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03/01/2022
La pandémie mondiale de coronavirus a perturbé presque tous les aspects de la vie et créé une crise sociale et économique qui a favorisé les conditions propices pour l’émergence du discours subversif. Les extrémistes violents en Indonésie ont tenté de profiter de la situation tourmente mais les agences de sécurité gouvernementales ont su s’adapter au contexte à court terme. Les organisations de la société civile (OSC) et les associations populaires impliquées dans les initiatives de prévention de l’extrémisme violent (P/CVE) ont adapté leurs activités, en assurant la distribution de l’aide humanitaire et en transférant ces programmes sur Internet.

Vue d’ensemble
Maintenir l’enthousiasme à distance par vidéo-conférence n’est pas toujours aisé, et l’annulation des réunions (face à face) conduit à l’érosion des initiatives de confiance fragilisées lors de la propagation de l’épidémie de Coronavirus (Covid 19 ). L’une des leçons liées à l’épidémie est l’importance du leadership local proactif et inclusif, également valable pour la politique P/CVE. Les développements récents indiquent l’enthousiasme renouvelé du gouvernement indonésien pour la collaboration avec la société civile dans les efforts de prévention et de rétablissement de la confiance grâce à des initiatives menées localement.

Le (Covid 19) a lentement commencé au début de 2020 à occuper les gros titres de la presse. À la mi-mars, l’OMS a annoncé la pandémie mondiale. Les pays du monde ont fermé leurs frontières, et il n’était plus possible de connaître les conditions de certains.

Dans ce cas d’incertitude mondiale et de pression intense sur les décideurs gouvernementaux, les agitateurs dogmatiques et idéologiques ont commencé à exploiter de nouvelles opportunités pour saper la confiance dans les autorités publiques. Certains cherchaient à approfondir la fracture sociale, tandis que les plus extrémistes menaçaient de recourir à la violence terroriste. Faire face à ces développements n’a pas été facile pour les gouvernements épuisés par les défis de l’épidémie, quoique les militants de la société civile aient fait de gros efforts, mais la distanciation sociale les entravait.

Ce rapport examine l’impact de la pandémie de COVID-19 sur la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent en Indonésie. Les agences de sécurité indonésiennes ont adapté leurs opérations à ces conditions difficiles. Les programmes d’engagement personnel et communautaire ont été suspendus et remplacés par les contacts virtuels. Le succès fut limité, mais l’aide humanitaire délivrée par les organisations de la société civile impliquées dans la lutte contre l’extrémisme violent a permis de maintenir le contact et de garder l’espoir.

Le rapport commence par évaluer les méthodes adoptées par les organisations terroristes et les extrémistes dans différentes parties du monde pour faire avancer leurs objectifs pendant la pandémie. Il examine ensuite l’impact général de la crise de Coronavirus sur les programmes de lutte contre le terrorisme, en portant une attention particulière aux activités des extrémistes violents en Indonésie à ce stade. La deuxième section examine les ajustements apportés par les acteurs de lutte contre le terrorisme et de prévention de l’extrémisme violent en Indonésie tout au long des phases de bouleversement provoquées par la pandémie tels que les mises à jour dans l’application de la loi, de la justice pénale et des systèmes pénitentiaires, l’élaboration de nouvelles politiques et les efforts d’engagement communautaire. La discussion finale souligne l’utilité des programmes et fournit des leçons constructives de cette étape difficile.

Méthode adoptée
La recherche dans ce rapport se base sur des réunions consultatives détaillées avec un éventail de parties prenantes (25 à 30 personnes), des militants de la société civile (10 organisations impliquées dans des projets P/CVE, des représentants du gouvernement indonésien dont la police nationale, les services pénitentiaires, le ministère des Affaires religieuses et l’Agence de protection des témoins et victimes). Des discussions de consultation ont également eu lieu avec des experts nationaux et internationaux, dont des représentants d’organisations internationales, notamment l’OMS, l’OCHA et le CICR, par téléphone et vidéoconférence en 2020.

Le rapport se base également sur des sources secondaires tels que les reportages de médias, les articles de presse, les sites Web et les documents accessibles au public sur les législations et les réglementations du gouvernement indonésien. Le rapport n’a pas négligé les documents et résolutions des organes des Nations Unies, en particulier la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies et le Plan d’action P/CVE du Secrétaire général des Nations Unies.

Incertitude
La pandémie a fourni des opportunités aux organisations terroristes mais les a entravées aussi. De nombreuses attaques ont été lancées, mais le développement stratégique le plus important a été l’émergence de nouveaux récits de propagande. En ce sens, Daech a focalisé sur la Chine, affirmant que le déclenchement de l’épidémie était un châtiment pour le traitement réservé par le gouvernement au peuple musulman ouïghour, puis le récit s’est développé avec la propagation de l’épidémie, estimant que le Coronavirus était le «tourment douloureux de Dieu», ayant visé notamment les pays païens et infidèles.

Les suprémacistes blancs et les extrémistes de droite ont introduit des théories de désinformation et de complot dans le débat public, blâmant une multitude de facteurs dont la mondialisation, les groupes religieux et même l’infrastructure technique émergente.

Le rapport constate que les terroristes ont trouvé des opportunités pour mener des attaques, soit parce que les services de sécurité étaient distraits, soit à cause des dégâts spécifiques qu’une opération causerait en ce contexte délicat. Aux États-Unis, les forces de l’ordre craignaient que les néo-nazis ne propagent intentionnellement l’épidémie avec des fluides corporels. À cet égard, un extrémiste de droite a été abattu alors qu’il prévoyait de pilonner un hôpital dans l’État américain du Missouri. La police en Allemagne et en Espagne a arrêté des suspects de Daech avant qu’ils ne puissent agir, tandis que des attaques au couteau et à la voiture-bélier au Royaume-Uni et en France s’étaient inspirées de Daech.

Cependant, la mesure dans laquelle des opérations spécifiques ont été développées sur la base de la pandémie demeure très incertaine, l’intention d’inciter à la désunion en ligne étant toutefois évidente. Des agitateurs et recruteurs radicaux ont cherché à exploiter l’incertitude entourant la pandémie, tout en profitant également de la situation de confinement. Certaines organisations terroristes ont exploité les difficultés économiques liées à l’épidémie pour saper la confiance dans les gouvernements nationaux, dont beaucoup avaient du mal à faire face aux appels d’aide. Quand les institutions étatiques s’avèrent incapables de fournir les services sociaux adéquats, le vide est comblé par les acteurs non étatiques à travers les aides et les collectes de dons caritatifs distribués selon un plan efficace.

Des groupes radicaux ont fourni de l’aide humanitaire et des soins de santé pendant l’épidémie. Des photos et vidéos de ces groupes distribuant des masques et des stérilisateurs ont attiré l’attention, mais ces incidents seraient plutôt de la propagande, car les organisations terroristes elles-mêmes n’ont pas été épargnées par les troubles et les risques sanitaires du Covid-19. Les partisans de la ligne dure et les extrémistes violents ont cherché également à exploiter les soulèvements de 2020, mais rien ne prouve qu’ils ont obtenu un succès pratique au-delà des campagnes de propagande et de désinformation.

Coronavirus et terrorisme
Le rapport nous indique que les restrictions de mouvement, ayant facilité le contrôle des terroristes, risquaient de soulever des griefs. Alors que les ressources de l’État s’épuisaient pour répondre à la pandémie dans le monde, les observateurs craignaient que les garanties de sécurité nationale (dont les activités antiterroristes) ne s’amenuisent, ouvrant la voie aux extrémistes pour profiter de la situation. Les armées et les services de sécurité de nombreux pays ont été chargés d’assurer la santé publique et de veiller à la distanciation sociale, ce qui a soulevé des questions sur les relations civilo-militaires développées dans certains pays.

Quant aux opérations de lutte contre le terrorisme, les mesures de confinement et les points de contrôle ont offert des opportunités uniques dans des contextes spécifiques pour les services de sécurité, pour surveiller et interroger les personnes, ce qui peut déjouer des complots à court terme. Les restrictions de voyage imposées par la pandémie ont rendu la vie difficile aux terroristes potentiels, et compliqué, retardé ou entravé leurs plans. Cependant, certains craignaient que les tactiques coercitives excessives aient violé parfois les droits humains, exacerbant les griefs générateurs du terrorisme. Ainsi, les avantages de sécurité à court terme peuvent engendrer des conséquences très différentes à long terme.

Certains observateurs soutiennent que les défis supplémentaires auxquels sont confrontés les services de police dans différents pays pendant la pandémie peuvent nuire aux relations entre la police et les citoyens, affaiblir les relations de confiance critiques et tarir les échanges d’information entre eux. Les prisons qui adoptent des mesures d’urgence pour prévenir l’infection ou traiter les épidémies parmi les détenus, ont souvent suspendu les programmes de réhabilitation.

Puisque l’extrémisme en ligne s’est intensifié pendant la pandémie, il a été décidé d’intensifier les campagnes de «contre-messages», mieux adaptées au travail à domicile. Toutefois, les experts ont noté leur faible impact, vu qu’il n’est pas aisé de faire appel aux mêmes types d’émotions que les extrémistes exploitent via leur propagande numérique.

En plus des difficultés de confinement et de distanciation, les programmes de P/CVE sont partout menacés de coupes budgétaires car les ressources sont détournées vers la santé publique et la lutte contre les épidémies. 

Suite à une enquête sur l’épidémie impliquant 50 ONG travaillant avec les Programmes de P/CVE dans huit pays en développement à travers le monde, le Fonds mondial pour l’engagement et la résilience de la communauté (GCERF) a suggéré que les organisations donatrices commencent à accorder plus d’attention, à long terme, au renforcement des capacités des acteurs locaux à agir de manière indépendante et durable. La plupart de ces questions importantes à l’échelle mondiale sont également valables lorsque l’on considère la situation de l’Indonésie.

Agitateurs doctrinaux
L’extrémisme violent s’est renforcé parmi les militants d’organisations terroristes en Indonésie via Internet et les attaques meurtrières visant les forces de l’ordre se sont poursuivies. Ceci est en grande partie lié à la montée de Daech, qui a revigoré un mouvement lâche, apportant une «marque» exclusive d’extrémisme violent. L’un des détails étranges de ce nouveau terrorisme était l’attrait de (la théorie eschatologique) ou la théorie de (la fin des temps), qui était un aspect important du récit de Daech en Syrie, lorsque les «croyants» s’attendaient à une épopée finale annonçant la fin du monde ! 

Lorsque l’épidémie du Covid-19 a éclaté, de nombreux partisans de cette théorie ont cru à la fin et ont choisi de rester chez eux et d’attendre, ce qui signifie que le virus a eu un effet de sourdine sur l’activité terroriste dans certains réseaux pro-Daech en Indonésie. Si la participation directe a diminué, l’activité en ligne a considérablement augmenté. Le début de l’épidémie s’est caractérisé par les accusations contre la Chine et son peuple, créant ostensiblement une sorte d’accord entre les extrémistes pro-Daech et certains extrémistes d’organisations religieuses, en relation aux ouïghours de Chine. Des allégations en Indonésie concernaient le gouvernement du Premier ministre indonésien Jokowi accusé de servir les intérêts commerciaux chinois à Jakarta, notamment dans le domaine minier.

Les théories du complot ont proliféré sur les réseaux sociaux, avec des allégations d’infiltration chinoise secrète en Indonésie. Pendant le Ramadan, les analystes des réseaux sociaux en Indonésie ont remarqué une augmentation significative de l’utilisation du terme (califat) sur les principales plateformes telles que Twitter et Instagram. Cependant, rien ne prouvait que cette augmentation ait été motivée par des individus ou des réseaux terroristes. Le gouvernement indonésien a été accusé d’avoir mal géré l’épidémie, et on parlait du système de Califat offrant des services publics meilleurs que ceux menés par le gouvernement.

À l’instar des extrémistes de l’extrême droite ailleurs dans le monde, certains ont fait valoir, sans preuves à l’appui, que les gouvernements autoritaires ont géré l’épidémie avec plus de pertinence que les administrations démocratiquement élues. La police indonésienne a arrêté certaines personnes pour diffusion de mensonges, quoique la société civile ait contribué systématiquement au démenti de ces mensonges, comme en témoigne la vidéo montrant un Chinois s’infiltrant dans le pays via l’aéroport de Java-Est, et qui s’est avéré plus tard être un ouvrier en visite, manifestant par peur d’être renvoyé en Chine après l’expiration de son contrat en Indonésie.

Un autre post publié par un groupe Facebook a affirmé que 19 aéroports indonésiens étaient classés comme points de transit secrets pour les migrants chinois depuis 2014. Un clip vidéo largement diffusé dans l’ouest de Sumatra a affirmé que des résidents locaux ont incendié des actifs miniers chinois après une réception officielle pour les touristes chinois lors du déclenchement du (Covid 19) à Wuhan.

Incidents lors de la pandémie
En août 2020, la police indonésienne a arrêté 17 membres de la «Jama’a Islamiyah» pour complot visant à attaquer des commerçants chinois à Java occidental. Le Coronavirus a causé la reprise des activités des «Mujahideen d’Indonésie Timor MIT». Cette évolution inquiétante mettait en évidence la résilience du groupe face aux revers majeurs qu’il avait subis, lorsque la police et l’armée indonésiennes ont mené une opération conjointe dans laquelle ont participé plus de 2000 membres pour traquer le leader fondateur du groupe, surnommé Santos.

En avril 2020, le groupe armé a lancé une petite vague de violence, qui s’est soldée par la mort d’un policier, de deux agriculteurs locaux (dont l’un a été décapité) et de deux hommes armés tués par balles par la police. Les observateurs estiment que cette augmentation d’activité était une conséquence directe de la pandémie que l’Institut technologique du Massachusetts considérait comme un allié dans la guerre contre les ennemis de l’Islam, car l’épidémie tuait (les non-croyants) et affaiblissait les économies des opposants à Daech.

Le rapport parle brièvement de Poso, la petite ville décrite comme le «cœur symbolique» du soutien à Daech en Indonésie. Ayant souffert de conflits sociaux passés qui ont polarisé des combattants idéologiques de tout le pays, les attaques d’avril avaient eu un impact énorme en ligne. Mais l’activité terroriste en Indonésie depuis le déclenchement du Coronavirus ne s’est pas limitée à Poso. En juin 2020, les partisans de l’EI ont lancé deux attaques distinctes contre des policiers à Kalimantan et à Java central.

Des consultations avec des responsables de la sécurité ont révélé une préoccupation persistante selon laquelle les acteurs terroristes liés à l’EI en Indonésie avaient déjà considéré la pandémie comme une opportunité pour lancer de nouvelles attaques, estimant que les ennemis avaient été affaiblis. Il est rapporté que les terroristes ont discuté de la possibilité d’armer le Coronavirus d’une manière ou d’une autre, peut-être à travers des enfants infectés. De telles menaces sont potentiellement irréalistes et peu pratiques, mais elles démontrent au moins une volonté d’exploiter les circonstances uniques de la pandémie pour poursuivre les objectifs terroristes.

Action caritative
Selon le rapport, le (Covid 19) a fourni des opportunités de financement aux organisations terroristes en Indonésie. Des analystes ont signalé la contribution d’organisations caritatives à saper les initiatives de déradicalisation et de réinsertion des terroristes condamnés. Ces dernières années, un grand nombre de petites organisations ont émergé dont certaines avaient des liens présumés avec al-Qaïda ou Daech.

En 2020, certaines organisations caritatives ont modifié leurs activités pour soutenir des familles et des internats touchés par l’épidémie, toutefois les responsables de ces associations poursuivaient des objectifs opposés aux objectifs de l’État et de la société civile concernant la prévention de l’extrémisme par le bais de la participation communautaire.

Les difficultés économiques considérables peuvent renforcer le désespoir et les griefs, ce qui profite aux cibles terroristes. Le rapport constate que la réponse la plus réalisable et la plus durable face aux activités terroristes ayant trait à la pandémie est d’augmenter les investissements dans des initiatives communautaires locales qui s’attaquent aux facteurs contextuels sous-jacents à l’extrémisme violent.

Vaccins et troubles
Les vaccins et l’extrémisme violent partagent une histoire mouvementée. Après l’opération de 2011 au cours de laquelle Oussama ben Laden a été tué au Pakistan, des allégations sont apparues selon lesquelles un programme factice de vaccination a servi à déceler la cache de Ben Laden. Depuis fin 2012, des militants au Pakistan ont commencé à cibler les volontaires de la polio (dont beaucoup de femmes autochtones). Des cliniques ont été bombardées ou incendiées.

En 2018, le gouvernement afghan a demandé à des érudits musulmans de persuader les talibans et les combattants de l’EI de permettre aux unités de vaccination contre la polio d’agir librement. Les chefs religieux locaux en Indonésie pourraient aussi contribuer à apaiser les craintes et convaincre les gens de l’importance du vaccin.

Un porte-parole des talibans pakistanais (TTP) a revendiqué la responsabilité de nombreux incidents et déclaré qu’ils arrêteraient une fois que s’ils étaient convaincus que les agences d’espionnage n’utilisaient pas les vaccins pour les cibler. Les réseaux d’extrémisme violent considèrent par ailleurs la campagne de vaccination contre le coronavirus comme une opportunité de semer l’agitation et la discorde. Le rapport constate qu’une attaque contre les équipes de vaccination en Indonésie n’est pas exclue, mais il est probable que les partisans de l’EI chercheront à exploiter des récits anti-vaccins à travers les réseaux en ligne. Les récents sentiments indiquent qu’il ne sera pas difficile de semer les graines du doute. En effet, des rumeurs couraient sur les réseaux sociaux selon lesquelles les pistolets thermomètres infrarouges causaient des dommages cérébraux généralisés. Une campagne de vaccination aura besoin d’informations claires de la part d’envoyés de confiance dans les communautés ciblées. 

Les conditions du Coronavirus ont nécessité des mesures spéciales dans le domaine de la santé publique, mais la pandémie n’a pas empêché la police indonésienne d’enquêter et de détenir environ 100 extrémistes violents présumés contre moins de 300 au cours des douze mois de 2019. Une annonce ultérieure a déclaré qu’au moins 70 suspects de terrorisme ont été arrêtés entre le 1er juin et le 12 août, tandis que des opérations régulières ont entraîné davantage d’arrestations jusqu’au dernier trimestre de 2020. Mais il n’est pas certain que la légère baisse des effectifs à partir de 2019 soit liée à la pandémie.

L’Unité antiterroriste de l’Asie du Sud-Est a rapidement élaboré ses propres procédures opérationnelles standard pour des pratiques sûres dans l’environnement du Covid-19, comprenant des mesures pour protéger les agents de la contamination face aux détenus présumés, ainsi que d’autres pratiques pour atténuer le risque que leurs opérations facilitent la propagation de la maladie. 

Avec l’augmentation significative de l’utilisation des masques faciaux dans les lieux publics, il est devenu difficile de suivre les individus, en particulier les nouvelles cibles. Une semaine avant que le gouvernement n’introduise le règlement PSBB sur les restrictions sociales fin mars, la Cour suprême indonésienne a adressé une lettre aux juridictions inférieures les exhortant à introduire des mesures de distanciation sociale si nécessaire, y compris le travail à domicile.

Le ministère du Droit et des Droits de l’Homme, le Bureau du Procureur général et la Cour suprême ont soumis un protocole d’accord le 13 avril 2020, traitant de la mise en œuvre des procès pénaux par le biais de conférences et de réunions à distance. Le cas terroriste le plus important à ce stade était celui de deux dirigeants de la Jamaa islamiyah condamnés par une communication vidéo le 20 juillet pour avoir facilité le départ de ressortissants indonésiens en Syrie, pour s’entraîner ou combattre avec les groupes armés liés à al-Qaïda.

Prisons et réhabilitation
Fin mars 2020, les autorités compétentes en Indonésie ont pris la décision d’autoriser les détenus qui auront fait au moins les deux tiers de leur peine, à purger la prochaine phase «d’assimilation» de leur peine à domicile. Environ 50.000 détenus étaient éligibles au programme, qui n’incluait pas les criminels extrémistes violents.

Pour répondre aux besoins de santé publique de ceux qui sont restés dans leurs cellules, ainsi que des agents de garde, le Département général des services pénitentiaires a publié des directives concernant les opérations de stérilisation et encouragé la culture sur les terres des prisons pour améliorer la sécurité alimentaire. Le rapport parle de cours de formation organisés par l’Agence nationale de lutte contre le terrorisme (BNPT) ciblant les terroristes condamnés avant leur libération pour «déradicaliser» ceux qui vont être relâchés. Ces cours ont débuté début 2017 et ont accueilli quatre lots de détenus condamnés pour crimes terroristes, environ 6 à 9 mois avant leur libération. Les cours dispensés par des psychologues de l’Université d’Indonésie semblent être un élément constructif de cette initiative. Les cours ont été interrompus en mars, mais ont repris en mai via les salles vidéo, et selon l’expert principal, la mission a été un succès incroyable.

En juillet 2020, le nouveau commissaire général de l’Agence nationale de lutte contre le terrorisme (BNPT) Boy Ravli Amar a annoncé que le président Jokowi lui avait demandé de continuer à développer les programmes de lutte contre l’extrémisme et de renforcer la coordination avec le gouvernement et les organisations de la société civile. Début janvier 2021, le gouvernement a publié un règlement présidentiel (Perpres 7/2021) relatif à l’élaboration du plan d’action national indonésien de lutte contre l’extrémisme violent. La BNPT a lancé de nombreuses nouvelles initiatives de prévention et de coordination dont la création d’un centre d’informations sur toutes les activités liées à la P/CVE se déroulant à travers le pays.

Organisation et communication
La rhétorique conflictuelle et perturbatrice qui a fait surface sur les réseaux sociaux pendant la pandémie du COVID-19 a accru les inquiétudes concernant les attitudes en ligne ces dernières années. Après une série de mises à jour de la législation antiterroriste du pays en juin 2018, un règlement a été adopté 18 mois plus tard, décrivant l’approche du gouvernement à l’égard de l’extrémisme violent. Le règlement gouvernemental n° 77/2019 stipule que les initiatives P/CVE doivent être mises en œuvre par les parties concernées et coordonnées par la BNPT avec la participation des gouvernements régionaux.

Le règlement établit que la priorité de lutte contre l’extrémisme porte sur les contre-communications aux (croyances intellectuelles), (récits) et (propagande), à travers des actions médiatiques et personnelles, tout en valorisant les valeurs religieuses et nationales. Dans ce contexte, un groupe de travail d’érudits religieux a été formé à partir des deux plus grandes organisations islamiques : Nahdlatul Ulama et Muhammadiyah pour contrer la rhétorique extrémiste. Le règlement 77/2019 énonce l’intention de former des cyber-activistes communautaires et de leur permettre de travailler sur ces questions. D’autre part, une initiative financée par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), appelée Harmoni, soutenait les petites ONG indonésiennes aux idées spécifiques comme de favoriser la cohésion sociale en faisant revivre les spectacles artistiques locaux et en organisant des soirées musicales.

Les organisations de la société civile ont lancé dans une série d’initiatives P/CVE à travers l’Indonésie impliquant les mères dans les communautés rurales et les agents de probation qui travaillaient avec d’anciens délinquants. Mais à partir de fin mars, toutes les réunions en face-à-face ont été interrompues et les discussions se sont déplacées vers des plateformes de diffusion sur le Web, tels que Zoom, Skype et Google Hangouts. Un participant à Jakarta a déclaré : Avant, il fallait beaucoup de temps pour organiser des réunions dans le monde réel, mais maintenant nous pouvons rapidement organiser des réunions en ligne, ce qui est formidable.

Cependant, les avantages de la facilitation s’accompagnent de quelques mises en garde. Par exemple, les participants ont décrit la difficulté de maintenir un contact en ligne avec d’anciens détenus reconnus coupables d’infractions terroristes ayant réintégré leurs communautés. Il était difficile de susciter l’enthousiasme lors des réunions de sensibilisation en ligne.

L’Indonésie se classe au premier rang mondial en termes de philanthropie et de volontariat, et la pandémie a connu des campagnes de financement participatif pour soutenir les travailleurs de l’économie informelle à travers le pays. Les femmes étaient très affectées. La majorité des agents de santé étaient en première ligne et assumaient des responsabilités et des fardeaux supplémentaires à la maison. Les groupes de femmes sont devenus à l’avant-garde du travail bénévole humanitaire et ont apporté une contribution significative à la promotion de la cohésion sociale, ainsi qu’à la lutte contre la désinformation et la tromperie en ligne.

Le rapport évoque des développements importants parmi les extrémistes islamiques en Indonésie depuis l’émergence de l’EI, notamment la participation accrue des femmes dans toutes les activités du mouvement, du recrutement au lancement d’attaques, alors que les femmes étaient toujours sous-représentées dans les cercles officiels de lutte contre le terrorisme.

Victimes et survivants
La pandémie de COVID-19 et les pressions économiques qui en résultaient ont eu un impact plus profond et plus grave sur les groupes vulnérables de la société, y compris les victimes et les survivants de la violence terroriste en Indonésie. Les mises à jour de la législation antiterroriste du pays en juin 2018 ont précisé l’intention du gouvernement de fournir une indemnisation et un soutien émotionnel aux victimes de l’extrémisme violent, mais un règlement exécutif ultérieur était nécessaire pour clarifier les procédures.

Chose faite en juillet 2020 par la liste (Perturan Pemerintah) n°35/2020, que le président Jokowi a signée avec les parties prenantes autorisant des indemnisations rétroactives pour les actes terroristes survenus depuis 2002, dont les attentats à la bombe de Bali, qui ont tué près de 200 personnes et blessé plus de 200 autres. En plus de l’indemnisation, les victimes du terrorisme recevaient un soutien médical et psychologique.

La réponse à la pandémie de COVID-19 a clairement montré l’importance de la coordination entre les autorités centrales, régionales et locales. Les organisations de la société civile indonésienne travaillant sur les initiatives P/CVE tentaient de coopérer directement avec les services gouvernementaux locaux pour orienter le soutien là où il est le plus nécessaire. De cette manière, les relations de bonne volonté et de confiance ont été renforcées, quoique certains obstacles persistaient. À titre d’exemple, les responsables régionaux considéraient souvent la lutte contre le terrorisme, et encore plus les efforts de prévention, comme la seule compétence des agences de sécurité nationale de la capitale.

Conclusion du rapport
Les efforts résolus de lutte contre le terrorisme en Indonésie ont enrayé une nouvelle vague d’extrémisme violent déclenchée par la montée de l’EI au Moyen-Orient. Les services de sécurité indonésiens ont su poursuivre leur action malgré le déclenchement de l’épidémie du Coronavirus. Le développement des procédures opérationnelles et des directives de sécurité a permis aux dispositifs vitaux de maintenir leurs fonctions essentielles tout en respectant les restrictions de distanciation sociale et les précautions sanitaires associées. La police a continué de détenir des suspects de terrorisme et les tribunaux ont poursuivi avec succès les personnes accusées de crimes connexes.

Les procès pénaux ont été menés par (vidéo) et deux dirigeants du groupe islamique ont été condamnés, accusés d’avoir facilité le voyage de ressortissants indonésiens en Syrie pour s’entraîner ou combattre avec les groupes armés lié à al-Qaïda.

Les initiatives (face à face) de prévention contre l’extrémisme violent ou la récidive ont rencontré divers obstacles, mais les tentatives pour mettre en ligne certains de ces efforts devraient être maintenues lorsque le monde reviendra à la normale. Les cours de rééducation du centre de déradicalisation de Sentul ayant utilisé systématiquement la visioconférence en est la meilleure illustration. Cependant, la visioconférence a ses inconvénients. La technologie et l’infrastructure nécessaires sont encore peu répandues pour atteindre tout le monde. Dans un pays deux fois plus grand que l’Europe continentale et comptant plusieurs milliers d’îles, l’utilisation d’applications comme Zoom, du moins parmi ceux qui en ont les moyens, pourrait bénéficier à la coopération organisationnelle dans plusieurs domaines.

Les conditions structurelles instables, la diminution des opportunités sociales et économiques et l’augmentation des inégalités offrent un environnement fertile pour l’épanouissement des discours extrémistes. L’exclusion économique qui laisse derrière des segments de la population favorise le discours extrémiste et toute reprise économique qui ne laisse personne de côté désamorce l’environnement permettant aux discours extrémistes de gagner les faveurs populaires.

Le flux d’aide humanitaire et de soutien communautaire à travers l’Indonésie pendant la pandémie symbolise la résilience de la nation et suggère que cet ennemi commun à l’échelle mondiale a peut-être rapproché les gens. La pandémie semble avoir incité les gens du monde entier à réévaluer ce qui est important dans leur vie, et bien qu’une petite minorité puisse opter pour les voies de la haine et les activités perturbatrices, il est tentant d’être optimiste quant à l’émergence de sociétés plus fortes et plus solidaires. L’approche de la sécurité humaine pour prévenir l’extrémisme violent peut s’appuyer sur ce sentiment, confirmant un processus participatif qui part de la base, et dans lequel les sociétés participent activement à l’identification de leurs problèmes et à l’élaboration de solutions réalisables.
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N°33
Une publication mensuelle qui présente des lectures de rapports internationaux sur le terrorisme
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03/01/2022 13:18