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Comment l’humanité paie-t-elle le prix de la violence et des conflits armés?
L’économie,  le nerf qui alimente les États et leur population, subit les répercussions sociales, politiques et sécuritaires, qui surviennent en particulier lors du déclenchement de troubles et de mouvements de violence. Le rapport “Revenu économique de l’état de paix dans le monde”, publié par l’Institut pour la Paix et l’Economie (IEP) présente dans ce contexte une étude détaillée des effets économiques de la violence, bien que les chercheurs qui l’ont préparée n’aient pas pu mesurer les effets économiques de toutes sortes de violences, mais ils ont mis en évidence les effets directs et indirects de la violence et du terrorisme sur l’économie mondiale en général, les économies des superpuissances et les économies émergentes.

Aperçu général
L’étude mesure le revenu quotidien moyen de l’individu, à la lumière des conflits et incidents terroristes que connaît le monde et surveille l’évolution de la situation pour le mieux chaque fois que les pays touchés par des incidents violents s’orientent vers un état de paix et de stabilité au niveau interne.

Les chercheurs attirent l’attention sur la différence significative entre le PIB de chacun des dix pays les plus touchés par la violence mondiale (par ordre de dégâts: Syrie, Afghanistan, Soudan du Sud, République centrafricaine, Somalie, Corée du Nord, Chypre, Irak, Venezuela et Soudan), et le PIB dans les dix pays les plus pacifiques (dans l’ordre: Islande, Nouvelle-Zélande, Portugal, Autriche, Danemark, Canada, Singapour, République tchèque, Japon et Suisse). On remarque que le PIB par habitant a beaucoup diminué dans les pays affectés, et a substantiellement augmenté dans les pays les plus pacifiques.

L’année 2017 a enregistré les taux les plus élevés de coût économique de la violence à cause de l’influence croissante de l’EI au Moyen-Orient. L’étude a souligné la forte relation entre la détérioration des conditions économiques dans le monde en raison de la violence et l’augmentation du volume des dépenses militaires annuelles dans certains pays, en particulier les principales économies comme l’Inde, la Chine et les États-Unis d’Amérique. Elle a également attiré l’attention sur le fait que la mesure des effets économiques de la violence est directement liée aux dépenses de chaque pays en matière de sécurité nationale intérieure et à l’augmentation des incidents violents individuels et des suicides.

L’étude a enregistré une diminution significative des taux d’effets économiques négatifs de la violence en 2019, par rapport à 2012 - 2017, période qui a vu le déclenchement de conflits armés en Syrie, Libye, Yémen et d’autres régions du Moyen-Orient. Le taux de terrorisme a régressé dans de nombreuses régions du monde, notamment au Moyen-Orient et en Asie du Sud.

Les chercheurs ont constaté que le phénomène de violence et des conflits armés contribue grandement à limiter ou à saper tous les efforts visant à instaurer la paix dans de nombreux pays. Cependant, il est convenu que toute amélioration significative de l’indice de l’état de la paix en général se reflète directement sur les conditions économiques mondiales.

L’étude indique aussi que les régimes démocratiques ont enregistré des taux plus faibles d’effets économiques négatifs résultant de la violence, tandis que les régimes autoritaires ont connu une nette augmentation de ces taux, ce qui signifie une diminution du revenu quotidien moyen de l’individu.
Le rapport portait sur trois sujets importants:
  • Les moyens de contrôler et de contenir la violence.
  • Les conséquences des conflits armés.
  • Les conséquences de la violence personnelle et des incidents de violence individuelle.
Expérience face à la violence
Dans le premier chapitre, le rapport focalise sur la relation étroite entre l’ampleur des effets négatifs de la violence et la capacité de contrôler les aspects liés aux événements violents eux-mêmes, en termes d’efforts déployés par les États pour saper les capacités terroristes et réduire les violences qui entraînent une augmentation des dépenses consacrées au traitement des blessés, ce qui affecte négativement l’économie mondiale et crée une sorte d’inégalité entre les individus.

Les chercheurs définissent les effets économiques de la violence comme étant «les dépenses matérielles engagées pour faire face aux conséquences du terrorisme et des événements violents, et pour les prévenir ou les limiter». Ces effets comprennent la détérioration des conditions économiques et humanitaires, la propagation du chaos et le faible niveau de vie de l’individu. Tout cela est dû au déclin de la production et signifie un effondrement complet des infrastructures publiques, des installations gouvernementales et des propriétés privées, surtout si la violence risque de déclencher des guerres. Les effets dévastateurs durent des années et causent des blessures difficiles à cicatriser.

Les chercheurs ont souligné que l’étude ne porte pas sur tous les types de violence connus mais se concentre sur certains types spécifiques de violence comme les meurtres individuels et les indicateurs s’y rapportant.

L’un des éléments importants auxquels l’étude fait référence est le suivi des effets économiques résultant des cas de violence potentielle et non seulement effective. Ainsi, si un pays est sur le point d’être impliqué dans des événements violents, il devra très probablement consacrer une plus grande partie de ses capacités financières aux dépenses militaires. La crainte d’éventuelles violences jette une ombre négative sur les infrastructures économiques, sociales, psychologiques et notamment sanitaires des pays. Tout pressentiment d’un danger imminent provoque un état de déséquilibre et de confusion dans toutes les institutions de l’État. 

​Effets économiques de la violence
La question urgente qui se pose est de savoir le prix que l’économie mondiale paie à cause du déclenchement d’événements violents.

Le deuxième chapitre montre que l’ampleur des effets économiques de la violence dans le monde en 2019 a été estimée à 14,4 trillions de dollars selon la mesure de parité du pouvoir d’achat, qui évalue le pouvoir d’achat de différentes devises des Etats du monde, sur la base du panier alimentaire de chacun d’entre eux. Ce chiffre équivaut à 10,5% du PIB mondial pour 1895$ par personne.

Les chercheurs ont observé une diminution de ce pourcentage au cours des deux dernières années de l’étude, de 64 milliards de dollars, soit 0,4% du PIB mondial. La principale raison en est le faible taux de conflits armés dans le monde, en particulier au Moyen-Orient.

L’étude a divisé les effets économiques, ou les pertes matérielles, résultant de la violence en trois catégories:
  • Effets et conséquences immédiats.
  • Effets et conséquences indirects.
  • Effets et conséquences multiples.
La première section comprend les conséquences directes qui ont des effets immédiats à la fois sur les victimes et les auteurs, et sur certains secteurs tels que les secteurs sanitaire, judiciaire et sécuritaire. La deuxième section comprend les conséquences indirectes qui se produisent à long terme, tels que la baisse de production, les effets psychologiques et sociétaux dévastateurs et la détérioration sécuritaire. La troisième section comprend les effets et les avantages économiques pour la société lorsque les dépenses irrécupérables sont converties en sources de revenus financiers, ce qui améliore les conditions économiques en général. Les chercheurs ont divisé les effets de la violence armée en cinq secteurs principaux:
  • Le nombre de morts à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
  • Les pertes massives de PIB. 
  • Les efforts de reconstruction de l’Etat. 
  • Le dossier des réfugiés hors frontières et des personnes internes déplacées.
  • Le nombre de morts et de blessés dus aux opérations terroristes.
Mais ils ont négligé l’élément du temps qui conduit à la hausse des coûts d’opportunités alternatives, qui sont des coûts associés au temps de croissance économique perdu, en raison des violences, car il s’agit d’une perte économique indépendante et non intégrée aux cinq éléments susmentionnés. Bien que sa mesure soit liée à des probabilités et non à des nombres certifiés, le temps demeure une partie intégrante de toute simulation économique globale du différentiel de croissance à moyen et long terme.

L’étude comprend d’importants indicateurs pour mesurer l’ampleur des effets économiques de la violence tels que les dépenses militaires et le nombre de morts, mais il existe d’autres indicateurs qui n’ont pas été inclus selon la mesure des progrès réels relatifs à trois importants indicateurs: la sécurité intérieure et la paix, les niveaux de militarisation (et de mobilisation des groupes armés combattants) au sein de l’État, et le conflit permanent.

Au niveau régional, le taux d’impacts de la violence a connu une amélioration remarquable en 2019 dans quatre régions du monde: le Moyen-Orient qui a enregistré le taux d’amélioration le plus élevé depuis 2018 de 6,9% (dont l’Irak qui a enregistré le plus de baisse), l’Asie du Sud, l’Asie du Sud-Est et la Russie. Les chercheurs ont enregistré la grande disparité dans la nature du contexte associé aux incidents violents entre une région et une autre. Ainsi, ils ont constaté au Moyen-Orient que les conflits armés avaient le plus d’impact, tandis que d’autres régions étaient très affectées par les incidents de violence individuelle comme la violence psychologique intentionnelle et la violence physique et sexuelle, comme en Amérique Centrale, en Amérique du Sud et aux Caraïbes.

Selon l’indice de croissance réel (GPI) en 2020, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud et les Caraïbes ont connu une augmentation significative de l’ampleur de détérioration de l’état de la paix publique en raison du nombre élevé de morts dues à des incidents violents, selon le rapport annuel publié par l’indice du terrorisme politique. Les chercheurs ont noté la grande similitude dans la nature des contextes associés aux incidents violents dans les deux régions, soulignant que les incidents de violence individuelle et d’homicides sont passés au premier plan, et donc les indicateurs élevés de détérioration aux niveaux économique et social sont attribués aux mêmes raisons dans les deux régions.

L’étude portait sur la région de l’Amérique du Sud et les Caraïbes car ces deux régions abritent huit des dix pays qui subissent les pertes économiques les plus élevées, compte tenu du PIB dues à des taux d’homicides élevés causés par le trafic de drogue. Selon le rapport annuel publié par l’American Gallup Corporation concernant l’indice de l’ordre public mondial, on constate que les citoyens de ces pays ont le moins de sentiment de sécurité et le plus de manque de confiance dans la capacité de leurs gouvernements et des systèmes de sécurité, de leur assurer la sécurité. Ces pays (dans l’ordre selon le pays ayant la plus forte augmentation des indicateurs de PIB et de PNB par habitant) sont: Le Salvador, La Jamaïque, Venezuela, Honduras, Tobago, Le Brésil, Guatemala, La Colombie, Le Mexique et La Guyane.

Quant à la région du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, bien qu’elle ait fait des progrès dans la réduction du coût économique des événements violents, elle demeure, selon le GPI, la région la moins sûre et la moins pacifique. Elle regroupe effectivement six des quinze pays dans le monde qui ont été classés comme les plus touchés par les effets de la violence, à savoir: Syrie, Irak, Yémen, Soudan, Libye et territoires palestiniens occupés. La Syrie arrive en tête de liste à cause du conflit armé et du nombre élevé de morts, blessés, réfugiés et personnes déplacées, notamment entre 2011 et 2017. Selon la même échelle, nombre de pays jouissent davantage de sécurité et de stabilité au Moyen-Orient, à savoir: le Koweït, le Qatar et les Émirats Arabes Unis. Il est à signaler ici qu’il y a de nombreux pays qui ont joui de la sécurité et de la stabilité au Moyen-Orient, notamment: le Sultanat d’Oman, qui n’était pas inclus dans le rapport, et l’Arabie saoudite, qui n’a enregistré aucun incident terroriste au cours des dernières années, à l’exception des attaques des Houthis par les drones et missiles balistiques, ainsi que le Royaume hachémite de Jordanie.

Dans cette partie, apparaît la nécessité d’introduire les attentes des investisseurs et les flux d’investissements directs étrangers pour savoir dans quelle mesure les conditions économiques se sont détériorées ou améliorées. L’impact sur le Moyen-Orient est en rapport direct avec l’ampleur des dangers politiques dans la région et les attentes pessimistes dues à la politique du bord de gouffre suivie par l’administration de l’ancien président américain Donald Trump et les dirigeants de Téhéran.
22/06/2022 12:59