dans de nouvelles zones de conflit. Les pays pauvres sont susceptibles de souffrir de menaces intérieures, en particulier si l'assistance internationale pour lutter contre le terrorisme est limitée. Certains pays confrontés à des menaces existentielles, telles que des insurrections dans lesquelles des terroristes sont actifs, peuvent choisir de signer des pactes de non-agression qui laissent les terroristes libres de s'organiser à l'intérieur de leurs frontières, tandis que d'autres pays seront contraints de se soumettre à la domination terroriste sur de grandes parties de leur territoire.

 Les groupes terroristes peuvent devenir de plus en plus présents parmi d'autres acteurs non étatiques dans les conflits, tels que les entreprises privées et les mercenaires. Cela peut inclure certains conflits entre États et des interventions internationales dans des conflits locaux. Davantage d'agents armés, d'entreprises militaires privées et d'organisations terroristes, en tant qu'agents et entreprises du secteur privé, peuvent réduire le coût d'équipement des unités spécialisées pour lutter contre ces conflits et trouver de la main-d'œuvre dans les pays en déclin démographique. Certains groupes peuvent atteindre leurs objectifs plus rapidement en utilisant moins de forces et des techniques asymétriques. La Russie a utilisé des groupes et agences privés dans les conflits en Libye et en Syrie, et des entreprises privées ont fourni un large éventail de services logistiques aux forces de la coalition en Afghanistan, en Irak et dans d'autres pays.

Le rapport analyse les défis mondiaux communs, y compris le changement climatique, les maladies, les crises financières, les transitions technologiques et les perturbations qu'elles provoquent, et prédit qu'ils apparaîtront fréquemment et intensément partout, produisant des pressions généralisées sur les nations et les sociétés, ainsi que des chocs potentiels.

Les effets du changement climatique et de la dégradation de l'environnement sont susceptibles d'exacerber l'insécurité alimentaire et hydrique dans les pays pauvres, d'augmenter les migrations, de créer de nouveaux problèmes de santé et de provoquer une perte de biodiversité. La difficulté de relever ces défis transfrontaliers est exacerbée par la fragmentation croissante au sein des sociétés, des États et du système international, même si le monde est devenu plus connecté grâce aux technologies de communication, au commerce et à la circulation des personnes. Cette connexion aidera à produire de nouvelles compétences, plus de commodités et à améliorer le niveau de vie, mais elle créera et exacerbera également les tensions à tous les niveaux, des sociétés divisées sur les valeurs et les objectifs fondamentaux, aux régimes usant de l'oppression numérique pour contrôler les populations.

Malheureusement, l'ampleur des défis transnationaux dépasse la capacité des systèmes et structures internationaux existants à faire face aux défis et aux besoins. La pandémie du COVID-19 a fourni un exemple frappant des faiblesses de la coordination internationale et les futurs défis sanitaires.

Au niveau des pays et des sociétés, il existe probablement un écart persistant entre les besoins des gens et les capacités des gouvernements et entreprises. En raison de ce déséquilibre, les anciens systèmes, les institutions et les pratiques bureaucratiques, seront instables et dans certains cas affaiblis.

De nombreuses sociétés seront de plus en plus divisées sur les affiliations identitaires et les relations entre les sociétés et les gouvernements seront mises à rude épreuve, alors que les États luttent pour répondre aux demandes constantes des populations. La politique des États sera plus volatile et controversée et aucune région, idéologie ou système de gouvernance ne sera probablement épargné par les changements et modifications futurs, ou aura les réponses por un avenir plus stable.