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26/06/2022
Conflits, violence, fragilité, terrorisme .. ce sont des éléments mortels qui s’attirent, les uns vers les autres, comme s’il s’agissait d’une réaction chimique. Là où se déclenchent les conflits la violence s’amplifie, la fragilité des capacités étatiques apparaît et le terrorisme s’active. Là où sévit le terrorisme, les conflits et la violence se multiplient et la fragilité de l’État s’aggrave.

L’Indice Mondial du Terrorisme (GTI) pour l’année 2022 réitère que le conflit est toujours le principal moteur du terrorisme, car les dix pays les plus touchés par le terrorisme en 2021 ont été impliqués dans au moins un conflit armé. Depuis 2007, 92% des décès causés par le terrorisme sont survenus dans les zones de conflit, et le pourcentage est passé au cours des trois dernières années à 95,8%, puis à 97,6% au cours de la dernière année 2021. Le rapport publié par la Banque Mondiale (BM) intitulé: (Stratégie du Groupe de la Banque Mondiale sur la fragilité, les conflits et la violence 2020-2025) aborde en détail cette question importante. Vu l’importance de ce rapport, nous en présenterons les points saillants.

Approche holistique
Le conflit et le terrorisme entretiennent une relation étroite. Si le conflit s’amplifie, la violence se généralise et touche même la police et l’armée, ainsi que les civils. Le terrorisme est un instrument utilisé pour atteindre des objectifs à court ou long terme, comme c’est le cas en Irak, en Afghanistan et en Syrie. Le lien étroit entre conflits internes et terrorisme est valable à la fois dans les pays développés ou en développement, et quoique les caractéristiques et l’intensité du conflit diffère dans les deux groupes de pays, l’impact général du conflit interne sur le terrorisme est similaire dans les deux cas.

De même, le terrorisme nourrit la fragilité. Trois des dix pays les plus vulnérables de l’Indice Mondial de Fragilité (FSI) pour l’année 2021 (Afghanistan, Somalie et Syrie) font partie des dix pays les plus touchés par le terrorisme selon le (GTI) 2022. Face à cette réalité, les études s’accordent presque unanimement sur l’importance de combattre le terrorisme selon une approche holistique qui s’attaque aux conditions et aux causes qui l’ont produit ou ont contribué à son enracinement et sa croissance, notamment les conflits internes ou externes et la fragilité qui s’accroît dans différentes régions du monde.

Le rapport (Stratégie du Groupe de la Banque Mondiale sur les conflits, la violence et la fragilité, 2020-2025) révèle que près de la moitié de la population mondiale vit aujourd’hui dans des situations fragiles sujettes aux conflits, et que d’ici 2030, les deux tiers de la population mondiale pourraient vivre dans de telles conditions. La fragilité mondiale s’est aggravée, les conflits dans le monde sont devenus plus violents qu’au cours des 30 dernières années, et le monde est également confronté à la plus grande crise de migration forcée de tous les temps.

L’analyse historique montre que les pays touchés par la fragilité sévère souffrent de taux de pauvreté qui touchent plus de 40% de la population, tandis que les pays qui ont défait la fragilité ont réduit les taux de pauvreté de plus de la moitié. Les pays ayant intégré la liste de fragilité, ont connu une augmentation significative des taux de pauvreté, alors que les autres pays ont enregistré une diminution constante des taux de pauvreté.

Contextes complexes
Les pays décrits comme fragiles souffrent de problèmes de gouvernance profonds, de faiblesse institutionnelle de l’État, de griefs et d’exclusion généralisés, de manque de services publics de base et de réticence de l’État à atténuer les risques. Le conflit se propage lorsque des groupes utilisent la violence comme moyen pour régler des griefs ou imposer une autorité, en dehors du cadre de la loi.

Les conflits, la violence et la fragilité (CVF) relèvent de différents contextes complexes et délicats, nécessitant des méthodologies d’action adaptées à la géographie, à l’histoire et aux moteurs des conflits spécifiques pour chaque environnement, souvent dus aux antagonismes qui se sont développées au fil des décennies et des années. Les causes peuvent être parfois immédiates comme l’invasion extérieure ou les catastrophes naturelles. Ces trois éléments (conflit, violence et fragilité) sont interdépendants. Les conflits violents ont triplé depuis 2010 en grande partie à cause des conflits internes et de la prolifération des groupes armés. Bien que le nombre de décès dus à ces conflits ait légèrement diminué récemment, l’impact géographique des conflits violents à travers le monde a augmenté de 11%.

La fragilité profondément enracinée est chronique. Au cours des 10 dernières années, 30 pays, pour la plupart à faible revenu, ont fait preuve de fragilité chronique. Lorsque les institutions et les gouvernements sont incapables de gérer les pressions ou d’atténuer l’impact des chocs du changement climatique, des catastrophes naturelles et des crises économiques et sociales, les menaces à la stabilité des pays et des sociétés augmentent et nécessitent des décennies pour les traiter.

Les choses sur lesquelles les gens se battent sont bien connues, mais les conflits d’aujourd’hui sont plus complexes, et prolifèrent au sein même de l’État, ce qui contredit la croyance selon laquelle les conflits sont l’apanage des pays pauvres ou à faible revenu, et que les sociétés stables en sont immunisées. En effet, nombre de pays à revenu moyen bénéficiant de capacités institutionnelles acceptables, d’élections régulières et de forces de sécurité compétentes connaissent des conflits internes qui ne sont pas liés à la pauvreté, mais plutôt dus au un manque d’inclusion politique et économique, de justice sociale et de règlement de griefs réels ou imaginaires. Les groupes extrémistes transnationaux violents ont exploité ces conflits internes pour sévir au plus profond de la fragilité et menacer de vastes territoires.

Outre les conflits violents, la violence interpersonnelle, les activités du crime organisé et la violence sexiste sont devenues une menace majeure pour le développement et une source manifeste de vulnérabilité. Chaque année, près d’un demi-million de personnes meurent des suites de ces types de violence, et dans certaines régions, les taux de meurtres qui en résultent sont supérieurs aux taux de meurtres dans les zones de conflit.

Ces niveaux de conflit et de violence ont entraîné la plus grande crise de déplacement que le monde ait jamais connue, avec environ 71 millions de personnes déplacées de force dans le monde, dont environ 41 millions déplacés à l’intérieur de leurs pays. Ce déplacement forcé est devenu complexe et à long terme, outre ses impacts sociaux et économiques importants sur les réfugiés et les communautés d’accueil. Les femmes et les enfants représentent 75% des personnes déplacées, environ 85% des personnes déplacées vivant dans des pays à revenu faible ou moyen, et 72% dans les régions les plus démunies dans ces pays.

L’un des principaux défis de la lutte contre le déplacement interne dans le cadre d’une approche dirigée par le gouvernement est que le pays lui-même est la cause et l’hôte de la population déplacée. Ce qui accroît le défi, c’est que les déplacements internes causés par les conflits et la violence sont dans la plupart des cas motivés par des causes internes et ne peuvent donc pas être traités isolément de leurs causes, telles que: La grave insécurité alimentaire ou les famines qui surviennent souvent en conséquence d’événements politiques, toutes les famines s’étant produites depuis les années 1980 dans les pays touchés par les conflits, la fragilité et la violence.

En ce qui concerne l’avenir, la BM se réjouit d’atteindre trois objectifs en soutenant les communautés déplacées de force:
  1. Offrir des opportunités de développement social et économique aux personnes déplacées et à leurs communautés d’accueil et atténuer les chocs causés par l’afflux de réfugiés et de déplacés internes.
  2. Faciliter des solutions durables aux situations de déplacement prolongées, en adoptant une approche d’inclusion socio-économique durable pour les réfugiés dans les pays d’accueil, ou de rapatriement dans leur pays d’origine.
  3. Renforcer la préparation des États à répondre aux crises de déplacement forcé.
Facteurs globaux
Les défis de CVF deviennent de plus en plus internationaux, traversent les frontières et créent des conditions régionales et mondiales qui se transforment souvent en crises sur plusieurs fronts, dans un monde où la communication, les idées, le financement et la criminalité circulent. De nombreux conflits se sont transformés en problèmes complexes avec des liens internationaux, régionaux, nationaux et sociétaux, ce qui explique en partie pourquoi il est difficile de relever ces défis dans le seul cadre local.

Parmi les facteurs mondiaux, les plus importants, qui affectent et sont affectés par les CVF figurent ce qui suit:
  1. Changement climatique; car il est​ prévu que d’ici 2030, les effets climatiques plongeront 100 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté, et d’ici 2050, environ 143 millions de personnes pourraient devenir des migrants climatiques. La déstabilisation qui en résulte devra toucher trois principales régions: L’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique latine.
  2. Défis démographiques; tels que les taux de fécondité élevés et l’entretien des jeunes. Ces défis peuvent entraîner des taux de pauvreté plus élevés, des niveaux de garde d’enfants plus faibles, des taux de chômage plus élevés et un risque accru de troubles et d’instabilité.
  3. Justice défectueuse; notamment la justice du genre, ce qui aggrave la situation de fragilité car le pourcentage de familles prises en charge par des femmes augmente avec les conflits et la violence.
  4. Transformation numérique; elle affecte positivement la promotion de la paix, mais peut avoir aussi un effet négatif sur l’élargissement des écarts économiques conduisant à l’exclusion, ainsi que la création d’un territoire clandestin où sévissent les réseaux criminels et les groupes extrémistes.
  5. Commerce illicite; les réseaux criminels et les groupes extrémistes ont bénéficié de la facilité de circulation et de la transformation numérique pour s›adonner au commerce prohibé et interdit.
Cadre stratégique
L’objectif de la stratégie de la BM sur les CVF comme noté dans le rapport, est d’aider les pays, en particulier les plus vulnérables, à s’attaquer aux moteurs et aux impacts de ces problèmes et de renforcer leur résilience. La stratégie définit un nouveau cadre pour comprendre les CVF et présente un ensemble de mesures solides pour accroître le soutien aux pays à revenu faible et moyen, confrontés aux divers défis de ces trois composantes, de violence, de déplacements traumatisants et de conflits.

La stratégie de lutte contre les CVF s’appuie sur un ensemble de contributions, - dont les examens successifs du Groupe d’évaluation indépendant (LEG), les consultations mondiales menées en 2019 et les enseignements tirés d’expériences pratiques - pour s’attaquer aux causes profondes de fragilité et les risques à long terme qui pourraient conduire à la fragilité, aux conflits et à la violence, ou les exacerber.

L’une des hypothèses de base de la stratégie est qu’étant donné la diversité des défis de CVF, il ne peut y avoir d’approche unique, et chaque approche doit être adaptée aux circonstances spécifiques de ces CVF dans chaque pays, à travers des cadres de partenariat et de programmes nationaux conçus pour s’attaquer aux causes profondes de la fragilité, nécessitant un travail de terrain dans les environnements les plus difficiles, et la poursuite des acteurs de développement impliqués à long terme, pour faire face aux situations de conflit et de crise.

Les expériences opérationnelles ont abouti à quatre fondements qui peuvent être ajoutés à la stratégie pour relever les défis de CVF qui sont:
  1. Prévenir les conflits et la violence interpersonnelle en s’attaquant aux facteurs de fragilité et aux risques immédiats et à long terme, tels que le changement climatique, la discrimination, l’exclusion économique et sociale et les griefs, avant que les troubles ne se transforment en conflit aigu.
  2. Préserver, pendant les conflits et les crises, les acquis de développement, protéger les institutions de base, renforcer la résilience et préparer la reprise future.
  3. Aider les pays à sortir de l’état de fragilité en renforçant les moyens pouvant renouveler le contrat social entre les citoyens et l’État, le secteur privé local et la légitimité et capacités des institutions.
  4. Atténuer les effets des CVF en soutenant les pays et les communautés les plus vulnérables touchés par les crises transfrontalières telles que les déplacements, les chocs dus à la famine et aux épidémies et les changements climatiques et environnementaux.
La BM s’intéresse à six questions hautement prioritaires pour faire face aux situations de CVF: Investir dans le capital humain, soutenir la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette, créer des emplois et des opportunités économiques, soutenir la justice et l’État de droit, développer le secteur de la sécurité et renforcer la résilience des communautés locales, en particulier dans des conditions de changement climatique et de dégradation de l’environnement. La stratégie reconnaît l’importance de rechercher des solutions dans les secteurs public et privé pour aider à créer des opportunités d’emploi, fournir des services, renforcer la cohésion sociale, promouvoir la croissance économique inclusive, développer l’environnement de croissance, soutenir les acteurs locaux du secteur privé, stimuler les investissements et éliminer les risques de fragilité et de conflit. La stratégie reconnaît également que travailler dans des environnements de CVF comporte des risques élevés, tels que: Risques pour la sécurité physique des employés, violence contre les groupes vulnérables, capacités institutionnelles faibles ou absentes, risques environnementaux et sociaux, manque de gouvernance, fraude et corruption.

À la lumière de ces dangers, il est très important de traiter avec les organisations humanitaires internationales, les ONG, la société civile et les acteurs locaux, en raison de leur large présence sur le terrain dans les zones difficiles d’accès, ainsi pour leurs expériences pratiques et techniques dans les environnements de CVF.

Interventions régionales
80% des pays qui figuraient sur la liste des pays fragiles et touchés par des conflits en 2012 sont toujours les mêmes aujourd’hui, et ces États ont souvent tendance à s’impliquer dans la violence et à menacer leurs voisins. Ils abritent des groupes extrémistes, des trafiquants d’êtres humains et contribuent à la migration forcée vers les pays voisins. La BM se préoccupe des effets négatifs des CVF sur la population en général, en particulier les plus vulnérables et marginalisés qui vivent dans ces conditions, qu’ils résident dans des zones reculées, dépourvues de services de base, ou ceux qui vivent dans la peur constante en raison des niveaux élevés de violence observés dans leurs régions.

Le soutien aux pays qui se remettent d’un conflit violent ne nécessite pas forcément un accord de paix formel pour la reconstruction. Pour les pays dotés d’institutions fonctionnelles et de niveaux élevés de capital humain, la reconstruction doit suivre une voie différente de celle de ceux soumis à un état de fragilité extrême, car ils doivent accorder la priorité à la cohésion sociale et à la lutte contre les moteurs à long terme de la violence.

Ces pays connaissent des niveaux élevés de violence, une faible capacité gouvernementale, un accord faible ou absent entre les élites et la possibilité que l’État soit contrôlé par des acteurs aux besoins distincts de ceux de la population.

La fragilité ne se limite pas aux facteurs de conflit, mais comprend des risques multiples et interdépendants qui affaiblissent les systèmes et menacent les vies, dont le changement climatique, les catastrophes environnementales et la dégradation des ressources naturelles, exerçant une pression sur les systèmes économiques, sociaux et politiques. Si les institutions et les gouvernements sont incapables de gérer ces pressions ou d’absorber leurs chocs, les dangers pour la stabilité des États et des sociétés augmentent et conduisent à des déplacements forcés plus graves que n’en provoquent les conflits.

Il est très important que les interventions visant à résoudre les CVF s’accompagnent de la protection et de la promotion du capital humain, tâche peu facile, car la prestation des services sociaux est plus complexe dans les environnements fragiles qui manquent de ressources, où les institutions ont des capacités limitées et où les conflits et la violence entravent la mise en œuvre des projets. L’indice du capital humain montre que les pays sous le choc de la fragilité accusent un retard considérable par rapport aux autres pays pour chaque indice du capital humain. Par conséquent, on peut dire que la protection et le développement du capital humain sont l’une des raisons les plus importantes de la résilience dans ces pays. Cela signifie que la résolution des CVF doit aller de pair avec le développement humain. De nombreux facteurs de violence et de vulnérabilité sont étroitement liés au développement humain, faisant de l’éducation, de la santé et de la protection sociale des débouchés essentiels pour lutter contre les effets de la violence. À cet égard, les programmes de lutte contre les CVF doivent être adaptés aux besoins des groupes à risque, à savoir:
  1. Les enfants qui ont besoin de nutrition, d’éducation et de soins de santé de base.
  2. Les femmes exposées au risque de violence sexiste ayant besoin d’accès équitable à l’éducation et au travail, et de représentation dans la prise de décision aux niveaux familial, communautaire et national.
  3. Les jeunes ayant besoin d’opportunités d’emploi, de compétences et de participation à la construction de la société, en particulier ceux qui aspirent à apporter une contribution sérieuse à leur société.
Activer la stratégie
La BM a élaboré vingt-trois mesures dans le cadre de la stratégie de CVF pour améliorer sa faisabilité. Ces mesures se divisent en quatre sections principales: Politiques, programmes, personnels et partenariats.

Les politiques établissent un cadre de participation aux crises humanitaires et aux situations de déplacement forcé, ainsi que des directives pour la gestion optimale des acteurs sécuritaires et militaires, afin de garantir que les processus et les pratiques sont adaptés à leur objectif, faciles à mettre en œuvre et flexibles.

Les programmes s’attaquent aux facteurs de CVF, en utilisant des méthodes adaptées aux conditions complexes et fluctuantes des environnements difficiles.

Quant aux personnels, la BM tient à les augmenter sur le terrain dans les environnements complexes, et à accroître l’investissement dans les connaissances, compétences et expertise nécessaires pour eux, tout en leur fournissant constamment des incitations appropriées.

Quant aux partenariats, la Banque les promeut activement auprès d’organismes actifs et influents dans les domaines de l’humanitaire, du développement, de la sécurité et du secteur privé pour obtenir de meilleurs résultats sur le terrain dans les situations les plus difficiles, sur la base du principe de complémentarité et d’utilisation des avantages disponibles.

Avec le renforcement du travail sérieux sur le terrain et le développement des compétences et de l’expérience du personnel travaillant à faire face aux effets des CVF, la stratégie devrait mieux réussir à aider les gouvernements et le secteur privé à renforcer leurs capacités, à planifier et mettre en œuvre des projets.

Leçons apprises
Le rapport documente les leçons tirées des expériences de gestion des CVF dans diverses régions du monde, dont les plus importantes sont:

1- Vers une approche proactive
L’action de la BM est passée de l’intérêt pour la reconstruction post-conflit à la résolution des problèmes, en abordant la fragilité de manière globale, fruit d’un changement majeur dans sa perception de la fragilité et sa conviction que les défis liés à la fragilité ne peuvent être résolus par des solutions à court terme et partielles, ou en l’absence d’institutions qui offrent aux personnes sécurité, justice et emplois. Il est nécessaire que les stratégies adoptées à cet égard soient flexibles et capables de résister en temps de crise, qu’elles soient basées sur la réalité et les conditions du pays dans lequel elles sont appliquées, et qu’elles tiennent compte de tous les aspects juridiques, financiers, situations culturelles et historiques. Cela passe sans doute par le changement d’approche de CVF.

Les Rapports sur le développement dans le monde ont souligné le lien étroit entre sécurité, justice et développement. Le rapport, conjoint des Nations Unies et du Groupe de la Banque Mondiale 2018 (Chemins de la Paix), appelle à prêter attention à la prévention, en donnant la priorité aux approches globales de développement qui peuvent aider à prévenir et à atténuer les menaces avant qu’elles ne deviennent trop enracinées.

2- Limites des interventions de développement
La BM doit aborder son engagement en matière de développement de manière réaliste. En fin de compte, les conflits et les crises ne seront résolus que par des processus politiques, et les meilleurs plans stratégiques ou programmes de développement bien conçus peuvent gagner des guerres ou assurer la paix sans effort politique aguerri. Cela ne nie pas le fait que les interventions de développement contribuent, grandement, à s’attaquer aux moteurs CVF et poussent à l’obtention de résultats significatifs.

3- La réalité prévaut aux guides
Les programmes doivent être méticuleusement préparés pour traiter et analyser les moteurs de CVF d’une manière qui tient compte de la réalité de la situation. Dans de nombreux cas, le diagnostic systématique des situations de conflit et de fragilité dans un pays ne diffère pas de manière significative du diagnostic fourni dans les guides de CVF, ce qui impose de concevoir les programmes CVF pour répondre aux contextes locaux et en faire leurs priorités.

Fait intéressant, les opérations de crise ont tendance à bien fonctionner, car elles sont (concentrées), faciles et réalistes; mais il est difficile de planifier avec précision des programmes ou des projets sur un horizon de cinq ans, ce qui montre que les programmes et projets dans les environnements fragiles ont besoin d’une grande flexibilité pour pouvoir s’adapter rapidement aux circonstances fluctuantes.

4- Rationalisation du financement
Les modalités de financement des programmes de lutte contre les CVF doivent être calibrées pour éviter l’approche traditionnelle des pays à faible capacité institutionnelle recevant trop peu de financements, ce qui limite la faisabilité de ces programmes. Des améliorations peuvent provenir de l’adoption de meilleurs plans et programmes, plus présents sur le terrain, et de la mise en œuvre de petits projets plus réalistes.

Les institutions financières internationales ont mis à disposition 14 milliards de dollars à prêter aux pays (éligibles) touchés par les conflits et la fragilité. Ces institutions ont promis d’augmenter leurs engagements d’investissement dans la résolution des situations de fragilité et de conflit, de 40% d›ici l›exercice 2030, dont 15 à 20% seront alloués aux pays à faible revenu.

5- Nécessité de la gouvernance
La bonne gouvernance est d’une grande importance pour faire face aux défis de CVF. La faisabilité des programmes visant à remédier à la fragilité par le développement ne sera atteinte dans aucun secteur, de la santé et de l’éducation à l’agriculture et à l’emploi, à moins que la gouvernance de base du pays ne soit forte, précise et inclusive. Les faiblesses de la gouvernance sont l’un des principaux moteurs chroniques d’échec et de fragilité. Pour y remédier, il faut l’améliorer et moderniser ses procédures à long terme, en améliorant la sécurité des citoyens, en respectant l’État de droit, en créant des systèmes de responsabilisation, en soutenant les systèmes de services et en encourageant la participation des citoyens.

Les progrès en matière de gouvernance et de lutte contre la fragilité ne sont peut-être pas linéaires, mais les efforts qui y sont consacrés contribuent à assurer la résilience et la stabilité à l’avenir et aident à renforcer la légitimité et la confiance dans les institutions, à s’attaquer aux facteurs de CVF et à réformer le contrat social.

6- Développer les systèmes d’exploitation et le personnel
Il est nécessaire de fournir des sources de soutien au personnel travaillant dans des conditions de CVF et de développer leurs capacités. Le bon personnel qualifié sur le terrain est important pour la mise en œuvre réussie du projet. Les employés résidents sont plus à même de comprendre l’économie politique et fournir un soutien proactif aux clients dans la préparation et la mise en œuvre des opérations. Cependant, cela risque de ne pas se faire facilement. L’impression prédominante parmi les personnels actifs dans des situations de fragilité et de conflit est que leur action ne fait pas toujours avancer leur carrière, ce qui nécessite de leur faire sentir que leurs efforts dans ces environnements difficiles sont appréciés.

Les systèmes opérationnels doivent être adaptés et mis à jour pour qu’ils soient toujours être aptes à l’usage. Travailler dans le domaine des CVF signifie de traiter en permanence avec les acteurs non étatiques, la société civile et les acteurs sécuritaires et militaires, dans des contextes en proie à des crises humanitaires et à des déplacements forcés. Dans ces contextes, la clarté sur les politiques et les plans des groupes de travail est importante pour que le personnel soit conscient, efficace et flexible au besoin.

7- Atténuer les risques
Traiter les CVF comporte de nombreux risques difficiles à atténuer. Des risques supplémentaires peuvent apparaître lors de la mise en œuvre des projets, ce qui nécessite de recourir à une approche claire et globale pour réduire ces risques et détecter les faits inattendus avant qu’ils ne se produisent. Ce traitement implique des coûts plus élevés et des investissements supplémentaires dans les données et l’analyse, la sécurité et la collaboration avec les partenaires. Tous ces facteurs augmentent la pression sur le budget.

8- Partenariats efficaces
Les partenariats pratiques pour faire face aux CVF sont essentiels en particulier, lorsqu’ils sont liés à des missions spécifiques et basés sur les avantages comparatifs de chaque partenaire parmi les organisations de la société civile locale, le secteur privé, les donateurs, les banques de développement et les agences de l’ONU. Les partenariats nécessitent beaucoup de temps et d’efforts, impliquent des coûts importants et un suivi sérieux, afin d’atteindre les résultats escomptés à partir des contributions de chaque partenaire.

9- Données mises à jour
Le travail sur les CVF exige une approche particulière envers les données souvent faibles et incomplètes dans ces contextes. Mais il existe désormais des moyens innovants de collecter des données ou de s’appuyer sur les données des partenaires. Ces dernières années, des solutions numériques ont émergé pour relever les défis liés aux données. Mais de manière générale, les équipes doivent agir différemment avec les données d’évaluation des CVF. Il est également important d’aider les gouvernements à long terme dans l’amélioration de leur environnement de données pour pouvoir adopter des politiques fondées sur des données probantes.

10 - Contribution du secteur privé
L’impact des situations de CVF est important sur le secteur privé et son développement, bien qu’il soit une source principale de croissance, de création d’emplois et de renforcement de la résilience des sociétés. Mais les défis à relever pour renforcer la sécurité du secteur privé dans ces environnements sont nombreux et complexes, tels que les coûts élevés des affaires, le manque de compétences, l’absence d’État de droit, la faiblesse des infrastructures et des chaînes d’approvisionnement et la gestion des risques financiers élevés, tels que les activités illégales, la corruption et les pots-de-vin, ainsi que d’autres risques environnementaux et sociaux.

Pour contrer tout cela, la BM a lancé plusieurs initiatives, dont l’Initiative des pays africains touchés par les conflits (CASA) en 2008, pour aider les pays en proie à des conflits et à la fragilité sur le continent à reconstruire leur secteur privé, à créer des emplois et à attirer des investissements. Avec le soutien de l’Irlande, des Pays-Bas et de la Norvège, l’initiative a été lancée dans quatre pays, puis étendue à 13 pays africains.

L’initiative concerne désormais le Sahel, le lac Tchad et la Corne de l’Afrique et soutient les méthodes régionales et sous-régionales de résolution des conflits dans ces régions. L’initiative a montré qu’il existe trois facteurs critiques pour le développement durable du secteur privé dans les marchés fragiles: La participation à long terme, l’intelligence du marché et le financement flexible. La présence d’équipes de terrain sur le terrain aide à collecter des informations correctes sur le marché, accélère la mise en œuvre du projet et fournit une communication plus claire avec les clients et les parties prenantes.
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N°38
Une publication mensuelle qui présente des lectures de rapports internationaux sur le terrorisme
27/06/2022 08:42