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Les combattants terroristes étrangers

L’organisation terroriste Daech (État Islamique) a attiré l’attention sur le danger du phénomène des combattants terroristes étrangers (CTE) qui a précédé son émergence, mais l’organisation terroriste en a fait une menace pour la paix et la sécurité internationales. Au plus fort de l’essor de l’organisation en Irak et en Syrie, vers 2015, près de 40.000 personnes de plus de 120 pays se sont rendues dans les deux pays pour rejoindre les rangs de Daech.
La base de données d’INTERPOL sur l’EI comprend 53.000 noms, collectés sur les champs de bataille en Irak et en Syrie. Selon les estimations de la Coalition mondiale anti-Daech, il y avait moins d’un millier de terroristes de l’organisation dans le champ d’opérations de la Coalition fin 2017. Si le soi-disant État de Daech a disparu, or ce n’est pas le cas pour l’organisation toujours active dans nombre de pays, tels que le Yémen, Egypte, Libye, région du Sahel en Afrique et ailleurs.
Menaces et dangers
Les recherches indiquent que quelque 14.900 CTE ont quitté l’Irak et la Syrie, dont certains se sont échappés déguisés, sans chercher à retourner dans leurs pays d’origine craignant d’être traduits en justice, de perdre leur nationalité ou d’être soumis à d’autres sanctions. Ils ont cherché des sanctuaires dans d’autres pays et constitué des renforts aux groupes terroristes locaux.
Mais comment les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord font-ils face à ce danger imminent ? Ce rapport, émis par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, fournit aux pays de la région un manuel dédié aux instituts de formation judiciaire pour une gestion optimale des CTE de retour. Le rapport a analysé le phénomène, le cadre juridique permettant de lui faire face aux niveaux régional et international et présenté les meilleures pratiques pour mener à bien les enquêtes en ligne sur les crimes des CTE.
L’une des principales menaces auxquelles sont confrontées les juridictions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est le retour des CTE dans leur pays d’origine. Certaines études estiment qu’environ 15.000 personnes originaires des pays de la région se sont rendues en Irak et en Syrie entre fin 2012 et 2017, le nombre de femmes et d’enfants atteignant environ 35 %.
Lorsque l’EI a perdu le contrôle des terres qu’il avait saisies en Syrie et en Irak, des avertissements ont été émis selon lesquels les pays d’origine des CTE devraient se préparer à un afflux de rapatriés, mais le nombre de CTE rapatriés, bien qu’inquiétant, était beaucoup plus faible que prévu. On estime que 30 % des CTE sont rentrés chez eux ou ont déménagé dans un pays tiers. En novembre 2017, une équipe des Nations Unies estimait, selon les statistiques de 79 pays, qu’environ 7000 combattants étrangers étaient morts sur les champs de bataille, tandis que 14.900 autres avaient quitté les zones de conflit, dont 5395 sont actuellement emprisonnés, soit seulement 36 %. Parmi eux, 6837 combattants, soit 46 %, ne sont pas soumis au système de justice pénale.
Les CTE constituent sans aucun doute une menace exceptionnelle pour la région en raison de leur expérience au combat et de la formation qu’ils ont reçue au maniement des armes et des explosifs. Plus important encore, le sort de beaucoup d’entre eux est encore inconnu, car il existe un grand écart entre le nombre total de ces personnes et le nombre de ceux qui ont été comptés parmi les morts, détenus, renvoyés ou transférés.
Pourquoi reviennent-ils ?
Les motivations des CTE à revenir chez eux varient, certains étaient déçus face aux idéologies de l’extrémisme violent ou à la vie dans les territoires contrôlés par des organisations terroristes. D’autres voulaient rejoindre leurs familles ou améliorer leurs conditions sociales et économiques, ou bien pour commettre des attentats et promouvoir le du terrorisme dans leurs pays. Il y a une mise en garde sur la nécessité de faire la distinction entre les CTE qui se sont rendus en Irak et en Syrie à des fins terroristes, et ceux qui sont allés pour d’autres fins. De nombreux rapatriés ont quitté la Syrie avant que Daech ne déclare son prétendu califat en 2014, et la plupart de ces rapatriés (de la première vague) avaient d’autres motifs différents de se rendre à l’étranger, comme de s’opposer au régime syrien injuste ou fournir une aide humanitaire au peuple syrien opprimé.
Dans tous les cas, il n’est pas facile de prévoir la réaction des CTE rapatriés au fil du temps même s’ils subissent une évaluation psychologique et sécuritaire solide, car les circonstances peuvent les pousser à nouveau à rechercher des solutions violentes à leurs problèmes, surtout s’ils rechutent dans les mêmes conditions antérieures.
Le discours politique concernant les CTE rapatriés s’est concentré sur les risques sécuritaires qu’ils représentent. Dans de nombreux cas, l’EI a appelé les rapatriés à attaquer des cibles dans leur pays d’origine pour redorer le blason de l’organisation terroriste. On pense que les CTE rapatriés constituent un important risque pour plusieurs raisons, notamment : ils peuvent utiliser le réseau de relations qu’ils ont établi avec d’autres terroristes alors qu’ils étaient actifs à l’étranger, pour lancer des attaques à grande échelle. De même, ils constituent autant d’agents potentiels de l’EI à l’étranger.
L’examen empirique semble confirmer ces craintes, car l’un des indicateurs bien connus des opérations terroristes menées dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est l’existence de contacts réels entre l’EI et les exécutants. Une étude menée sur environ 510 attaques lancées par Daech en dehors de la Syrie et de l’Irak, jusqu’au 31 octobre 2017, a conclu que des CTE ont participé à plus de 25 % à ces attaques, dont 87 attaques ont été menées en dehors de leur pays d’origine.
En plus de leur participation directe à des attaques terroristes, les CTE ont contribué à la création d’un nouveau type d’action terroriste, à savoir les attaques dirigées par des (planificateurs virtuels) qui utilisent des communications sécurisées pour diriger les attaques à distance. 
Cependant, la menace des CTE rapatriés pour la sécurité ne doit pas être surestimée. Selon Europol, les attaques contre l’Union Européenne ont été commises par des terroristes nationaux qui ne se sont pas rendus à l’étranger pour rejoindre des groupes terroristes. Une étude du Service de recherche du Parlement Européen a conclu que la majorité des CTE rapatriés peuvent ne pas avoir l’intention de planifier des attaques terroristes à leur retour, avec très peu de cas réels de CTE ayant l’intention de lancer des attaques en Europe.
Par conséquent, on peut dire que les CTE rapatriés ne partagent pas les mêmes caractéristiques, car ils ne se sont pas tous rendus dans les zones de conflit avec l’intention de commettre des actes terroristes. Certains rapatriés, en particulier les femmes et les jeunes enfants, peuvent ne pas avoir reçu de formation au combat violent, ou commis des crimes violents. Après leur retour, certains d’entre eux se sont complètement retirés de toute activité extrémiste. Certains rapports indiquent que la participation d’anciens CTE a joué un rôle déterminant dans les efforts visant à prévenir l’extrémisme violent. En tant que tel, il n’est pas approprié de traiter tous les CTE rapatriés comme des attaquants terroristes potentiels.
La menace d’attaques par des CTE peut être classée comme à fort impact et à faible probabilité. La recherche révèle que seulement 18% des attaques menées en Occident, entre juin 2014 et juin 2017, ont été commises par des CTE connus. Pourtant, les attaques qu’ils ont menées étaient presque parmi les plus meurtrières. Une attaque a tué environ 35 personnes.
Dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord, les attaques terroristes locales soutiennent l’évaluation de l’équipe de l’ONU sur la menace des CTE dans la région comme «menace grave». Le principal défi pour les autorités de la région reste la détection et le suivi des intentions des CTE rapatriés.




20/04/2022 12:14